L’ESSOR DE LA TELEMEDECINE

Jusqu’en 2018, la télémédecine était utilisée à titre expérimental. Afin de généraliser cette pratique sur tout le territoire, un accord conventionnel a été signé le 14 juin 2018. A compter du 15 septembre 2018, la Télésanté est donc devenue accessible sur l’ensemble du territoire en France. Elle est entrée dans le droit commun des pratiques médicales.

Aussi, son utilisation est désormais remboursée par les organismes de sécurité sociale.

Le but est de permettre à tout professionnel de santé et/ou patient de réaliser une consultation à distance à la place d’une consultation en présentiel.

Cette nouvelle pratique médicale, fondée sur le recours aux technologies de la communication, participe à une meilleure organisation du système de santé en améliorant la prise en charge des patients, en simplifiant leur suivi, en facilitant l’accès de tous à des soins de qualité et en améliorant la qualité de vie des patients.

Cependant, la Télésanté a fait face à un très faible engouement de la part des professionnels de santé jusqu’à la mi-juin 2019, s’est ensuite légèrement démocratisée jusqu’à la survenue de l’épidémie de COVID-19, qui a révélé alors tout son intérêt.

I – DEFINTION DE LA TELESANTE

La télésanté regroupe tant la télémédecine que le télésoin, qui peuvent fonctionner de concert ou être utilisés indépendamment l’un de l’autre.

A. La Télémédecine




Article L. 6316-1 du code de la santé publique :

La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients. La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre sont fixées par décret.

La télémédecine vise tant la relation médecins / patients que la relation entre professionnels de santé et/ou psychologues, quels que soient la pathologie concernée, la spécialité médicale, le secteur et lieu d’exercice en ville ou en établissement de santé.

Elle s’applique sur tout le territoire, en France métropolitaine et dans les Départements et régions d'outre-mer.

Les actes de télémédecine autorisés sont limitativement énumérés par la voie règlementaire :

  • La téléconsultation
  • La téléexpertise
  • La télésurveillance
  • La téléassistance médicale
  • La réponse médicale

Décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 :

1° La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues peuvent également être présents auprès du patient ;

2° La téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l'avis d'un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d'un patient ;

3° La télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d'interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d'un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé ;

4° La téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d'assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d'un acte ;

5° La réponse médicale qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale.

B. Le télésoin

La télémédecine va de pair avec le télésoin.

Article L. 6316-2 du code de la santé publique

Le télésoin est une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Il met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux dans l'exercice de leurs compétences.

II - LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE LA TELESANTE

Il n’est pas possible de recourir systématiquement à la télémédecine.

En effet, des conditions strictes ont été édictées.

En premier lieu, la télémédecine doit s’inscrire dans le parcours de soins coordonné.

Aussi, le patient téléconsulté doit avoir été adressé par son médecin traitant au professionnel de santé ou psychologue téléconsultant (si le médecin traitant n’est pas le médecin téléconsultant)

Exceptions à l’obligation du respect du parcours de soins :

  • Le recours à des spécialiste en accès direct (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie)
  • Les patients âgés de moins de 16 ans
  • En cas d’urgence
  • Les patients sans médecin traitant ou si le médecin traitant est indisponible dans le délai compatible avec leur état de santé.

Les patients doivent pour cela se rapprocher d’une organisation territoriale organisée avec des médecins volontaires, pour leur permettre d’être pris en charge rapidement compte tenu de leurs besoins en soins, d’accéder à un médecin compte tenu de leur éloignement des professionnels de santé, d’être en mesure dans un second temps de désigner un médecin traitant pour leur suivi au long cours et réintégrer ainsi le parcours de soins.

Le patient doit en outre être connu des médecins téléconsultants.

Il est nécessaire que le professionnel de santé ait en effet connaissance du dossier médical du patient, du parcours de soins, de l’historique de prise en charge médicale etc).

Aussi, une consultation physique doit au moins avoir été organisée au cours des 12 derniers mois précédent la téléconsultation.

Il sera donc précisé que la Télémédecine ne peut pas être utilisée pour :

  • les consultations complexes ou très complexes
  • toute consultation nécessitant un examen clinique/physique du patient en présentiel
  • l’avis ponctuel de consultant

III – LES DROITS ET OBLIGATIONS DU TELECONSULTANT

A. Les obligations du téléconsultant

Le professionnel de santé téléconsultant est soumis aux mêmes obligations légales, règlementaires et déontologiques que dans le cadre de son exercice habituel / classique.

Il doit délivrer à son patient une information claire, loyale et précise, notamment sur le principe et le déroulement de la téléconsultation.

Il doit en outre recueillir son consentement libre et éclairé.

L’ensemble de la téléconsultation, les conclusions prises et les soins / examens éventuellement prescrits et envoyés par voie postale ou électronique doivent être retracés dans le dossier médical.

Le principe du respect du secret médical ne doit en aucune manière être altéré.

Aussi, l’ensemble du matériel utilisé pour permettre la téléconsultation doit respecter des normes particulières.

Le matériel de télémédecine :

Pour réaliser un acte de télésanté, il est nécessaire que le professionnel s’équipe d’une solution de vidéotransmission sécurisée ainsi que d’une messagerie sécurisée, garantissant la qualité et la confidentialité des échanges.

L’éditeur de logiciels ou le fournisseur de solution de télémédecine doit respecter ces critères de sécurité quant aux échanges de données personnelles de santé.

Skype et autres moyens de visio-conférence peuvent suffire pour la consultation en elle-même mais pas pour la transmission de documents / données médicales.

