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mardi 1 août 2017

CAS PRATIQUE SUR L'OBLIGATION D'INFORMATION DES MEDECINS ET CURE DE HERNIE INGUINALE

LES CIRCONSTANCES

Une patiente a été prise en charge aux fins d'intervention chirurgicale de hernie inguinale.

S'en sont suivies notamment de très vives douleurs dans l'aine.

Souffrant terriblement, la patiente a saisi la CRCI aux fins de demande d'expertise médicale.

L'EXPERTISE

Les Experts désignés n'ont retenu aucune faute de prise en charge.

Ils ont par ailleurs estimé qu’il n’y avait pas eu de manquement à l’obligation d’information et ce, aux motifs que :

  • Il n’y avait pas d’alternatives thérapeutiques permettant à la patiente d’échapper à la survenue de tels risques en choisissant un autre traitement ;
  • Les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qui auraient dû faire l’objet d’une intervention ne se sont pas réalisés.

Or, de telles conclusions doivent être critiquées.

CRITIQUE DU RAPPORT D'EXPERTISE

D'une part, concernant les alternatives thérapeutiques, il importe peu que celles-ci soient inexistantes.

En effet, la Jurisprudence a évolué sur ce point.

  • LE DROIT

Autrefois, selon la Jurisprudence issue de l’affaire HEDREUL, le manquement du médecin à son devoir d’information donnait lieu à indemnisation lorsqu’il constituait pour le patient une perte de chance d’échapper, par une décision plus judicieuse, au risque dont il n’avait pas été informé et qui s’était réalisé.

Le juge devait rechercher, en prenant en considération l’état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risque lui étaient proposés ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, les effets qu’aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus (Civ. 1ère., 20 juin 2000, n°98-23046).

Aussi, lorsqu’il n’existait pas d’alternative et que rien ne laissait supposer que le patient pouvait refuser l’intervention, le manquement à l’obligation d’information ne pouvait donner lieu à indemnisation, pas même au titre d’un préjudice moral.

Cependant, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence sur ce point (Civ. 1ère, 3 juin 2010, n°09-13591) :

Il résulte des articles 16 et 16-3 du code civil que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ; le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice qu’en vertu de l’article 1382 du code civil, le juge ne peut laisser sans réparation.

En réaffirmant par référence aux articles 16 et 16-3 du code civil, le lien entre le devoir d’information et le respect de la dignité de la personne et en visant l’article 1382 du même code et non l’article 1147, la Cour de cassation consacre un droit du patient à l’information dont le non-respect est, à lui seul, source d’un préjudice réparable, distinct du préjudice corporel.

Aussi, depuis cet arrêt de principe, le défaut d’information cause un préjudice moral autonome du seul fait du manquement, indépendamment de la nécessité ou des conséquences bénéfiques pour le patient de l’intervention.

Le Conseil d’Etat a adopté la même position deux ans plus tard, en précisant le contenu de ce préjudice.

En effet, par le biais de deux arrêts du 24 septembre 2012 et du 10 octobre 2012, le Conseil d’Etat a également reconnu ce préjudice moral autonome (CE 24 sept. 2012, n° 336223 et CE 10 oct. 2012, n° 350426).

Toutefois, il en a précisé le contenu.

Ce défaut d’information cause à la victime un préjudice d’impréparation :

Indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles.

Le Conseil d’Etat était en l’espèce plus restrictif que la Cour de Cassation en limitant l’indemnisation aux cas où le dommage corporel était effectif. Par un arrêt du 23 janvier 2014 (1ère Civ., 23 janvier 2014, n° 12-22123), la Cour de Cassation a aligné sa jurisprudence sur celle du Conseil d’Etat en limitant l’indemnisation aux cas où le risque non connu s’est réalisé.

  • EN L'ESPECE

Il ressort du rapport d’expertise que « les complications de la cure de hernie inguinale sont les suivantes : hématome, abcès de la paroi, douleurs de l’aine (…)".

Or, la patiente a notamment souffert de douleurs de l’aine, suite à l’intervention chirurgicale subie.

Malgré la survenue de ces douleurs, les Experts n’ont pas hésité à rejeter tout manquement au défaut d’information et ce, au motif qu’aucun risque ne s’était réalisé.

En effet, ils indiquent :

« la patiente n’a eu aucune de ces complications, car après avoir examiné la patiente, les Experts estiment que la douleur est multifactorielle. (…). Il n’y a pas d’imputabilité évidente des douleurs à la cure de hernie ».

Or, le fait que l’imputation de ces douleurs ne soit pas évidente ne signifie aucunement que celles-ci ne sont aucunement en lien avec l’intervention chirurgicale litigieuse.

Ce caractère multifactoriel signifie au contraire que ces douleurs sont pour partie en lien avec cette intervention chirurgicale.

Par voie de conséquence, le risque de douleur au niveau de l’aine s’est bien réalisé.

