jeudi 15 décembre 2016

LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES SE BASE DESORMAIS SUR UN REFERENTIEL INDICATIF D'INDEMNISATION

Un référentiel indicatif d'indemnisation a finalement été mis en place, par Décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-1 du code du travail, afin d'aider le Conseil de Prud'hommes à fixer un montant indemnitaire juste à allouer au salarié en cas de condamnation de son employeur.

Ce barème est utilisé en cas d'absence de conciliation, soit quand l'affaire est portée devant le bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes.

Ce barème est consultable ici.

Les montants indiqués dans ce référentiel sont majorés d'un mois si le demandeur était âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture.

Ils sont également majorés d'un mois en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d'activité considéré.

INSALUBRITE DU LOCAL D'HABITATION ET CONDAMNATION DU BAILLEUR

Un bailleur avait loué à bail une "cave" faisant office de local d'habitation. Enterrée dans le sol, avec un éclairage insuffisant et sans chauffage fixe, le bailleur a été "invité" par le Préfet à reloger son locataire, conformément à l'article L. 521-3-1 du Code de la construction et de l'habitation

Parallèlement, il a été condamné civilement au règlement de la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi. Cette somme a été calculée sur la base de la durée d'habitation dans les lieux, soit en l'espèce depuis plus de 2 ans.

--> Cf. Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 2 novembre 2016, n° 16/02157

mercredi 14 décembre 2016

LE DEROULEMENT D’UN PROCES PENAL

DEVANT LE TRIBUNAL POUR ENFANTS, LE TRIBUNAL DE POLICE OU LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

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lundi 12 décembre 2016

LA RESPONSABILITE DES NEUROLOGUES FACE AUX CRISES D’EPILEPSIE SURVENANT EN SITUATION DE CONDUITE D’UN VEHICULE TERRESTRE A MOTEUR

INTRODUCTION

L’épilepsie est une affection caractérisée par la répétition chronique de décharges (activations brutales) des cellules nerveuses du cortex cérébral.

Ces décharges neuronales hyper-synchrones peuvent être dues à deux grands types de causes :

  • une lésion du cortex cérébral, telle une tumeur, qui va entraîner une épilepsie symptomatique,
  • une anomalie génétiquement déterminée de l'excitabilité neuronale qui va entraîner une épilepsie idiopathique.

Les crises d’épilepsie ne s’accompagnent pas toujours de mouvements saccadés ou de convulsions. Elles peuvent seulement se manifester par des sensations insolites (hallucinations olfactives, auditives, etc.) avec ou sans perte de conscience, ou par diverses manifestations physiques (regard fixe, gestes répétitifs et / ou involontaires).

Il importe de distinguer la crise d'épilepsie de l'épilepsie proprement dite qui est définie par la répétition de crises.

Ce n’est que lorsqu’un individu a subi plusieurs crises qu’il peut être diagnostiqué comme épileptique.

En effet, une personne est considérée comme épileptique lorsqu’elle subit 2 crises d’épilepsie ou plus en moins de 5 ans.

Lorsque le diagnostic est posé, la personne diagnostiquée voit alors certains de ses droits réduits, notamment ceux relatifs à la délivrance et le maintien du permis de conduire, compte tenu de l’altération possible des facultés mentales pouvant survenir en situation de conduite.

Ces restrictions sont en parfaite adéquation avec les dispositions du code de la route et notamment de son article R. 412-6.

''Article R. 412-6 du code de la route : « I.-Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. Celui-ci doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d'une prudence accrue à l'égard des usagers les plus vulnérables. II.-Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent. Ses possibilités de mouvement et son champ de vision ne doivent pas être réduits par le nombre ou la position des passagers, par les objets transportés ou par l'apposition d'objets non transparents sur les vitres. III.-Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du II ci-dessus est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe. IV.-En cas d'infraction aux dispositions du II ci-dessus, l'immobilisation du véhicule peut être prescrite (…) ».''

