vendredi 27 février 2015

LA VALIDITE DES ACTES JURIDIQUES FACE A L’INSANITE D’ESPRIT

INTRODUCTION

En vertu de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». Découle de ce texte la liberté contractuelle, selon laquelle chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de conclure un contrat librement sans condition de forme ou d'en fixer le contenu et de choisir son cocontractant, mais toujours dans les limites fixées par les dispositions d'ordre public.

I - La capacité : condition nécessaire à la validité de tout acte juridique

Pour qu’un acte juridique soit valable, encore faut-il que la personne qui s’y est engagée soit en capacité de contracter au moment de la signature de l’acte. Cette règle est d’ordre général en ce qu’elle s’applique à n’importe quel type d’acte juridique et notamment aux donations et testaments.

En effet, l’article 414-1 du code civil dispose que « pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ».

Et l’article 1123 du code civil dispose que « toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi ». En effet, selon l’article 901 du code civil, « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ». Par insanité d’esprit, il faut entendre toutes les variétés d'affection mentale par l'effet desquelles l'intelligence du disposant a été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.

Ainsi, entre dans le cadre de l’insanité d’esprit les maladies mentales, mais également les addictions susceptibles d’altérer les capacités de discernement (drogues, alcools), les personnes privées de raisonnement du fait de leur état physique (douleur, longue maladie etc…). Selon la Jurisprudence, l’origine du trouble mental est indifférente (âge, accident, maladie, absorption d’alcool, drogue etc..) et la durée du trouble est indifférente (le trouble peut survenir de manière ponctuelle, passagère ou être durable). De simples troubles physiques ne suffisent pas pour justifier une insanité d’esprit et obtenir l’annulation d’un acte juridique. Il faut en effet une absence de discernement au moment de la conclusion de l’acte juridique. Le trouble mental doit être suffisamment grave pour priver la personne atteinte du trouble d’un consentement libre ou éclairé. A contrario, cela signifie qu’un acte fait pendant un intervalle de lucidité est valable. En conséquence, lorsqu’une personne n’est pas saine d’esprit au moment de la signature de l’acte juridique, celui-ci peut être annulé.

II – Les personnes pouvant soulever la nullité de l’acte juridique pour insanité d’esprit

L’article 414-2 du code civil dispose :

« ''De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé. Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants : 1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ; 2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ; 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future'' ».

De son vivant, seule la personne ayant contracté un acte juridique peut agir en justice afin d’en obtenir la nullité.

Ce n’est qu’au décès de cette dernière qu’un héritier pourra invoquer la nullité dudit acte juridique auquel le défunt s’était engagé.

A ce titre, il sera souligné que les héritiers ne peuvent agir en nullité à l’encontre d’un acte juridique que dans certaines hypothèses définies à l’article susvisé, à savoir :

  • l’acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental,
  • ou l’acte doit avoir été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice,
  • ou si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future.

Toutefois, aucune condition ne leur est imposée lorsque les héritiers souhaitent obtenir la nullité d’une donation ou d’un testament.

III – Le délai de l’action en nullité

La personne souhaitant obtenir la nullité d’un acte juridique dispose d’un délai de 5 ans :


  • à compter du jour où le contractant a eu ou aurait dû avoir connaissance de son insanité d’esprit,
  • à compter du décès du contractant.

C’est ce qu’a jugé la 1ère Chambre de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013.

Cass. 1ère Civ., 20 mars 2013, n° 11-28318 « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que ce n'est qu'à l'ouverture de la succession et donc au décès de son auteur, que l'héritier a qualité pour agir et la possibilité d'exercer une action en nullité du testament pour insanité d'esprit ; qu'en retenant que le délai de prescription de l'action en nullité du testament commençait à courir le jour de l'acte contesté, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ».

IV - Preuves de l’insanité d’esprit

Il appartient au demandeur à l’action en nullité d’apporter la preuve de l’insanité d’esprit du contractant au moment de la conclusion de l’acte. La preuve de l’insanité d’esprit peut être rapportée par tout moyen.

Le demandeur à l’action en nullité doit prouver :

  • l’existence d’un trouble mental ayant affecté le discernement du disposant,
  • l’existence de ce trouble au moment de la rédaction de l’acte dont la nullité est sollicitée.

Si l’état d’insanité d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l’acte contesté, la charge de la preuve est renversée et il revient alors au défendeur à l’action en nullité de démontrer l’existence d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé. En général, les demandeurs à l’action en nullité d’un acte juridique ont recours à trois modes principaux de preuve pour établir l’insanité d’esprit.

Le rapport d'expertise

Le demandeur à l’action en nullité peut solliciter du Juge en charge de cette affaire la désignation d’un Expert Judiciaire ayant pour mission d’évaluer la capacité du contractant lors de la conclusion de l’acte juridique litigieux.

Si la preuve de l'existence de troubles mentaux peut être faite librement devant les juges du fond et relève de leur appréciation souveraine, une demande d'expertise psychiatrique doit être déclarée irrecevable lorsque la mesure sollicitée n'est pas motivée par l'ordre public ou par le souci de protection d'un éventuel incapable.

Le Juge peut également prendre en considération les conclusions du rapport d’expertise rendu dans le cadre d’une procédure relative à la mise en place d’une mesure de protection juridique.

Les témoignages

Toutes les personnes qui ont été amenées à côtoyer le contractant atteint d’une affection altérant ses facultés mentales peuvent témoigner en justice sur la capacité ou l’incapacité juridique de ce dernier au moment de la conclusion de l’acte juridique.

L’attestation ou le certificat médical du médecin

En principe, la violation du secret médical est sanctionnée pénalement, sauf lorsque la loi impose ou autorise la révélation de ce secret.

Cependant, le médecin qui intervient pour faire état de ses constatations relatives à l’insanité d’esprit de l’un de ses patients, est alors délié de son obligation de secret professionnel.

En effet, la Cour de cassation considère que le médecin est autorisé au sens de l’article 226-14 du code pénal à révéler des faits et informations médicales, dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa profession, aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir la protection du malade.

Cf. Cass. 1ère Civ., 22 mai 2002, n° 00-16305 : « Mais attendu qu'aux termes de l'article 901 du Code civil, pour faire une donation, il faut être sain d'esprit ; que, par l'effet de cette disposition qui vaut autorisation au sens de l'article 226-14 du Code pénal, le professionnel est déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession ; que la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation peut être faite non seulement à ce dernier mais également aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; qu'ayant relevé que les enfants de Constance B...- Y... avaient un intérêt légitime à rechercher si, à l'époque où elle a consenti la donation critiquée, elle était saine d'esprit, les juges du fond n'ont fait qu'exercer leur office en prescrivant une mesure d'expertise dont, en décidant que l'expert ne devrait communiquer le dossier médical à aucune personne mais seulement le consulter afin de pouvoir répondre aux questions de sa mission, ils ont exactement fixé les modalités ; que le premier moyen est en sa troisième branche nouveau et mélangé de fait, M. X... et le Conseil régional de l'Ordre des médecins de Loire-Atlantique n'ayant pas soutenu que l'accès aux informations contenues dans le dossier devait être la seule voie possible pour établir l'insanité d'esprit de Constance B...- Y...»

