LEGISLATION SUR LES SOINS PALLIATIFS

Comme celui de la naissance, le temps de la fin de vie est une étape à vivre.

Pour permettre de préserver la meilleure qualité de vie possible des malades jusqu’au décès (fin de vie digne et apaisée) les patients peuvent bénéficier de soins palliatifs.

Chaque année, entre 150 000 et 200 000 personnes ont recours aux soins palliatifs.

Les soins palliatifs sont soins actifs délivrés par une équipe multidisciplinaire, en institution ou à domicile, dans une approche globale de la personne, atteinte d’une maladie grave et incurable

Leur objectif est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle du patient.

Mais ils visent aussi à soutenir les proches et à sauvegarder la dignité du patient

Ils s’inscrivent dans la continuité et la complémentarité des traitements qui agissent sur la maladie.

Depuis quand les patients peuvent-ils en bénéficier et à quelles conditions ?

En France, l’histoire officielle des soins palliatifs débute dans les années 80, à la suite de la médiatisation de la question de « l’euthanasie » et dans le sillage des débats des années 1960-1970, dénonçant dans les pays occidentaux la médicalisation de la mort et une médecine techniciste tendant fréquemment à un acharnement thérapeutique.

Le ministre de la Santé avait demandé à un haut fonctionnaire, Geneviève Laroque, de présider un groupe de travail sur les modalités de la prise en charge de la fin de vie en France.

Circulaire DGS/3D du 26 août 1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale

  • Instauration des soins d’accompagnement (ou soins palliatifs) dans leur principe
  • Définition des modalités de leur organisation en fonction des situations : Maladie / vieillesse / accident / SP à domicile ou en institution etc

Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs

Cette loi instaurait :

  • Le droit à l’accès aux soins palliatifs et à l’accompagnement en fin de vie
  • Le droit des proches à assister le malade (congé d’accompagnement)

LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé

Rappel et Renforcement des droits des malades :

Affirmation :

  • Du principe de la dignité de la personne malade jusqu’à la mort
  • Du Principe de la Proportionnalité des traitements (principe du bénéfice / risque du traitement : Pas de risque disproportionnés par rapport au bénéfice encouru).

Rappel :

  • Du Droit à bénéficier de traitements contre la douleur
  • Droit à l’information sur son état ou droit de ne pas vouloir savoir
  • Droit de refuser un traitement

La volonté du malade prime sur la décision médicale

Une vraie définition des soins palliatifs est posée == > L. 1110-10 du Code de la santé publique.

Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

Mais il n'existe toujours aucune précision sur la nature de ces soins et leurs conditions de mise en œuvre : pour qui ? quand ? comment ?

Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (Loi LEONETTI)

Modification de l’article L. 1110-5 du CSP :

  • Avant 2005 : rappel du principe du droit à un traitement pour soulager la douleur
  • Depuis 2005 :

Les actes (de soins) ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs. Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade (…).

La Loi LEONETTI pose un nouveau cadre :

  • Interdiction de l’obstination déraisonnable et de l’acharnement thérapeutique si cela entraîne un simple maintien artificiel de la vie.

Donc Droit à l’arrêt des soins ou l’absence de soins

Si refus ou arrêt du traitement = > Mise en œuvre des soins palliatifs qui ont pour effet indirect d’abréger la vie.

Il ne s'agit pas d'euthanasie car le but n'est pas de donner la mort mais de soulager la douleur.

Lorsque le patient est en état d'exprimer sa volonté, il participe à la prise de décision de mettre en œuvre ou non les soins palliatifs. S'il n'est pas en état d'exprimer sa volonté, alors le professionnel de santé met en œuvre les SP après avoir respecté une procédure collégiale (décision prise avec l'équipe de soins notamment). Naturellement, la personne de confiance, la famille et à défaut les proches en sont avisés.

La Loi LEONETI instaute les Directives anticipées : Article L 1111-11 du CSP .

Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment.

Directives anticipées sont valables 3 ans (EN 2005) et révocables à tout moment.

Décret n° 2010-107 du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en œuvre des décisions de limitation ou d'arrêt de traitement

Précision sur le déroulement de la procédure collégiales de SP.

Article R. 4127-37 du CSP :

La décision est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. La décision prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s'il en a rédigé, l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d'un de ses proches. Lorsque la décision concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre, selon les cas, l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation. La décision est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.

La Décision est prise :

  • par un médecin
  • Après concertation de l’équipe de soins
  • Après consultation d’un consultant (médecin sans lien hiérarchique)
  • Après consultation des directives anticipées
  • Après consultation de l’avis de la personne de confiance + famille ou proches mais également le représentant légal s'il s'agit d'un mineur ou majeur protégé.
  • La décision est motivée : Inscrite dans le dossier médical. Elle contient les avis, la nature de la décision, le sens des concertations, les motifs de la décision.

La collégialité est importante car en cas de non respect, le professionnel de santé peut être poursuivi pour empoisonnement. Cf. L'AFFAIRE BONNEMAISON CA MAINE ET LOIRE 24 OCT 2015 = administration d’une substance létale pour 7 patients, sans consultation de son équipe de soins et de la famille = > POURSUIVI POUR EMPOISONNEMENT (peine encourue : 30 ans de prison). peine prononcée : 2 ans avec sursis et en parallèle une interdiction d’exercice de 3 ans.



Loi n°2010-209 du 2 mars 2010 Création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie

Création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Il s'agit d'une aide financière pour les aidants.

LOI n°2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (Loi CLAEYS-LEONETTI) et ses décrets d’application

  • Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées
  • Décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 relatif aux procédures collégiales et au recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès
  • Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées

Cette loi rappelle, complète et renforce les dispositions de la Loi Léonetti du 22 avril 2005. Elle apporte de nombreuses précisions sur le cadre juridique des SP :

RAPPEL :

  • Principe de la dignité du mourant
  • Interdiction de l’acharnement thérapeutique
  • Droit de suspendre les soins ou de ne pas les entreprendre
  • Renforcement du principe du respect de la volonté du malade : le médecin n'a plus l'obligation de convaincre le patient de poursuivre ou d'entreprendre un traitement (contrairement à cette obligation imposée par la loi de 2005). Désormais, il doit seulement informé le patient des conséquences de son choix et de la gravité de son choix sur son état de santé.

INSTAURATION DE NOUVELLES DISPOSITIONS :

Création de l’article L. 1110-5-2 du code de la santé publique = Précision de la définition des soins palliatifs :

Il s'agit d'une sédation profonde et continue, entrainant une altération de la conscience. Cette sédation est maintenue jusqu’à la mort. Elle est associée à une analgésie et à un arrêt de l’ensemble des traitements qui maintiennent en vie.

Création de l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique : il est donné une définition des soins qui maintiennent artificiellement la vie et qui peuvent être arrêtés : l'Hydratation et la nutrition.

L. 1110-5-2 CSP : fixe les conditions permettant aux patients de bénéficier de SP :

LORSQUE LA PERSONNE EST EN ETAT D’EXPRIMER SA VOLONTE Dans les deux cas, il faut une affection grave et incurable : En outre, il faut :

  • Soit : pronostic vital engagé à court terme ET une souffrance réfractaire aux traitements
  • Soit : décision d’arrêt des soins par le patient ET pronostic vital engagé à court terme ET cet arrêt de soins est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable

LORSQUE LA PERSONNE EST HORS D’ETAT D’EXPRIMER SA VOLONTE

  • Possibilité pour le médecin d’engager une sédation profonde si les traitements et les soins en cours relèvent d’une obstination déraisonnable
  • Affection grave et incurable
  • Pronostic vital engagé à court terme ET une souffrance réfractaire aux traitements
  • Mise en œuvre de la procédure collégiale

Modification de l’Article R4127-37-2 du CSP :

II.-Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches. La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale.