I – L’EPILEPSIE ET LA CONDUITE AUTOMOBILE

2.1. Evolution législative

Avant 2005, la réglementation du permis de conduire interdisait toute personne épileptique d'obtenir le permis de conduire ou de maintenir celui-ci après diagnostic de l’affection. Et pour cause !

Les crises d’épilepsie ou autres perturbations brutales de l’état de conscience constituent un danger grave pour la sécurité routière lorsqu’elles surviennent lors de la conduite d’un véhicule à moteur.

Mais depuis 2005, grâce aux progrès thérapeutiques et à la meilleure maîtrise des crises épileptiques par les professionnels de santé, il est désormais possible pour les personnes atteintes d’épilepsie d'obtenir un permis de conduire ou de le maintenir, sous certaines conditions.

En effet, depuis l’Arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée, les épileptiques sont désormais autorisés à conduire un véhicule terrestre à moteur, sous certaines conditions.

Cet Arrêté a été modifié à plusieurs reprises, notamment par l’arrêté du 31 août 2010 lui-même modifié récemment par l’Arrêté du 18 décembre 2015 qui a transposé les dispositions de la directive 2014/85/UE de la Commission du 1er juillet 2014 modifiant l’annexe III de la directive 2006/126/CE du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire qui prévoit les cas dans lesquels l’apnée obstructive du sommeil peut être une cause d’inaptitude médicale.

L’Annexe de cet Arrêté fixe les conditions d’obtention ou de maintien du permis de conduire, lesquelles varient selon l’affection dont souffre la personne sollicitant la délivrance ou le maintien dudit permis.

Ces affections sont répertoriées par classes, sous-classes et sous-sous-classes, elles-mêmes répertoriées en deux groupes : le groupe léger et le groupe lourd. Il existe 6 classes différentes :

  1. Pathologie cardio-vasculaire
  2. Altérations visuelles
  3. Otorhino-Laryngologie-Pneumonie
  4. Pratiques addictives – Neurologie – Psychiatrie
  5. Appareil locomoteur
  6. Pathologie métabolique et transplantation.

Concernant les deux groupes, le groupe léger concerne les permis non professionnels A, A1, A2, B, B1, EB et le groupe lourd concerne les permis professionnels C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D, DE).

Concernant plus particulièrement l’épilepsie, celle-ci est répertoriée dans la classe IV « Pratiques addictives – Neurologie – Psychiatrie » tant du groupe léger que du groupe lourd.

Les conditions d’obtention ou de maintien des différents permis de conduire professionnels et non professionnels sont les suivantes :

2.1.1. Le principe commun à chaque affection

Annexe de l’arrêté du 18 décembre 2015 :

''« Tant pour le groupe léger que pour le groupe lourd, le permis de conduire ne doit être ni délivré ni renouvelé au candidat ou conducteur atteint d’une affection, qu’elle soit mentionnée ou non dans la présente liste, susceptible de constituer ou d’entraîner une incapacité fonctionnelle de nature à compromettre la sécurité routière lors de la conduite d’un véhicule à moteur. La décision de délivrance ou de renouvellement du permis par l’autorité préfectorale est prise à la suite d’un avis de la commission médicale départementale ou d’un médecin agréé. L’avis adressé au préfet peut contenir, si les conditions l’exigent pour la sécurité routière, des propositions de mentions additionnelles ou restrictives sur le titre de conduite. Avant chaque contrôle médical, le candidat ou le conducteur remplit une déclaration décrivant loyalement ses antécédents médicaux, une éventuelle pathologie en cours et les traitements pris régulièrement. Un test de conduite par une école de conduite peut être demandé. Le médecin agréé ou la commission médicale peuvent, après un premier examen, s’ils le jugent utile, demander l’examen de l’intéressé par un spécialiste de la commission médicale d’appel. Ce dernier répondra aux questions posées par le médecin agréé ou la commission, sans préjuger de leur avis »''

2.1.2. Les spécificités de l’épilepsie

Il apparaît logique que les conditions d’obtention ou du maintien du permis de conduire diffèrent selon le type de personnes épileptiques et selon qu’il s’agit d’obtenir ou de maintenir un permis du groupe léger ou du groupe lourd. Et pour cause !