Cf. Cass. 1ère Civ., 2 mars 2004, n° 01-00333 : « Attendu, sur les autres branches, que, par l'effet de l'article 901 du Code civil qui vaut autorisation au sens de l'ancien article 378 du Code pénal alors applicable, le docteur B... a été déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession et, la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation a pu être faite aux experts et aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; que c'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a décidé que la remise du certificat du docteur B... aux experts n'était pas irrégulière, dès lors que ce témoignage constituait l'un des moyens de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit de Simone Y... lors de la rédaction des deux testaments litigieux et que, dans le cas contraire, l'héritier ou les légataires auraient été empêchés de faire valoir leurs droits » L’attestation qui émane d’un médecin traitant ou d’un spécialiste doit toujours établir de manière précise et étayée le trouble mental subi par son patient au moment où il a conclu l’acte. Un certificat trop bref, général ou imprécis ne suffit pas à établir l’insanité d'esprit ».

Il est à noter que le médecin peut renseigner un notaire, auteur d’un acte juridique, qui aurait un doute sur la capacité du contractant pour lequel il intervient.

A contrario : Cour d'appel Bordeaux, le 23 Mars 2010 « En application de l'article 901 du Code civil, il convient de déclarer le testament nul en raison de l'insanité d'esprit du testateur au moment de la rédaction de l'acte. En effet, il résulte d'une expertise judiciaire que le de cujus était dans un état de faiblesse psychologique et n'avait pas son libre arbitre, de telle sorte qu'un premier notaire avait refusé de recevoir le testament. Il ressort du dossier qu'il présentait au moment de la rédaction des signes confusionnels, un syndrome dépressif et qu'on ne pouvait considérer qu'il avait toute sa capacité mentale normale. Des témoins ont pu constater qu'il avait de grandes difficultés pour s'exprimer et qu'il tenait des propos incohérents. Il convient de retenir la responsabilité professionnelle du notaire qui, tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes, a omis de vérifier la capacité du testateur. En effet, il apparaît que le notaire ne connaissait pas son client, qu'il a constaté une certaine confusion mentale. Il aurait dû se renseigner auprès des médecins avant d’accepter de recevoir ce testament ».

IV – le cas particulier des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

Le pouvoir d’appréciation du juge quant à la capacité de contracter du contractant atteint de la maladie d’Alzheimer est différent selon qu’une mesure de protection a ou non été mise en place dans l’intérêt de ce dernier par le Juge des tutelles.

Lorsque le juge n’est pas tenu par une mesure de protection préexistante à l’acte juridique conclu, sa liberté d’appréciation est plus grande.

A l’inverse, lorsqu’une mesure de protection a été mise en place, seuls les actes que l’individu est autorisé à effectuer seul sont valables. Tout autre acte est par principe annulé pour défaut de capacité du majeur protégé.

1) Préexistence d’une mesure de protection

  • La sauvegarde de justice

La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial aurait été désigné (Cf. Article 435 du code civil).

  • La curatelle


La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille (article 467 du code civil). Dès lors, elle ne peut, sans l’assistance de son curateur, faire emploi de ses capitaux, ester en justice, effectuer une donation ou conclure un acte écrit.

En revanche, elle peut librement tester sous réserve d’être saine d’esprit.

  • La tutelle

Sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne sous tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.

Toutefois, le juge des tutelles peut toujours autoriser un majeur protégé à passer certains actes seul (Cf. Article 473 du code civil).

2) L’absence de mesure de protection

Dans cette hypothèse, il appartient au Juge de rechercher si, au moment de la conclusion de l’acte, le contractant était sain d’esprit.

En effet, les actes effectués par une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ne sont pas automatiquement remis en cause sur le fondement de son incapacité ou de son insanité d’esprit dans la mesure où, en l’absence d’un régime de protection, l’individu atteint de cette affection étant présumé lucide et ce, quand bien même ses facultés seraient en pratique gravement altérées (Cf. Cass. 1ère Civ., 4 juillet 2006, n° 05-12005).

Cass. 1ère Civ., 4 juillet 2006 : « ''Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie sur le fondement de l'article 503 du code civil, a d'abord constaté qu'il n'était pas discutable qu'au moment de la signature de l'acte de vente, Arlette X... était atteinte de la maladie d'Alzheimer et que cet état était connu des acquéreurs ; qu'elle a ensuite relevé, d'une part, qu'il résultait de l'acte lui-même que ni Arlette, ni Léone X... n'étaient privées de la capacité de le signer, d'autre part, que le prix retenu était conforme à l'estimation de l'expert relativement au rapport financier calculé au 1er juin 1992 et qu'enfin, l'acte avait été passé sous la surveillance et le contrôle du notaire de famille des sœurs X... contre lequel n'était établi ni mauvais conseil, ni acte de collusion avec les acquéreurs ; qu'elle en a souverainement déduit que la preuve n'étant pas rapportée que la vente se serait déroulée dans des conditions anormales de consentement ou de prix, il n'y avait pas lieu de prononcer sa nullité sur le fondement de l'article précité ; d'où il suit que le moyen est inopérant'' »

CONCLUSION

L’insanité d’esprit défini à l’article 901 du code civil est une des rares situations où le médecin peut être délié du secret professionnel s’il est sollicité sur l’état de santé mentale du contractant au moment de la conclusion d’un acte juridique.

Le médecin ne sera alors pas poursuivi pénalement pour violation du secret professionnel.

Et fort heureusement car, grâce à son intervention, le médecin peut protéger son patient contractant ou les héritiers de celui-ci.

L'acte accompli sera alors être annulé s’il a été conclu en état d'insanité d'esprit.

Cette annulation aura pour effet de replacer le ou les partie(s) dans l’état dans lequel elle(s) se trouvai(en)t avant la signature de l’acte et ce, comme si ce dernier n’avait jamais existé.

mardi 6 janvier 2015

INFORMATION ET CONSENTEMENT DU PATIENT

INTRODUCTION

Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé (Cf. Article L. 1111-2 du code de la santé publique).

Cette information porte notamment sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Cette information est nécessaire car elle permet au patient de consentir librement et de manière éclairée à un acte de soins.

En cas de violation de cette obligation d’information, le Praticien pourra être sanctionné et le patient indemnisé.

CREANCIER ET DEBITEUR DE L’INFORMATION

1 - Le débiteur de l’information

L’obligation d’information est mise à la charge de tout professionnel de santé, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles de santé qui lui sont applicables. Cette obligation pèse donc tant sur le prescripteur de l’acte que sur celui qui pratique l’acte.

2 - Le créancier de l’information

a- Le patient en état d’exprimer sa volonté

Le Praticien doit informer directement son patient lorsqu’il est en état d’exprimer sa volonté.

b- Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

L’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose qu’« aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ».

Lorsque le Patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le Praticien doit informer prioritairement la personne de confiance, puis la famille et à défaut les proches. L’avis de la personne de confiance est prioritaire et supérieur à celui de la famille ou des proches. Cet avis doit systématiquement être recherché par le Praticien qui conserve toutefois sa liberté de décision.

Définition et rôle de la personne de confiance : La personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin-traitant, doit être majeure. Elle sera consultée au cas où le patient qui l’a désignée serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance peut l'accompagner dans ses démarches et l’assister aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation. En dehors de toute hospitalisation, il est également possible d’inscrire, dans son dossier médical, le nom de la personne de confiance à contacter, le cas échéant.

c- Le patient en fin de vie, hors d’état d’exprimer sa volonté

Le Praticien doit systématiquement consulter le dossier médical de son patient, lorsqu’il est en fin de vie afin de prendre connaissance des éventuelles directives anticipées qu’il a pu rédiger.