Le défaut d’information doit donc être retenu en l’espèce et les responsabilités engagées sur ce point.

mercredi 22 mai 2013

PERFORMATION INTESTINALE APRES COLOSCOPIE NON DIAGNOSTIQUEE

FAITS :

Patient adressé par son médecin traitant à un gastroentérologue pour une diarrhée intermittente depuis plusieurs années avec deux épisodes récents d’hémorragie digestive.

Saisine de la CRCI le 8 octobre 2007.

EXPERTISE :

L’indication de la coloscopie est justifiée. Mais, la patiente n’a pas été informée des risques de l’examen. . La survenue d’une perforation intestinale per-coloscopique n’est pas considérée comme une faute car les règles de l’examen ont été respectées.

Le gastroentérologue a commis une faute car le tableau clinique évoquait une perforation intestinale. Il aurait dû, en urgence, faire pratiquer un examen et faire venir le chirurgien de garde pour qu’il examine la patiente.

AVIS de juillet 2009 :

La CRCI reprend à son compte les arguments de l'Expert concernant la faute du gastroentérologue.

La patiente n’avait pas été informée des risque de la coloscopie, mais « devant une suspicion de cancer, il n’est guère plausible que, même parfaitement informée sur les risques possibles et notamment de perforation, la patiente eût pu refuser un geste aussi utile au diagnostic de ses troubles intestinaux, pour la seule considération d’une complication de réalisation aussi exceptionnelle, si l’on en juge par les statistiques de fréquence mentionnées dans le rapport (2/10 000) (…) »

En conséquence, la responsabilité du Chirurgien a été retenue au titre d'un défaut de diagnostic mais non au titre d'un prétendu manquement à son obligation d'information.

mercredi 20 février 2013

DEFAUT D'INFORMATION, PERTE DE CHANCE ET/OU PREJUDICE MORAL D'IMPREPARATION

Avant 2010, le patient pouvait obtenir une indemnisation pour manquement du praticien à son obligation d'information sur les risques d'un acte de soins dans l'hypothèse où ce(s) risque(s) se réalisai(en)t.

Toutefois, l'indemnisation était refusée par la juridiction si celle ci estimait que le patient, même informé des risques, n'aurait pas pu refuser un tel acte médical et/ou chirurgical.

Par revirement de la Cour de cassation en date du 3 juin 2010, la cour a estimé que le défaut d'information devait être indemnisé peu importe que le risque ce soit réalisé ou non dans la mesure où ce défaut d'information correspondait à un manquement à la dignité humaine.

La Cour de Cassation estime donc depuis 2010 que le patient peut être indemnisé pour le préjudice moral autonome qu'il a subi du fait de ce défaut d'information mais également pour la perte de chance qu'il a eu de refuser l'intervention du fait de ce défaut d'information.

Le Conseil d'Etat s'est rangé sur la position de la Cour de cassation par arrêt en date du 10 octobre 2012. Cependant les conditions d'indemnisation de ce préjudice lié au défaut d'information sont plus restrictives.

En effet, ce défaut d'information doit entraîner un préjudice d'impréparation, c'est à dire doit avoir empêché le patient de se faire à l'idée de la réalisation du risque et de prendre ses dispositions. Par ailleurs, il faut nécessairement que ce risque ce soit réalisé, contrairement à la position de la Cour de cassation, pour obtenir une indemnisation de ce préjudice moral autonome.

En conséquence, ce préjudice est indemnisé plus facilement lorsque le défaut d'information découle non pas d'un praticien hospitalier mais d'un médecin libéral et/ou salarié.

mercredi 24 octobre 2012

PREJUDICE MORAL AUTONOME ET MANQUEMENT A L'OBLIGATION D'INFORMATION DU MEDECIN

Le Conseil d'Etat vient de se ranger à la position de la Cour de cassation.

Peu importe que l'intervention chirurgicale ou le soin médical était indispensable et/ou vital et que le patient ne pouvait pas le refuser, le praticien peut être poursuivi et engager sa responsabilité s'il n'a pas informé le patient des risques afférents à cette intervention ou ce soin.

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mercredi 26 septembre 2012

CONSULTATION PRE-ANESTHESIQUE DELOCALISEE ET RESPONSABILITE DES ANESTHESISTES

La consultation pré-anesthésique n'étant pas réglementée par la loi, la société française d'anesthésie et de réanimation a établi des recommandations.

La consultation pré-anesthésique délocalisée doit nécessairement restée exceptionnelle (et à la demande du patient) et respecter les exigences de toute consultation pré-anesthésique :

  • Evaluer et réduire les risques de complications liés à l’anesthésie,
  • Informer le patient du type d'anesthésie et de ses risques,
  • Dialoguer avec les autres Praticiens prenant en charge le patient et notamment à l'anesthésiste-réanimateur qui prendra en charge le patient le jour J.

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