Il existe de nombreuses caractéristiques de l’épilepsie, sa fréquence, ses facteurs déclenchants et son évolution pouvant être très différents.

Il est donc extrêmement important que le syndrome épileptique spécifique et le type de crise de la personne concernée soient identifiés au cours d’un examen médical périodique réalisé par un professionnel de santé agréé, afin de pouvoir entreprendre une évaluation correcte de la sécurité de la conduite de cette personne (y compris de risque de nouvelles crises) et de pouvoir mettre en place un traitement éventuel approprié.

Sur la base de cette évaluation, le spécialiste peut et doit alors produire un rapport mentionnant la durée de l’interdiction de conduite et le suivi requis.

2.2. Les conditions d’obtention ou du maintien d’un permis de conduire du groupe léger

2.2.1. L’épilepsie

Le permis de conduire d’un conducteur considéré comme épileptique fait l’objet d’un examen médical périodique tant que le conducteur n’est pas resté 5 ans sans faire de crise.

En revanche, après une période de 5 ans sans crise, la délivrance d’un permis de conduire sans limitation de durée de validité pour raison médicale peut être envisagée.

Cela est logique car une personne qui souffre d’épilepsie ne satisfait pas aux critères permettant d’obtenir un permis inconditionnel.

Une notification est alors fournie à l’autorité délivrant les permis.

2.2.2. Crise d’épilepsie provoquée

Une crise d’épilepsie provoquée est définie comme une crise déclenchée par un facteur causal identifiable qui peut être évité.

Le candidat ayant été victime d’une crise d’épilepsie provoquée par un facteur causal identifiable qui est peu susceptible de se reproduire au volant peut être déclarée apte à la conduite au cas par cas, après avis d’un neurologue.

2.2.3. Première crise d’épilepsie non provoquée ou crise unique

Une personne qui est victime d’une crise initiale ou isolée doit être dissuadée de prendre le volant.

Toutefois, dans l’hypothèse où la personne ayant été victime d’une première crise d’épilepsie non provoquée souhaite obtenir ou maintenir son permis, elle peut être déclarée apte à la conduite après une période de 6 mois sans aucune crise, à condition qu’un examen médical approprié ait été effectué par un professionnel de santé qui aura indiqué par ailleurs le suivi requis.

Les conducteurs dont les indicateurs pronostiques sont bons peuvent être autorisés avant l’expiration de cette période de 6 mois, après un avis médical approprié.

2.2.4. Autres pertes de conscience

Une personne qui est victime d’une perte de conscience doit également être dissuadée de prendre le volant.

Toutefois, dans l’hypothèse où la personne victime de pertes de conscience souhaite obtenir ou maintenir un permis de conduire, elle doit consulter un spécialiste qui doit alors produire un rapport mentionnant la durée de l’interdiction de conduite et le suivi requis.

La perte de conscience doit être évaluée en fonction du risque de récurrence lors de la conduite.

2.2.5. Épilepsie déclarée

Les conducteurs ou candidats peuvent être déclarés aptes à la conduite après une année sans crise.

2.2.6. Crise survenue exclusivement durant le sommeil

Le candidat ou conducteur qui n’a des crises que pendant son sommeil peut être déclaré apte à la conduite si ce schéma de crises est observé durant une période ne pouvant être inférieure à la période sans crise requise pour l’épilepsie.

Si le candidat ou conducteur est victime d’attaques de crises lorsqu’il est éveillé, une période d’une année sans nouvelle crise est requise avant que le permis ne puisse être délivré.