Les personnes en fin de vie sont des personnes atteintes d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale. Ces directives ont pour but de permettre au Praticien de connaître les souhaits du patient concernant la possibilité de limiter ou d’arrêter les traitements en cours.

Ces directives n’ont pas de valeur contraignante pour le médecin. Il peut y déroger s’il l’estime nécessaire au regard de la situation concrète et/ou de l’évolution des connaissances médicales.

Ces directives ne sont valables que si elles remplissent les critères suivants :

  • Le patient doit être une personne majeure ;
  • Les directives doivent être écrites par le patient lui-même, ou à défaut, en présence de deux témoins dont la personne de confiance ;
  • Le patient doit nécessairement être en état d’exprimer sa volonté au moment de la rédaction de l’acte ;
  • Elles doivent mentionner les nom, prénom, date et lieu de naissance et être datées et signées ;
  • Ces directives doivent être rédigées depuis moins de 3 ans avant la date à partir de laquelle le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté. Elles doivent donc être renouvelées et/ou modifiées tous les 3 ans. Elles sont également révocables à tout moment.

LE CHAMP DE L’INFORMATION

L’information doit porter sur :

  • l’état de santé,
  • les investigations, traitements ou actions de prévention proposés,
  • leur utilité, leur étendue, leur urgence éventuelle et leurs conséquences,
  • les risques fréquents ou graves normalement prévisibles,
  • les alternatives thérapeutiques,
  • les conséquences prévisibles en cas de refus de soins,
  • le coût de l’acte médical et ses conditions de remboursements par la sécurité sociale.

L’information sur les risques avant 2002 :

L’information devait porter sur les risques seulement prévisibles. Si un risque exceptionnel se réalisait, alors le Praticien n’engageait pas sa responsabilité, s’il avait omis d’en informer son patient.

L’information sur les risques depuis 2002 :

Le Praticien doit informer son patient des risques fréquents ou graves normalement prévisibles. Les risques fréquents peuvent ne pas être graves. Les risques graves peuvent ne pas être fréquents. Ils peuvent donc être exceptionnels tant qu’ils sont normalement prévisibles. Un risque est grave lorsqu’il peut entraîner une invalidité ou le décès du patient. Un risque esthétique peut être grave s’il provoque des répercussions psychologiques et sociales. Un risque est normalement prévisible lorsqu’il découle logiquement des antécédents du patient ou des connaissances de la science médicale au moment des soins.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 juin 2004, n° 02-12530 « Attendu que la cour d'appel, se fondant sur les rapports d'expertise, a retenu que si le risque d'allergie à l'antibiotique était connu des praticiens, sa réalisation était, dans le cas de M. X..., imprévisible en raison des examens pré-opératoires et pré-anesthésiques pratiqués et de l'absence d'antécédent allergique ; qu'elle a pu en déduire que M. Y... et Mme Z... n'avaient pas commis de faute en n'informant pas le patient de ce risque ». Un risque exceptionnel doit être regardé comme « normalement prévisible » lorsqu’il est répertorié comme représentant un cas sur 1000.

Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, 23 décembre 2010, n° 09LY01051 « ; qu'il résulte de l'instruction que le risque d'ischémie dont M. C a été victime dans les suites de l'examen coronarographique litigieux, bien qu'exceptionnel, est connu comme représentant un cas sur mille ; qu'il devait ainsi être regardé comme normalement prévisible au sens des dispositions ci-dessus ; que dès lors, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, ce risque entrait dans l'obligation d'information posée par ces mêmes dispositions;

LES CONDITIONS DE VALIDITE DE L’INFORMATION

L’information doit être donnée prioritairement à l’oral, en amont des soins et au cours d’un entretien individuel. Elle doit être renouvelée à chaque étape de la prise en charge. Elle doit être donnée dans les quinze (15) jours suivant la découverte d’une complication. L’information doit être claire et appropriée. Elle est claire lorsqu’elle est adaptée à la capacité de compréhension du patient. Elle est appropriée lorsqu’elle est pertinente eu égard à l’état de santé du patient (pathologie & traitements).

L'information peut également être écrite, ce qui simplifie sa preuve.

PREUVE DE LA DELIVRANCE DE L’INFORMATION

La charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur le Praticien.

En cas de contentieux judiciaire, les juges se fondent sur un faisceau d’indices :

  • Le nombre de consultation(s) préalable(s) avec le patient;
  • Les interventions déjà subies antérieurement ;
  • Le délai de réflexion après remise d’un document écrit tel des fiches techniques ;
  • L’attestation de consentement signé ;
  • Les schémas réalisés par le médecin lors de l’entretien individuel ;
  • Les examens complémentaires prescrits ;
  • L’avis d’éventuels consultants extérieurs ;
  • Les notes personnelles du Praticien écrites généralement pendant la consultation ou juste après ;
  • Les lettres des confrères ;
  • Les fiches techniques ;

Les feuilles d’information dites « fiches techniques » fournies par le Praticien doivent contenir des informations détaillées, adaptées à l’état de santé du patient, et être accompagnées d’explications orales de la part du praticien. Elles ne doivent pas être stéréotypées.

Les fiches techniques sont utiles comme « commencement de preuve » pour prouver que le Praticien a rempli son obligation d’information, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne peuvent servir de décharge de responsabilité. Il n’est donc pas nécessaire que le Praticien les fasse signer à son patient. Il est recommandé de les donner à son patient, pour qu’il puisse en discuter avec ses proches. Une copie doit toutefois être conservée dans le dossier médical avec les schémas et les notes personnelles. Le Praticien doit toujours laisser un délai de réflexion à son patient avant la réalisation de un acte médical.

LE CONSENTEMENT

Le Praticien doit informer son patient sur son état de santé et sur les soins envisageables afin d’obtenir un consentement libre et éclairé de celui-ci. Le consentement du patient peut être oral ou écrit. Toutefois, le consentement est obligatoirement écrit dans certains cas et notamment en cas de recherches biomédicales ou d’examens des caractéristiques génétiques. Le consentement peut être retiré à tout moment. Dans tous les cas, le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Dans ce cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable, laquelle est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde alors la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins.

EXCEPTIONS A L’OBLIGATION D’INFORMATION

L’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose qu’« aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ».

Le Praticien peut ne pas informer son patient et donc ne pas recueillir son consentement à un acte médical, dans trois cas :

  • Refus du patient d’être informé,
  • Impossibilité d’informer le patient,
  • Urgence à intervenir médicalement,
  • L’omission du praticien dans l’intérêt du malade.

1 - Le refus du patient d’être informé

En vertu du respect de la volonté du patient, le Praticien ne peut et ne doit pas informer son patient si celui-ci refuse d’être éclairé sur son état de santé. Toutefois, s’il existe un risque de transmission/contamination pour les tiers, le Praticien doit en informer son patient et le convaincre d’en informer les tiers éventuellement concernés par ce risque de transmission / contamination.

2 - L’impossibilité du Praticien d’informer

C’est l’hypothèse du Praticien qui doit réaliser un acte de soins mais qui est dans l’impossibilité d’informer et de recueillir le consentement tant, de son patient hors d’état d’exprimer sa volonté que celui de la personne de confiance, de sa famille ou de ses proches, lesquels ne sont pas joignables. A l’issue de l’acte de soins réalisé par le Praticien, ce dernier doit toutefois informer le patient et/ou à défaut la personne de confiance, la famille ou les proches et ce, dans les meilleurs délais.

