ABOLITION DU DISCERNEMENT ET IRRESPONSABILITE PENALE EN CAS DE CONSOMMATION DE DROGUE OU D'ALCOOL

Lorsque des personnes consomment de la drogue ou de l'alcool et commettent une infraction pénale, cette infraction est par principe poursuivie et condamnée avec circonstances aggravantes liées à la prise d'alcool ou de drogue.

Aussi, la peine pénale prononcée est supérieure à ce qu'elle aurait du / pu être en l'absence de prise de drogue ou alcool.

Toutefois, la Cour de cassation semble revenir sur cette position dans un arrêt du 14 avril 2021 (Chambre Criminelle, n° 20-80.135)

LES FAITS :

Le 4 avril 2017 à 5 heures 35, des fonctionnaires de police du 11ème arrondissement de Paris sont intervenus au domicile de la famille X., à la suite d’un appel téléphonique avertissant que cette famille était victime d’une séquestration. Après avoir forcé la porte, les policiers ont interpellé M. Y dans la pièce principale, en train de réciter des versets du Coran.

Dans le même temps, les policiers ont découvert le corps sans vie d’une femme, Mme Z. Les premiers éléments ont montré qu’elle était tombée du balcon d’un appartement situé dans l’immeuble contigu.

Une information judiciaire a été ouverte le 14 avril 2017 des chefs d’homicide volontaire et d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration avec absence de libération volontaire avant le septième jour.

Les juges d’instruction ont estimé qu’il existait contre M. Y, d’une part, des charges suffisantes d’avoir commis les faits d’homicide volontaire et de séquestration qui lui étaient reprochés et d’autre part, des raisons plausibles d’appliquer le principe de l'irresponsabilité pénale dans la mesure où il avait consommé très régulièrement du Cannabis, ce qui avait entraîné un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement.

La Cour de cassation a été saisie et a dû se prononcer sur la question de savoir si une personne auteur d'une infraction pénale peut échapper à sa responsabilité pénale si, lors des faits, il avait consommé de la drogue ou de l'alcool à l'origine de l'abolition de son discernement.

RAPPEL :

Article 122-1 du code pénal dispose que n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

REPONSE DE LA COUR :

Les dispositions de l’article 122-1 du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement (prise de drogue, prise d'alcool, névrose, psychose etc).

Cela signifie que puisque la loi française qui précise pas les cas possibles d'abolition du discernement pour lesquels l'irresponsabilité pénale peut être prononcée, le Juge ne peut pas écarter cette irresponsabilité pénale, faute de support juridique.

Aussi, quand bien même l'auteur, dont le discernement a été aboli, aurait commis une faute puisque l'abolition découle d'une prise de drogue ou d'alcool, le Juge ne peut pas le déclarer responsable et doit prononcer son irresponsabilité pénale.

Les juges indiquent en effet dans cette affaire que :

  • la circonstance que cette bouffée délirante soit d’origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis, ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
  • la chambre de l’instruction a exposé les motifs pour lesquels elle a déclaré qu’il était irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.
  • les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement.

ATTENTION :

Il est important de préciser que l'irresponsabilité pénale ne découle pas de la prise de drogue ou d'alcool mais bien du fait que cette prise a été à l'origine d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant eu pour conséquence d'abolir le discernement lors de la réalisation de l'infraction.

MAIS POSSIBLE REPARATION DES DOMMAGES DES VICTIMES SUR LE PLAN CIVIL

Pour rassurer les victimes, l'article 414-3 du code civil dispose que celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation.

Cela signifie que, quand bien même l'auteur d'une infraction serait pénalement irresponsable, la victime pourrait tout de même obtenir réparation via la voie civile.

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