2.2.7. Crise sans effet sur la conscience ou la capacité d’action

Le candidat ou le conducteur qui subit exclusivement des crises n’affectant pas sa conscience et ne causant pas d’incapacité fonctionnelle peut être déclaré apte à la conduite si ce schéma de crises est observé durant une période ne pouvant être inférieure à la période sans crise requise pour l’épilepsie.

Si le candidat ou conducteur est victime d’attaques ou de crises d’un autre genre, une période d’un an sans nouvelle crise est requise avant que le permis puisse être délivré.





2.2.8. Crises dues à une modification ou à l’arrêt du traitement antiépileptique ordonné par un médecin

Il peut être recommandé au patient de ne pas conduire pendant 6 mois à compter de l’arrêt du traitement.

Si, une crise survient alors que le traitement médicamenteux a été modifié ou arrêté sur avis du médecin, le patient doit cesser de conduire pendant 3 mois et le traitement efficace précédemment suivi doit être réintroduit.

2.2.9. Après une opération chirurgicale visant à soigner l’épilepsie

Les mêmes conditions que celles de l’épilepsie s’appliquent pour obtenir ou maintenir un permis de conduire.

2.3. Les conditions d’obtention ou du maintien d’un permis de conduire du groupe lourd

Le candidat ne doit prendre aucun médicament antiépileptique durant toute la période sans crise.

Un suivi médical approprié doit être effectué.

L’examen neurologique approfondi ne doit révéler aucune pathologie cérébrale notable, et aucun signe d’activité épileptiforme ne doit être détecté dans le tracé de l’électroencéphalogramme.

Un électroencéphalogramme et un examen neurologique approprié doivent être réalisés après une crise aigüe.






2.3.1. Crise d’épilepsie provoquée

Le candidat qui est victime d’une crise d’épilepsie provoquée par un facteur causal identifiable peu susceptible de se reproduire au volant peut être déclarée apte à la conduite au cas par cas, après avis d’un neurologue.

Un électroencéphalogramme et un examen neurologique approprié doivent être réalisés après une crise aigüe.

Une personne souffrant d’une lésion intracérébrale structurelle qui présente un risque accru de crise doit se voir interdire de conduire de véhicules du groupe lourd jusqu’à ce que le risque d’épilepsie soit au maximum de 2 % par an.

2.3.2. Première crise non provoquée ou crise unique

Le candidat qui a subi une première crise d’épilepsie non provoquée peut être déclaré apte à la conduite, après avis d’un neurologue, si aucune autre crise ne se produit au cours d’une période de 5 ans alors qu’aucun traitement antiépileptique n’a été prescrit.

Les conducteurs dont les indicateurs pronostiques sont bons peuvent être autorisés avant l’expiration de cette période de 5 ans, après un avis médical approprié.



2.3.3. Autres pertes de conscience

La perte de conscience doit être évaluée en fonction du risque de récurrence lors de la conduite.

Le risque de récurrence doit être au maximum de 2 % par an.

2.3.4. Epilepsie

Sans suivre le moindre traitement antiépileptique, le conducteur ne doit plus avoir eu de crises pendant dix ans.

Les conducteurs dont les indicateurs pronostiques sont bons peuvent être autorisés avant l’expiration de cette période de 10 ans, après un avis médical approprié.

Cela s’applique à certains cas d’épilepsies dites juvéniles.

En résumé, pour pouvoir obtenir un permis de conduire (groupe léger ou lourd), le patient épileptique doit :

  • Ne pas avoir fait de crises depuis plusieurs années ;
  • Ne pas avoir présenté trop de périodes critiques intenses et/ou périodes de crises rapprochées ;
  • Suivre un traitement médicamenteux qui n'altère pas ses capacités de concentration et de vigilance ;
  • Avoir rapporté la preuve d’un contrôle électro-encéphalographique normal récent ;
  • Avoir produit un certificat médical d’un neurologue attestant de sa capacité à conduire malgré l’affection dont il est atteint.