3 – L’urgence

Le Praticien doit agir dans l’urgence. Il ne peut donc prendre le temps ni d’informer ni de recueillir le consentement du patient, de la personne de confiance, de la famille ou des proches pour réaliser un acte de soins. Exemple : Lors d’un accident, si le pronostic vital de la personne est engagé, le Praticien prend en charge son patient sans l’informer des actes à réaliser et des bénéfices et risquent qui en découlent car il y a urgence à soigner.

4 – L’omission du Praticien dans l’intérêt du malade

Avant 2012

L’article R. 4127-35 du code de la santé publique disposait que « dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le Praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves » Le Praticien pouvait taire un diagnostic grave à son patient s’il estimait qu’il était de son intérêt de lui cacher, notamment s’il savait que le patient, dûment informé, aurait refusé le traitement. Le Praticien devait toutefois en informer la personne de confiance, la famille ou les proches.

Depuis 2012

Le décret du 7 mai 2012 a mis un terme à cette « appréciation en conscience du Praticien » dans un souci de renforcement du respect de l’obligation d’information. Désormais, le Praticien ne peut plus décider de tenir son patient dans l’ignorance d’un pronostic ou d’un diagnostic grave. Il doit l’en informer systématiquement mais avec circonspection. Toutefois, la volonté du patient étant supérieure, le Praticien devra respecter le choix de son patient qui préfère être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic. Cette évolution réglementaire permet une meilleure protection du patient qui ne risque plus d’apprendre, au détour d’un examen complémentaire, un diagnostic grave par un autre médecin qui n’avait pas connaissance du fait que le patient était tenu dans l’ignorance de ce diagnostic.

LE MINEUR OU LE MAJEUR PROTEGE

L’article L. 1111-2 alinéa 5 du code de la santé publique dispose que « les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle sont exercés par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle ».

1 – Le mineur

a – Principe

Lorsque le patient est mineur (- de 18 ans et mineur non émancipé), les décisions sur sa santé sont prises par les personnes titulaires de l’autorité parentale. Il s’agit le plus souvent des parents. Le Praticien doit toutefois systématiquement rechercher la participation du mineur à la prise de décision, selon sa maturité et son degré de compréhension. Pour les actes bénins, seul l’un des deux parents peut donner son consentement à la réalisation d’un acte médical. Pour les actes graves, telle une atteinte à l’intégrité corporelle, l’accord des deux parents est nécessaire. En cas de conflit entre les parents sur un acte médical grave à réaliser, le Juge aux Affaires Familiales doit être saisi. Lorsque le refus de soins des parents met en danger la vie de leur enfant mineur, le Praticien peut réaliser l’acte de soins s’il y a urgence et saisir le Procureur de la République afin de dénoncer ces « sévices ».

b - Exceptions à l’information et au recueillement du consentement des titulaires de l’autorité parentale

  • Le mineur de plus de 16 ans, en rupture avec ses parents ;
  • Le mineur émancipé ;
  • L’urgence à soigner ;
  • Le refus du mineur d’informer ses parents ;

En cas de refus du mineur d’informer ses parents, le Praticien doit tenter de convaincre son patient de les informer de l’acte qu’il envisage de réaliser. S’il n’y parvient pas, le Praticien réalise l’acte médical. Le mineur doit toutefois être accompagné de la personne majeure de son choix.

2 – Le majeur protégé

a- Principe

Les décisions concernant le majeur protégé sont prises par le tuteur.

Toutefois, il existe deux types de tutelle.

  • La tutelle sur les biens du majeur ;
  • La tutelle sur la personne même du majeur ;

Lorsqu’il s’agit d’une tutelle sur les biens, le tuteur n’a aucun pouvoir de décision concernant la santé du majeur protégé qui conserve sa capacité de décision. Lorsqu’il s’agit d’une tutelle sur la personne même du majeur protégé, seul le tuteur peut prendre des décisions concernant la santé du majeur. Le Praticien doit dans cette hypothèse systématiquement rechercher la participation du majeur à la prise de décision en s’adaptant à sa capacité de discernement. Le tuteur peut décider seul des actes de soins bénins à réaliser. Pour les actes graves, qui portent atteinte à l’intégrité corporelle, le Juge des Tutelles doit donner son accord préalablement à la réalisation de l’acte. La décision du tuteur, seule, ne suffit pas.

b - Exceptions à l’information et au recueillement du consentement du tuteur ou du Juge des Tutelles

  • L’urgence
  • Lorsque le tuteur refuse de faire réaliser un acte de soins mettant ainsi en danger la vie du majeur protégé, le Praticien peut saisir le Procureur de la République pour dénoncer ces « sévices ».

SANCTIONS DU DEFAUT D’INFORMATION

1 – Le préjudice de perte de chance

Outre des sanctions disciplinaires, le Praticien ayant manqué à son obligation d’information peut être poursuivi par le patient devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation de son préjudice de perte de chance. Ce préjudice est défini comme la perte de chance pour le patient d’avoir pu renoncer à un acte de soins et aux risques qui en découlent, s’il avait été pleinement informé par le Praticien notamment des risques de cet acte. Le Praticien ne peut pas être sanctionné au titre du préjudice de perte de chance lorsque les soins étaient indispensables (risque de mort en l’absence de soins) et qu’il n’existait aucune alternative thérapeutique. En effet, dans ce cas, le patient n’aurait pas pu renoncer à un tel acte.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 11 mars 2010, n° 09-11270 « ALORS QUE, d'une part, la violation de l'obligation d'information incombant à tout professionnel de santé n'est sanctionnée qu'autant qu'il en est résulté pour le patient une perte de chance de refuser l'acte médical et d'échapper au risque qui s'est réalisé ; (…) en constatant qu'il était informé du risque de paralysie inhérent à l'exérèse d'une hernie discale et que l'indication opératoire était une réponse thérapeutique adaptée compte tenu du volume impressionnant de la hernie dont il souffrait, relevant ainsi que l'intervention était nécessaire et qu'il n'existait aucune relation causale entre le défaut d'information et le consentement du patient à l'opération envisagée, la cour d'appel a violé l'article L.1111-2 du code de la santé publique (…) ».

Le Praticien ne manque toutefois pas à son obligation d’information lorsque le risque qui se réalise n’est pas prévisible du fait de la dissimulation, par le patient, de son état de santé réel. En effet, dans cette hypothèse, le Praticien est empêché de remplir correctement son obligation d’information.