Le médecin peut prendre la décision de SP de sa propre initiative (que le patient soit en état d’exprimer sa volonté ou non). Il DOIT aussi le faire à la demande de la personne de confiance ou à défaut de la famille ou des proches (si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté). Le reste de la procédure ne change pas. Le médecin doit systématiquement informer le patient ou la personne de confiance / famille / proche lorsque la décision de mettre en œuvre les SP est prise. Il doit systématiquement consulter les Directives anticipées et recueillir l’avis de la personne de confiance, famille ou proche.

Modification de l’article L. 1111-11 du CSP sur les Directives anticipées :

Les directives anticipées s'imposent au médecin (…), sauf en cas d'urgence vitale (ou) lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées. (…).

Désormais les Directives anticipées sont opposables aux professionnels de santé. Elles ne sont plus seulement consultées elle s’impose au médecin qui doit les respecter. Exception :

  • Urgence vitale
  • Inadéquation des Directives par rapport à la situation médicale

En cas de refus de les appliquer : une procédure collégiale doit être mise en œuvre.

DESORMAIS : Elles sont révisables et révocables à tout moment. Durée de vie : sans limite (contrairement à 2005 où elles avaient une durée légale de 3 ans).

Modification de l’article Article L. 1111-6 du CSP : Le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre témoignage. Le rôle de la personne de confiance est renforcé. Son avis a une valeur supérieure à celui de la famille ou des proches.

Article 1er de la loi de 2016 : obligation de formation initiale et continue en Soins palliatifs (développement professionnel continu) pour les médecins, pharmaciens, infirmiers, aides-soignants, aides à domicile et psychologues cliniciens. Cette obligation découle notamment du fait que les SP peuvent se faire à domicile. Il est donc important que tous les professionnels de santé l'intègrent dans leur pratique, quelque soit leur spécialité et lieu d'exercice.

Recommandations de bonne pratique de l’HAS – Janvier 2020 : Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie

Il s’agit d’une recommandation de bonne pratique sur la mise en œuvre thérapeutique de la sédation profonde et continue.

Elles visent :

  • le choix des médicaments
  • les techniques d’administration

ATTENTION :

La majorité des médicaments sont des stupéfiants ou assimilés risque de surdosage.

Il y a donc des risques de détournement : usage récréatif ou trafic.

Il est important de sécuriser le stockage du médicament notamment en cas de SP à domicile.

Décès en juillet 2019

Cela a mis en lumière le rôle des directives anticipées, et celui de la personne de confiance. D’où la loi de 2016.

Cela a montré aussi la nécessité de réfléchir à une hiérarchisation des avis entre un(e) conjoint(e) et les parents (notamment : époux puis enfant majeur puis parents)

La LOI DE 2016 montre ses limites.

Il suffit de prendre connaissance des diverses affaires en la matière :

- L'affaire Vincent LAMBERT et le déchirement familial (entre l'épouse et les parents de VL). - L'affaire Alain COCQ et l'absence de conditions remplies pour bénéficier des soins palliatifs malgré ses souffrances.

Ces affaires prouvent que la loi et les réglementations sur les fins de vie ne sont pas suffisantes et pas assez courageuses. Ils ne permettent pas un vrai respect de la volonté du malade et ne permettent pas de palier à toutes les situations.

D'où les dives projets / propositions de loi qui florissent à l'Assemblée nationale :

- proposition de hiérarchiser la valeur de la parole de la famille, ou des proches lorsque le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté sur sa fin de vie et n’a pas rédigé de Directives anticipées : d'abord l'époux, puis les enfants majeurs puis les parents?

A noter que depuis 2000, le comité consultatif national d’éthique est pour une exception d’euthanasie extrêmement encadrée.

La discussion continue ailleurs

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