Il s’agit d’une délivrance temporaire pouvant aller de 6 mois à 10 ans, soumise à l’accord de la commission médicale départementale des permis de conduire, après avis d’un neurologue indépendant agréé par le Préfet.

En aucun cas, le conducteur ne peut solliciter une autorisation de conduite de la part de son médecin traitant généraliste ou neurologue. (Avis du Conseil national de l’Ordre des Médecins du 29.03.1999).

Si le patient veut obtenir un permis C ou D, il doit par ailleurs s’agir d’un neurologue attaché au -Centre d’aptitude à la conduite et d’adaptation des ¬véhicules (CARA). En cas de refus d’obtention d’un permis, il est toujours possible de reformuler une demande ultérieure lorsqu’il n’existe plus de contre-indication médicale à la conduite.

Il est par ailleurs possible de faire appel d’une décision de refus d’obtention du permis de conduire devant une Commission spéciale où siège un neurologue : la commission médicale d'appel.

Cet appel n'empêche toutefois pas la décision initiale du préfet de s'appliquer.

Si l'avis médical négatif est maintenu et que le préfet rend une décision d'inaptitude, ou d'aptitude temporaire ou avec restrictions, il est toujours possible de faire un recours devant le juge administratif.

Par ailleurs, en cas de délivrance temporaire du permis, il est important de préciser qu’il ne s’agit pas d’une décision définitive, celle-ci pouvant être remise en cause en cas d’incident ou d’accident de la circulation consécutif à une crise d’épilepsie au volant.

Au vu de cette pathologie, il n’est donc pas exclu qu’une crise épileptique survienne en situation de conduite malgré les précautions susmentionnées prises et les règles ci-dessus respectées.

Se pose alors la question, dans cette hypothèse, de la responsabilité du neurologue ayant autorisé, via l’établissement d’une attestation d’aptitude à la conduite, la conduite automobile litigieuse.

II – LA RESPONSABILITE DU NEUROLOGUE AGREE EN CAS D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION LIE A UNE CRISE D’EPILEPSIE

Pour que la responsabilité d’un neurologue, ayant délivré une attestation d’aptitude à la conduite, soit engagée en cas de survenue d’un accident de la circulation causé par le patient épileptique, encore faut-il que ce praticien ait méconnu les obligations légales et déontologiques auxquelles il est tenues.

Il a, à ce titre, une obligation d’investigation.

Il doit en effet tout d’abord interroger son patient sur son état de santé :

  • Surveillance médicale régulière ?
  • Nombre de crises d’épilepsie et sur quelle période ?
  • Suivi sérieux du traitement prescrit ?
  • Etc.

Toute la difficulté réside dans le fait de savoir si son patient a été honnête dans ses déclarations, ce dernier pouvant parfaitement omettre de donner certains éléments d’information et ce, de manière volontaire ou involontaire en vue de l’obtention ou du maintien de son permis de conduire.

Les déclarations du patient ne sauraient toutefois suffire. Elles doivent être vérifiées.

Cette vérification peut s’opérer par le biais d’une prise de contact auprès du médecin traitement neurologue ou généraliste.

Toutefois, cette investigation auprès d’un autre professionnel de santé prenant en charge le même patient doit être autorisée par ce dernier (Avis du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 30 mai 2009).

Pour éviter toute poursuite judiciaire liée notamment à une violation du secret professionnel, il convient d’insérer dans le dossier médical du patient son accord concernant cette investigation auprès d’autres professionnels de santé et les démarches entreprises auprès de ceux-ci.

En cas de refus dudit patient concernant cette investigation, il apparait « dangereux » d’établir une telle attestation d’aptitude à la conduite, cette attitude devant être considérée comme « suspecte ».

A défaut, une légèreté blâmable pourrait être reprochée au neurologue instigateur.

Ce dernier doit en effet pouvoir rapporter la preuve qu’il a contrôlé un minimum les déclarations de son patient.