2 – Le préjudice moral d’impréparation

Depuis une évolution jurisprudentielle de 2010, la violation de l’obligation d’information par le Praticien peut également être sanctionnée au titre du préjudice moral d’impréparation. Ce préjudice correspond à l’impossibilité pour le patient de se préparer techniquement et psychologiquement à la survenue d’une complication liée à un acte médical. Dès lors, même en l’absence de perte de chance, le manquement à l’obligation d’information peut être indemnisé. Eu égard à la Jurisprudence actuelle, le préjudice moral d’impréparation semble pouvoir être réparé cumulativement avec le préjudice de perte de chance.

a-Dans le secteur privé

La Cour de cassation considère désormais que le manquement du Praticien à son obligation d’information viole le principe de la dignité humaine et qu’en conséquence, le patient qui en est victime subit un préjudice moral autonome d’impréparation. La Cour de cassation ne subordonne pas la réparation de ce préjudice moral à la réalisation effective d’une complication. Le seul fait de ne pas informer le patient suffit à lui causer un préjudice.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 3 juin 2010, n° 09-13591 « ALORS QUE : l'obligation du médecin d'informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; que le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient, fût-il uniquement moral, que le juge ne peut laisser sans indemnisation; qu'en décidant au contraire que Monsieur X... n'aurait perdu aucune chance d'éviter le risque qui s'est réalisé et auquel le docteur Y... l'a exposé sans l'en informer, la cour d'appel a violé les articles 16-1, 16-2 et 1147 du Code civil ».

b-Dans le secteur public

Le Conseil d’Etat a également reconnu le préjudice moral autonome d’impréparation, en cas de manquement du Praticien à son obligation d’information. Toutefois, contrairement à la Cour de cassation, celui-ci refuse d’indemniser le patient lorsque le risque ne s’est pas réalisé.

Arrêt du Conseil d’Etat, 10 octobre 2012, n° 350426 « Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ; (…) que, contrairement à ce qu'il soutient, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en ne déduisant pas de la seule circonstance que son droit d'être informé des risques de l'intervention avait été méconnu, l'existence d'un préjudice lui ouvrant droit à réparation »

CONCLUSION

Compte tenu de l’évolution jurisprudentielle de plus en plus favorable aux patients, il est indispensable pour le Praticien de respecter son obligation d’information dans toute son étendue.

Lorsqu’un risque survient, le Praticien doit rester ouvert vis-à-vis de son patient.

Le patient doit se sentir compris, soutenu et écouté. Dans le cas contraire, le risque de contentieux s’accroît.

En cas de réclamation/contestation du patient, il est indispensable que le Praticien reconnaisse les « faits ». Il ne doit toutefois jamais reconnaître une « faute », synonyme de responsabilité.

Il doit également contacter immédiatement son assureur qui se chargera de sa défense en mandatant des avocats.

vendredi 7 février 2014

LE DOSSIER MEDICAL DE L'ETABLISSEMENT DE SANTE ET/OU DU PRATICIEN LIBERAL

INTRODUCTION

Les articles R. 1112-2 et R. 4127-45 du code de la santé publique disposent :

« Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé ou en consultation externe »

« Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ».

Dès lors, pour chacun de leurs patients, tant les établissements de santé que les praticiens libéraux doivent tenir un dossier médical dont la consultation par le patient et la communication à ce dernier est très encadrée par la loi.

I – LES BENEFICIAIRES DE L’ACCES AU DOSSIER MEDICAL

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé, détenues à quelque titre que ce soit par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».

La notion de « toute personne » vise :

  • le patient lui-même ;
  • les ayants droits du patient décédé ;
  • les titulaires de l’autorité parentale pour le patient mineur ;
  • le tuteur pour le patient, majeur incapable ;

Tout médecin, dont la communication du dossier médical est sollicitée, doit systématiquement demander un justificatif d’identité tel que :

  • la carte nationale d’identité du patient ;
  • le testament prouvant la qualité d’ayant droit ;
  • le livret de famille prouvant l’autorité parentale sur le mineur ;
  • le jugement rendu par le Juge des tutelles pour attester de la qualité de représentant légal du majeur protégé ;

Si le médecin a un doute sur l’identité de la personne sollicitant la communication du dossier médical et donc sur son droit à l’obtenir, le médecin doit refuser de communiquer ce dossier médical.

A défaut, si le dossier venait à être communiqué à une personne non bénéficiaire de ce droit, le médecin pourrait être poursuivi pour violation du secret professionnel.

1. Le patient majeur

a - Le patient en état d’exprimer sa volonté

Lorsqu’un patient majeur souhaite la communication de son dossier médical, le médecin ne peut pas s’y opposer.

Il est important de souligner que la demande du patient majeur n’a pas à être motivée.

Le dossier médical peut être soit, consulté sur place directement par le patient ou par l’intermédiaire d’un médecin soit, communiqué par voie postale.

C’est le patient qui choisit le mode de communication de son dossier médical.

Lorsque le patient ne fait aucun choix, le praticien informe ce dernier, qu’à défaut de choix, le dossier sera communiqué de telle ou telle manière.

b - Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

Le code de la santé publique ne prévoit que le cas du patient majeur en état de s’exprimer qui souhaite accéder à son dossier médical.

En effet, la loi ne prévoit pas le cas du patient hors d’état d’exprimer sa volonté, dont les proches souhaiteraient la communication du dossier médical.

Dès lors, théoriquement dans cette hypothèse, nul ne peut avoir accès au dossier médical de ce patient.

2. Les ayants droit du patient décédé

a - Définition de l’ayant droit

Ont la qualité d’ayants droit d’une part, les successeurs légaux du défunt et d’autre part, les successeurs testamentaires.

Par successeurs légaux, il faut entendre, le conjoint du défunt, les enfants du conjoint et/ou du défunt.

Avis de la Commission d’accès aux documents administratifs du 12/01/2012 : La Commission dite « CADA » a rendu un avis selon lequel elle refuse de communiquer le dossier médical demandé par les parents d’un patient décédé s’ils ne rapportent pas la preuve que le défunt n’a ni conjoint ou descendants ni légataires testamentaires.

La notion « d’ayant droit » est donc différente de celle de « famille » ou de « proche », un ayant droit n’ayant en effet pas nécessairement de lien de parenté avec le patient décédé.

b – Les motifs permettant aux ayants droit d’accéder au dossier médical du défunt

A l’inverse du patient majeur qui peut accéder à son dossier médical pour n’importe quel motif, les ayants droit ne peuvent accéder au dossier médical du patient décédé que dans trois hypothèses :

- connaître les causes de la mort du défunt ; - défendre la mémoire du défunt ; - faire valoir un droit ;

➢ Connaître les causes de la mort du défunt

Ce motif ne pose pas de difficultés particulières contrairement aux deux autres motifs.

En effet, tout ayant droit doit pouvoir connaître les raisons ayant entraîné le décès du De Cujus.

Le médecin, auquel la demande de communication du dossier médical est faite, ne devra communiquer que les seuls éléments relatifs aux causes du décès.

➢ Défendre la mémoire du défunt

L’ayant droit peut accéder au dossier médical d’un patient décédé si cet accès lui permet de faire cesser une attaque publique ou une rumeur infondée sur les causes de la mort du patient décédé.

L’ayant droit doit toutefois préciser au médecin, auquel il est demandé la communication du dossier, la nature de l’attaque publique et ce, afin de permettre au médecin de communiquer les seuls éléments d’information en rapport.

A défaut de précision apportée par l’ayant droit sur la nature de cette attaque publique, le médecin ne pourra communiquer aucun élément du dossier médical du De Cujus, sous peine d’engager sa responsabilité pour avoir dévoilé des informations couvertes par le secret professionnel.

➢ Faire valoir les droits de l’ayant droit

L’ayant droit peut solliciter la communication du dossier médical du patient décédé si cela lui permet de faire valoir un droit, tel qu’obtenir le bénéfice d’un contrat d’assurance ou d’un testament.

Exemples :

- Le contrat d’assurance :

Un ayant droit peut avoir besoin de connaître les causes de la mort du défunt lorsque celles-ci conditionnent le bénéfice de la garantie d’une assurance à son profit.