Aussi, la réglementation française sur les données personnelles et les données de santé doit trouver à s’appliquer.

L'usage de ces technologies doit en effet être conforme aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité mentionnés à l'article L. 1110-4-1 du code de la santé publique.

Article L. 1110-4-1 du code de la santé publique :

Afin de garantir l'échange, le partage, la sécurité et la confidentialité des données de santé à caractère personnel, doivent être conformes aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité élaborés par le groupement d'intérêt public mentionné à l'article L. 1111-24, pour le traitement de ces données, leur conservation sur support informatique et leur transmission par voie électronique :

1° Les systèmes d'information ou les services ou outils numériques destinés à être utilisés par les professionnels de santé et les personnes exerçant sous leur autorité, les établissements et services de santé, le service de santé des armées et tout organisme participant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code ;

2° Les systèmes d'information ou les services ou outils numériques destinés à être utilisés par les professionnels des secteurs médico-social et social et les établissements ou services des secteurs médico-social et social mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ;

3° Les systèmes d'information ou les services ou outils numériques mis en œuvre par les organismes d'assurance maladie, ayant pour finalité principale de contribuer directement à la prévention ou au suivi du parcours de soins des patients. Ces référentiels sont élaborés en concertation avec les représentants des professions de santé, d'associations d'usagers du système de santé agréées, des établissements de santé, des établissements et services des secteurs médico-social et social ainsi que des opérateurs publics et privés du développement et de l'édition des systèmes d'information et des services et outils numériques en santé. Ils sont approuvés par arrêté du ministre chargé de la santé.

Les référentiels d'interopérabilité mentionnés au premier alinéa du présent article s'appuient sur des standards ouverts en vue de faciliter l'extraction, le partage et le traitement des données de santé dans le cadre de la coordination des parcours de soins, de l'amélioration de la qualité des soins et de l'efficience du système de santé ou à des fins de recherche clinique, chaque fois que le recours à ces standards est jugé pertinent et possible par le groupement d'intérêt public mentionné à l'article L. 1111-24 du présent code.

Le professionnel de santé téléconsultant doit s’assurer que les autres professionnels de santé et/ou les psychologues participant aux activités de télémédecine ont la formation et les compétences techniques requises pour l'utilisation des dispositifs de télémédecine.

B. Les droits du téléconsultant

Le recours à la téléconsultation relève de la décision du professionnel de santé qui juge si la prise en charge médicale à distance plutôt qu'en présentiel est opportune ou non.

C’est ce dernier qui décide des conditions dans lesquelles doit se réaliser cette consultation et ce, afin de permettre son bon déroulement.

Aussi, il peut notamment décider que le patient sera seul ou accompagné lors de la téléconsultation et que celle-ci se déroulera depuis son domicile ou depuis un lieu dédié équipé.

La téléconsultation se déroulera en tout état de cause comme une consultation classique physique, à l’exception de l’examen clinique.

Le professionnel participant à un acte de télémédecine peut également, sauf opposition de la personne dûment informée, échanger des informations relatives à cette personne, notamment par le biais des technologies de l'information et de la communication.

Les médecins libéraux ont la possibilité de facturer un dépassement d’honoraires dans les mêmes conditions qu’en cas de consultation en face à face.

Le médecin accompagnateur du patient, lors d’une téléconsultation réalisée par un autre professionnel, peut parfaitement facturer une consultation dans les conditions habituelles.

IV –TELEMEDECINE ET RESPONSABILITE MEDICALE

Les professionnels de santé engagent leur responsabilité civile, pénale, administrative ou disciplinaire dans un acte de télémédecine dans les mêmes conditions que celles applicables à la pratique traditionnelle de la médecine. Par principe, il est donc nécessaire que le professionnel de santé ait commis une faute pour voir engager sa responsabilité.

Article L. 1142-1 du code de la santé publique :

I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

Lors de la réalisation d’un acte de télémédecine comme la téléassistance ou la téléexpertise, un partage de responsabilité est possible entre le médecin « requérant » qui sollicite l’expertise/l’assistance d’un confrère et le médecin « requis » qui apporte son expertise/son assistance.

V - L’EVOLUTION DE L’UTILISATION DE LA TELESANTE

La Télésanté n’a pas eu le succès escompté à sa création mais dès la mi-juin 2019, les professionnels de santé ont commencé à s’en saisir davantage.



Les médecins libéraux sont les plus enclins à utiliser cette e-technique (85 % des prescripteurs).

Les professionnels de santé recourant le plus à la télémédecine exercent principalement dans les régions du nord et du sud-est de la France.

Toutefois, depuis l’épisode de COVID-19, il est manifeste que les professionnels de santé, pour certains encore réfractaires, ont enfin compris l’utilité de la télémédecine, laquelle s’est de ce fait largement généralisée au cours de l’année 2020.

D’ailleurs, a été publié un Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d'assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19 et ce, afin d’assouplir les règles et faciliter ainsi le recours à la télémédecine pendant l’épidémie.

CONCLUSION

Au-delà des buts principaux à atteindre notamment d’amélioration de l’organisation du système de santé, de simplification du suivi médical, d’accélération du délai de prise en charge des urgences, la télémédecine a mis en lumière le fait qu’elle était un gage de sécurité sanitaire.

Toutefois, la téléconsultation n’a pas vocation à remplacer la consultation traditionnelle, laquelle doit perdurer et être privilégiée et ce, afin d’assurer la meilleure relation médecin/patient possible.

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