Par ailleurs, le neurologue doit systématiquement réaliser différents examens médico-techniques (électro-encéphalogramme, IRM etc) afin de s’assurer de la stabilisation de l’état de santé du patient.

Si les investigations réalisées sont suffisamment poussées, le praticien ne saurait être tenu responsable - en cas de fausses déclarations du patient ayant causé un accident de la circulation – ni d’avoir délivré une attestation d’aptitude à la conduite injustifiée ni de ce fait des conséquences dudit accident de la circulation.

Dans le cas contraire, il pourrait être reproché au neurologue un manque d’investigations en cas de survenue d’un accident de la circulation causé par le patient épileptique à la suite de la délivrance d’une attestation d’aptitude à la conduite.

Aussi, dans cette seconde hypothèse, il n’est pas exclu que ce praticien soit déclaré co-responsable de l’accident de la circulation au côté du patient.

A ce titre, il sera précisé que lorsqu’un patient fait de fausses déclarations auprès d’un neurologue agréé afin d’obtenir un permis de conduire, celui-ci est alors invalidé si ces fausses déclarations sont découvertes à posteriori.

Aussi, dans cette hypothèse et en cas d’accident de la circulation, l’assurance du véhicule litigieux se réserve le droit de soulever une déchéance de garantie, le patient épileptique auteur de l’accident restant alors seul responsable des conséquences pécuniaires de l’accident.

Enfin il sera précisé qu’en l’absence de fausses déclarations du patient et en cas d’attestation d’aptitude à la conduite délivrée par un neurologue, ce dernier pourra voir sa responsabilité engagée en cas de survenance d’un accident de la circulation causé par ce patient en cas de crise d’épilepsie, lequel pourra en effet parfaitement se retourner contre le praticien aux fins de partage des indemnités dues à une ou plusieurs victimes.

Le patient devra toutefois prouver que le neurologue a failli à ses obligations légales et déontologiques : erreur de diagnostic, soins inappropriés etc.

CONCLUSION

Il n’a été traité ici que de l’épilepsie et des crises mais la consultation d’un neurologue agréé aux fins de délivrance d’une attestation d’aptitude à la conduite est nécessaire dans de nombreux autres cas visés à la classe IV « Pratiques addictives – Neurologie – Psychiatrie » de l’Arrêté du 18 décembre 2015.

Ces dispositions ont été créées afin d’assurer le respect du principe de sécurité routière, lesquelles ont été assouplies et/ou précisées au fur et à mesure des années pour assurer une plus grande liberté individuelle.

Toutefois, compte tenu du risque d’accidents de la circulation lié à cette pathologie, les neurologues en charge de délivrer des attestations d’aptitude à la conduite se doivent d’être extrêmement vigilants lors de la réalisation des examens et contrôles médicaux au risque d’engager leur propre responsabilité en cas d’accident de la circulation causé par un patient épileptique auquel il aurait été délivré une autorisation de conduire injustifiée.

mardi 29 novembre 2016

LE DEROULEMENT D’UN PROCES ADMINISTRATIF DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Il existe de nombreuses étapes, depuis la saisine de la juridiction matériellement et territorialement compétente, jusqu’au jugement qui sera rendu par cette dernière.

1. Dépôt d’une requête par la personne s’estimant victime

Un procès devant le Tribunal administratif débute par le dépôt d’une requête auprès de la juridiction par un avocat.

Les délais d’enregistrement d’une telle requête sont très longs et peuvent se compter en semaines ou mois, compte tenu de l’engorgement de cette Juridiction.

A l’issue, la juridiction adresse un accusé de réception au requérant.

Cette requête reprend l’ensemble des moyens de faits et de droit justifiant des prétentions du requérant.