- Le testament :

Un ayant droit peut avoir besoin de savoir si le patient défunt était sain d’esprit au moment de la signature d’un testament lorsque cela conditionne le bénéfice de ce testament à son profit.

Il est important de souligner que la demande de communication du dossier médical ne peut émaner que de l’ayant droit lui-même.

Si le praticien communique le dossier médical à un tiers qui en fait la demande au bénéfice d’un ayant droit, celui-ci pourra être poursuivi pour violation du secret professionnel.

Arrêt de la Cour d’appel de DIJON du 31 mars 1988 : Un médecin a été condamné pour violation du secret professionnel et ce, pour avoir adressé, à la demande d’un notaire, un certificat médical où il y était mentionné que son patient avait été traité pour une affection de longue durée et qu’il avait toutes ses facultés mentales au moment où il avait contracté le testament contesté.

c – Les informations communicables à l’ayant droit

Le praticien n’a pas l’autorisation de communiquer à l’ayant droit qui en fait la demande l’entier dossier médical du patient décédé.

Il ne doit en effet communiquer que les seuls éléments d’informations qui sont nécessaires à la réalisation d’un des trois objectifs de l’ayant droit (Arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2005).

Si le praticien estime qu’il ne doit pas communiquer d’éléments du dossier médical à l’ayant droit, il peut en refuser la communication mais doit alors inscrire et motiver son refus dans le dossier médical du patient décédé.

3. Les titulaires de l’autorité parentale pour le patient mineur

a - Principe

Seuls les titulaires de l’autorité parentale peuvent accéder au dossier médical de leur enfant mineur, étant toutefois rappelé que les titulaires de l’autorité parentale ne sont pas nécessairement les parents de l’enfant mineur.

b – Exceptions

  • Le mineur non émancipé

Le mineur non émancipé peut demander au praticien à ce que ses représentants légaux n’accèdent à son dossier médical que par l’intermédiaire d’un médecin.

Le choix du médecin intermédiaire est fait par les titulaires de l’autorité parentale sauf si :

- Les titulaires de l’autorité parentale ne sont jamais intervenus dans la prise de décision concernant la santé du mineur ; - Le mineur bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie ; - L’âge du mineur, sa pathologie ou le contexte le justifie etc.

Le mineur non émancipé peut vouloir garder le secret sur un traitement ou une intervention qu’il a subi.

Dès lors, quelque soit l’âge du patient mineur qui en fait la demande, le médecin est tenu de garder le silence sur ce traitement ou cette intervention et ne devra pas communiquer, aux titulaires de l’autorité parentale qui sollicitent la communication du dossier médical du mineur, les éléments d’informations en rapport avec ce secret.

Le praticien doit toutefois toujours tenter de convaincre le mineur d’informer ses représentants légaux de la réalisation de ce soin ou de cette intervention.

  • Le mineur émancipé ou en rupture avec ses parents

Le mineur émancipé de plus de 16 ans ou en rupture avec ses parents a seul accès à son dossier médical comme n’importe quel majeur.

4. Le tuteur pour le patient majeur protégé

Seul le tuteur peut accéder au dossier médical du majeur protégé.

Toutefois, il est nécessaire que la tutelle porte sur la personne même du majeur protégé et pas seulement sur ses biens.

En effet, lorsque la tutelle est une tutelle seulement « économique », le majeur protégé reste libre des décisions concernant sa santé et seul ce dernier peut dès lors avoir accès à son dossier médical.

Le médecin doit donc systématiquement demander au tuteur, sollicitant la communication du dossier médical du majeur protégé, qu’il justifie de sa qualité en produisant la copie du Jugement rendu par le Juge des Tutelles.

Il sera souligné qu’en cas de curatelle ou de sauvegarde de justice, seul le majeur protégé peut avoir accès à son dossier médical.

II – LES INFORMATIONS ACCESSIBLES DU DOSSIER MEDICAL

1. Principe

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé (…). »

Toutes les informations concernant la santé du patient peuvent lui être communiquées si elles ont été formalisées ou ont fait l’objet d’échanges entre praticiens. Il s’agit notamment :

  • des résultats d'examen,
  • des comptes rendus de consultation,
  • des comptes rendus d'intervention,
  • des comptes rendus d'exploration,
  • des comptes rendus d’hospitalisation,
  • des protocoles,
  • des prescriptions thérapeutiques,
  • des feuilles de surveillance,
  • des correspondances entre praticiens etc.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive.

En effet, depuis la loi du 31 janvier 2007, n° 2007-131, les informations contenues dans le dossier médical peuvent être communiquées au patient et ce, même si elles n’ont pas contribué à l'élaboration et au suivi d’un diagnostic et d’un traitement ou d’une action de prévention.

Dès lors, toutes les informations contenues dans le dossier médical semblent devoir être communiquées au patient qui en fait la demande.

En toute logique, les notes personnelles prises par le praticien sur le comportement de son patient lors des consultations ou sur son état d’anxiété suite à l’annonce d’un diagnostic doivent donc également être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Cette loi de 2007 est en contradiction avec le décret du 7 mai 2012 selon lequel les notes personnelles du praticien ne sont ni transmissibles ni accessibles.

Toutefois, il est important de souligner que ce décret a une force juridique inférieure à celle de la loi.

Dès lors, compte tenu de l’incertitude juridique régnant dans ce domaine, il est conseillé au praticien d’éviter de rédiger des notes personnelles ou à tout le moins de les individualiser du reste du dossier médical.

2. Exceptions

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé (…), à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers »

Les informations sur les tiers ou recueillies auprès des tiers ne sont donc pas communicables au patient.

a- Les informations sur les tiers

Les informations recueillies par le praticien sur les tiers ne doivent pas être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Tel est notamment le cas du praticien qui constate l’état de perversité du père ou de la mère d’un patient mineur et qui l’inscrit dans le dossier médical. Ces informations ne doivent pas être communiquées car elle ne concerne pas directement le patient mineur.

En outre, un patient qui sollicite la communication des éléments de son dossier médical relatifs à sa naissance ne pourra pas obtenir communication des éléments relatifs à l’accouchement de sa mère.

b- Les informations recueillies auprès des tiers

Les informations recueillies par le praticien auprès des tiers, tels que l’employeur ou la famille du patient, ne doivent pas être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Par exemple, un patient hospitalisé en hôpital psychiatrique, qui prendrait connaissance de son entier dossier médical, pourrait éventuellement savoir que c’est sa famille qui est à l’origine de son hospitalisation alors que celle-ci souhaitait le taire.

III – FORMALISME DE LA DEMANDE DE COMMUNICATION DU DOSSIER

1 – Principe

Aucun formalisme n’est exigé concernant la demande de communication du dossier médical par le patient, cette demande pouvant en effet être orale ou écrite, par lettre simple ou lettre recommandée.

Il est conseillé au praticien de mémoriser par écrit la date de la demande du patient et ce, afin de se défendre en cas de litige judiciaire avec celui-ci qui reprocherait un retard ou un refus de communication du dossier médical.

En effet, la date de la demande du patient correspond au point de départ du délai légal dans lequel le praticien doit délivrer ou refuser de délivrer le dossier médical.

2 – Les modes d’accès et de transmission du dossier médical

Le dossier médical peut être consulté gratuitement sur place par le patient, soit, directement soit, par l’intermédiaire d’un médecin.

Une copie du dossier médical peut également être envoyée par le praticien par voie postale aux frais du patient.

Lorsque le patient sollicite la communication de son dossier médical par voie postale, le praticien doit toujours informer le patient du coût de la reproduction, des frais postaux et de son impossibilité de reproduire telles ou telles pièces médicales.

Lorsque le patient sollicite l’accès à son dossier médical sans en préciser le mode, le médecin informe alors son patient qu’à défaut de précision de sa part, il choisira tel ou tel mode de communication.

Lorsqu’il s’agit d’un dossier médical papier, le praticien doit toujours communiquer une copie, le dossier original devant rester à son cabinet.

3 – Le délai de transmission du dossier médical

Selon l’article L. 1111-7 aliéna 2 du code de la santé publique, toute personne « peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, (…) au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie (…) ».

Le dossier médical doit donc être communiqué au patient par le praticien ou par l’établissement de santé dans les huit jours suivant la demande de ce dernier, mais après un délai de réflexion de quarante-huit heures.

Lorsque les informations médicales date de plus de cinq ans, le praticien ou l’établissement de santé a un délai de deux mois pour les communiquer au patient.

Il en est de même lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie.

Saisine de la Commission départementale des soins psychiatriques : Lorsqu’un patient hospitalisé en psychiatrie sans son consentement sollicite la communication de son dossier médical, le responsable de l'établissement, qui estime que la situation du malade l'exige, informe l'intéressé que l'accès à son dossier ne peut avoir lieu qu'en présence d'un médecin. En cas de refus du patient de désigner un médecin accompagnateur, le détenteur des informations saisit alors la commission départementale des hospitalisations psychiatrique, dont l'avis s'impose au demandeur et au détenteur des informations.

IV – CONSERVATION DU DOSSIER MEDICAL

1 – Les débiteurs de la conservation

a – La conservation par l’établissement de santé

Selon l’article R. 1112-7 du code de la santé publique, le dossier médical est conservé sous la responsabilité de l’établissement de santé lorsque le patient y a subi des soins externes ou y a été hospitalisé et ce, pendant une durée de 20 ans à compter du dernier séjour ou de la dernière consultation externe du patient dans l’établissement.

Lorsque la durée de conservation d'un dossier médical s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, alors la conservation du dossier est prorogée jusqu'à cette date.

Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier médical décède moins de dix ans après son dernier passage dans l'établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès.

Ces délais sont suspendus par l'introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l'établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l'établissement.

A l'issue du délai de conservation, le dossier médical peut être éliminé. La décision d'élimination est prise par le directeur de l'établissement après avis du médecin responsable de l'information médicale.

Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l'exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l'administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d'intérêt scientifique, statistique ou historique.

b - La conservation par le praticien libéral

La fiche personnelle dressée pour chaque patient par le praticien libéral exerçant en cabinet de ville ou au sein de l’établissement de santé reste sous sa propre responsabilité.

Toutefois, aucun texte légal ne fixe pour les médecins libéraux, la durée de conservation de leurs archives.

Il semble logique pour le praticien de conserver les dossiers médicaux pendant toute la durée de la prescription de l’action en responsabilité, laquelle est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

Toutefois, le point de départ de ce délai, à savoir la consolidation du dommage, fait planer une incertitude sur la durée de conservation des dossiers médicaux. En effet, l’état de santé du patient peut s’aggraver ce qui repousse alors la date de la consolidation et donc la durée de la prescription de l’action en responsabilité et par voie de conséquence la durée de conservation des dossiers médicaux par le praticien.

En conséquence, il est conseillé au praticien de conserver le dossier médical pendant 30 ans pour un patient majeur et pendant 48 ans pour un patient mineur.

2 – Quelques exceptions au délai de conservation

a – Les clichés argentiques

La détérioration d’un cliché argentique avant l’expiration du délai de conservation du dossier médical ne peut pas être reproché à un praticien ou à un établissement de santé dans la mesure où la durée de conservation de ces clichés n’est que de 10 ans.

b - Les actes transfusionnels

La mention des actes transfusionnels pratiqués et, le cas échéant, la copie de la fiche d’incident transfusionnel figurant dans le dossier médical doivent y être conservées pendant une durée de trente ans conformément aux termes de l’article 4 de la directive européenne précitée du 30 septembre 2005.


3 – La conservation du dossier médical suite à la cessation d’activité du praticien

a - La cessation d’activité temporaire

Lorsque le praticien cesse temporairement son activité professionnelle, il doit transmettre les dossiers médicaux de ses patients à son remplaçant.

b - La cessation d’activité définitive

Lorsque le praticien cesse définitivement son activité, les dossiers médicaux sont mis à la disposition du successeur.

A défaut de successeur, les dossiers sont transférés au médecin nouvellement choisi par le patient pour poursuivre les soins.

En cas de décès du praticien, les dossiers médicaux sont remis soit au successeur soit aux ayants droit du praticien décédé, lesquels peuvent préférer les stocker par une société d’archivage.

V – LES SANCTIONS DU DEFAUT DE COMMUNICATION DU DOSSIER

Aucune sanction légale n’est prévue à l’encontre de l’établissement ou du praticien libéral qui refuse ou qui n’a plus la possibilité de communiquer le dossier médical au patient qui en fait la demande.

Toutefois, malgré cette carence législative, les Juges n’hésitent pas à sanctionner les praticiens ou établissements ayant perdu le dossier médical de leur patient ou ayant refusé injustement de leur en communiquer une copie.

1 – L’impossibilité pour le praticien de communiquer le dossier médical

Les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner le praticien qui est dans l’impossibilité de communiquer à son patient son dossier médical.



Ce praticien est sanctionné soit, du fait du préjudice moral né de la seule violation du droit à avoir accès à son dossier médical soit, parce que cette violation a eu pour conséquence de priver le patient d’une chance de gagner son procès contre le praticien à qui il reproche une faute de prise en charge.

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLES du 7 avril 2011

Le tribunal a jugé que « la perte de ce dossier constitue un manquement à l'article R. 4127-45 du code de la santé publique » et que cette faute « est en relation directe avec le préjudice subi par la patiente, qui a ainsi été privée de la chance d'établir de façon certaine la responsabilité du médecin ».

Le praticien a été condamné à verser à sa patiente 2.000,00 euros de dommages-intérêts pour avoir égaré « malencontreusement et bien regrettablement » son dossier médical. 


Dans le cadre d'un litige avec un patient, la perte du dossier médical est souvent considérée comme suspecte par les Tribunaux qui estiment que le praticien a cherché à dissimuler des éléments qui pourraient lui être défavorables.

Arrêt de la Cour administrative d’appel de LYON du 23 mars 2010, n° 07LY01554 : La Cour administrative d’appel a jugé que « le requérant a subi un préjudice moral certain du fait de la non communication, à laquelle il avait droit, de ses dossiers médicaux (…) ». Le Centre hospitalier a été condamné à verser à ce patient 2.000,00 euros en réparation de son préjudice moral.

La destruction accidentelle, même si elle présente les caractères de la force majeure (incendie, dégâts des eaux) n’empêchera pas le praticien d’être jugé responsable de cette destruction.

2 – Le refus du praticien de communiquer le dossier médical

Jugement du Tribunal de Grande Instance du 14 septembre 2012 : Le tribunal a condamné un médecin à verser au patient, qui sollicitait la communication de son dossier médical, une somme de 500,00 euros et ce, pour résistance abusive du fait du refus injustifié du praticien concernant la communication dudit dossier.

CONCLUSION

Le patient, ses représentants légaux, son tuteur ou ses ayants droit peuvent avoir à tout moment besoin d’accéder au dossier médical et notamment en cas d’action judiciaire qu’il souhaite intenter à l’encontre d’un praticien et/ou d’un établissement de santé à qui il reproche un défaut de prise en charge.

Dans cette hypothèse, le dossier médical devient alors une véritable arme de défense.

Il est donc important que le praticien et/ou l’établissement de santé tienne pour chaque patient un dossier médical parfaitement clair et lisible et qu’il s’assure de leur conservation pendant le délai qui leur est imposé ou conseillé.

lundi 25 février 2013

INFORMATION ET CONSENTEMENT EN CAS DE CURATELLE OU DE SAUVEGARDE DE JUSTICE

Toute personne a le droit d'être informée sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles des interventions chirurgicales éventuellement à réaliser.

C'est au médecin ou à l'établissement de santé de rapporter la preuve de la délivrance de cette information au patient. Pour juger du respect de cette obligation, le juge se fonde sur un faisceau d'indices et notamment sur la consultation préalable à l'intervention avec le médecin, sur les interventions chirurgicales et/ou soins médicaux antérieurs etc ...

La loi n'impose pas que cette information soit délivrée par écrit. Une information orale peut suffire.

Concernant le régime de protection de curatelle ou de sauvegarde de justice, il s'agit de mesure de protection purement économique. En conséquence, le patient sous curatelle ou sauvegarde de justice a la capacité de recevoir les informations délivrées par le corps médical et est libre de consentir seul aux soins proposés par les médecins.

Cf. TA de Rennes, 11 octobre 2012, n° 0904004

mercredi 20 février 2013

ACTE DE SOINS : INFORMATION ET CONSENTEMENT DU MINEUR

Chaque patient doit donner son consentement (libre et éclairé) à un acte de soins, après avoir été informés de ses soins, de leur déroulement et des risques afférents.

Le mineur (- de 18 ans) non émancipé ne peut valablement donner son consentement à un tel acte. Le Médecin se doit en effet de recueillir le consentement des personnes ayant autorité légale sur l'enfant (parents ou tuteur) après leurs avoir délivrée une information claire et loyale quant au diagnostic, à l'état de santé et aux soins envisagés.

Ce consentement est en général oral, bien qu'il existe des exceptions (prélèvement d'organes, de greffe, hospitalisation ou intervention chirurgicale en établissement public de santé).

Attention, la participation du mineur à la prise de décision doit toujours être préviligiée, en fonction de son degré de compréhension et de maturité : Cf. Article L 1111-4 du code de la santé publique. En cas d'autorité parentale coinjointe, l'accord d'un des seuls parents suffient mais il ne peut s'agir que d'un accord sur un acte de soins bénins. Dans le cas contraire, l'accord des deux parents est nécessaire (il faut donc peser la gravité de l'acte, des risques et des répercutions sur l'état de santé du mineur).

En cas de mise en danger de l'enfant, par refus de soins des parents ou du tuteur, le médecin peut saisir le procureur de la République pour dénoncer ces "sévices".

Exception à l'information et au consentement préalable des parents ou du tuteur :

  • en cas d'acte de soin urgent
  • le mineur de plus de 16 ans en rupture avec ses parents.

Le mineur a dans ce cas droit au secret et peut empêcher l'accès au dossier médical.

mais également,

  • la contraception
  • l'IVG

Le mineur a également droit au secret et peut empêcher l'accès au dossier médical.

Toutefois, le médecin doit tout faire pour convaincre le mineur d'en parler à ses parents ou avec son tuteur. Par ailleurs ce droit au secret ne s'applique que si et seulement si l'intervention ou le traitement envisagé apparait indispensable pour sauvegarder la santé du mineur. Toutefois, le mineur doit dans tous les cas être accompagné d'une personne majeure.

vendredi 8 février 2013

MAJEUR PROTEGE SOUS TUTELLE ET CONSENTEMENT A UNE INTERVENTION CHIRURGICALE

L'information sur l'état de santé

En matière de tutelle, c’est le tuteur qui gère les intérêts du majeur incapable juridiquement.

Si le jugement qui instaure la tutelle ne prévoit qu’une tutelle aux biens, alors le patient demeure autonome quant à sa santé et le tuteur n’a pas lieu d’être informé de l’état de santé de son protégé.

A contrario, si la tutelle touche également la personne de l’incapable, son tuteur doit être informé de manière exhaustive sur l’état de santé de celui qu’il protège. Le tuteur est donc dans ce cas habilité à obtenir communication des informations médicales concernant la personne protégée, le secret médical ne lui étant pas opposaable.

En effet, l'accès aux informations relatives à la santé d'une personne et détenues par un professionnel de santé, un établissement de santé ou un hébergeur agréé, peut être demandé par la personne concernée, son ayant droit en cas de décès de cette personne, la personne ayant l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par le médecin qu'une de ces personnes a désigné comme intermédiaire (Cf. Article R.1111-1, 1er alinéa du Code de la Santé publique).

Les médecins doivent être attentifs à ne communiquer aux tuteurs que les éléments nécessaires, pertinents et non excessifs en rapport avec l'objectif de leur demande (traitement médical, intervention chirurgicale etc …). Toutefois, l’information due au tuteur ne doit pas empêcher l’information du patient lui-même par le praticien, de manière adaptée à ses facultés intellectuelles (Cf. article L. 1111-2 du code de la santé publique). Cette règle s’applique également lorsque doit être envisagée une intervention chirurgicale.

Le consentement à un acte médical et/ou chirurgical

En effet, aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, majeur protégé ou non, et ce consentement peut être retiré à tout moment (Cf. Articles L. 1111-2 et -4 du CSP).

Compte tenu de la difficulté à apprécier le degré de maturité du majeur protégé, le consentement du tuteur doit également être sollicité (cf. article L.1111-4 du CSP).

Dans l’hypothèse d’une intervention chirurgicale, ce consentement doit être écrit.

Si le patient sous tutelle ne peut exprimer son avis ou s’il refuse l’intervention, le tuteur doit solliciter une autorisation du juge des tutelles chaque fois que la décision présente un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée (Charte du patient hospitalisé).

Si l’état de santé du patient ne permet pas d’attendre cette autorisation, le chirurgien apprécie l’urgence et le caractère indispensable de l’intervention et peut décider d’opérer. Il est alors préférable que le praticien d’une part, mentionne par écrit les comptes rendus de ses décisions et de ses choix, qu’il précise les circonstances dans lesquelles le tuteur a été sollicité et a refusé les soins et d’autre part, qu’il sollicite l’avis d’un confrère. La traçabilité des démarches entreprises permettra au chirurgien de se protéger en cas de recours.

En l’absence de toute urgence, aucun traitement ne peut être délivré au patient.

Le signalement aux autorités

Enfin, si le praticien estime que le refus de soins du tuteur est assimilable à des sévices, il peut informer le procureur de la République et le juge des tutelles afin que toutes les mesures de protection soient prises et adresser le patient à une assistante sociale afin qu’un rapport médico-social puisse être joint au signalement (Cf. article 226-14 du Code pénal).

L’absence de signalement peut constituer un délit de non assistance à personne en danger dès lors qu’il existe un risque imminent que le patient subisse des sévisses (Cf. Article 223-6 du Code pénal).