2. Communication de la requête aux adversaires par le Greffe de la Juridiction

Parallèlement à l’envoi de l’accusé de réception au requérant, la juridiction adresse la requête aux adversaires du requérant, en leur précisant un délai de 15, 30, 60 ou 90 jours durant lequel ils peuvent répliquer à ladite requête.

Il sera précisé que le délai est un délai indicatif et non impératif et qu’il est toujours possible d’y répliquer avant l’expiration de ce délai ou postérieurement à celui-ci et ce, jusqu’à ce que la Juridiction fixe une date précise, laquelle devra être respectée.

3. Echanges d’arguments entre les parties

Une fois que l’adversaire a répliqué à la requête, il en adresse une copie accompagnée de ses pièces à la juridiction qui retransmet l’ensemble à son tour au requérant qui disposera des mêmes délais pour répliquer le cas échéant.

Cette navette va intervenir entre les parties jusqu’à ce que chacune d’elle estime avoir exposé l’ensemble de ses arguments et répondu à ceux adverses.

Ces échanges d’arguments prennent la forme d’écritures appelées « mémoire ».

Lorsque les parties ont échangé tous leurs arguments, le magistrat clôture l’affaire et fixe une date d’audience de plaidoirie.

4. Audience de plaidoirie

Lors de cette audience de plaidoirie, les parties exposent oralement leurs arguments par le biais de très courtes observations orales et ce, dans la mesure où il s’agit d’une procédure écrite.

Une fois le dossier plaidé, le magistrat fixe un délai dans lequel il rendra sa décision, qui est en général de l’ordre de trois semaines à un mois.

En effet, il ne fixe pas une date précise à laquelle la décision sera rendue.

5. Les suites de la décision rendue

Une fois la décision rendue, si l’une ou l’autre des parties la conteste, elle a d la possibilité de saisir la Cour Administrative d’Appel afin de faire juger une nouvelle fois son dossier.

Toutefois, cet appel n’est pas autorisé systématiquement, des cas bien spécifiques étant prévus.

Lorsque la saisine de la Cour Administrative d’Appel est impossible, l’une ou l’autre des parties peut saisir le Conseil d’Etat par le biais d’un pourvoi en cassation.

Toutefois, dans cette hypothèse, il faut justifier d’une erreur de droit mentionnée dans la décision du Tribunal administratif.

6. La durée approximative du procès

Il sera précisé que, compte tenu de l’engorgement du Tribunal administratif, la durée de la procédure est extrêmement longue, certaines pouvant durer plus d’un an.

Il en est de même en cas de saisine de la Cour administrative d’appel.

lundi 14 novembre 2016

LE DEROULEMENT D’UN PROCES DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES

1. La saisine du Conseil de Prud’hommes

Le Conseil des Prud’hommes est saisi à l’initiative de l’employeur, du salarié ou de leur avocat, par le biais de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception par laquelle il expose l’ensemble des moyens de faits et de droits justifiant leurs prétentions à l’encontre de l’employeur ou du salarié.

Dès réception de la lettre recommandée, le Conseil de Prud’hommes adresse au requérant une convocation à se présenter à une audience de conciliation.

2. L’audience devant le bureau de conciliation

Lors de l’audience de conciliation le requérant peut se présenter seul ou être assisté ou représenté par un avocat.

Compte tenu de l’objet de cette audience, il est fortement recommandé de s’y présenter et non de se faire représenter, puisque le Conseil de Prud’hommes va tenter de faire négocier les parties afin de trouver une issue « amiable » au litige.

Dans l’hypothèse où aucune négociation ne serait envisageable entre les parties, le Conseil de Prud’hommes dresse un procès-verbal de non-conciliation et fixe une date d’audience de plaidoirie devant un bureau de jugement.

3. L’audience devant le bureau de Jugement

Un calendrier de procédure est fixé par le greffe du Conseil.

Il s’agit de dates fixées auxquelles le requérant et le défendeur devront s’échanger leurs arguments et pièces justificatives (appelées conclusions) jusqu’à la date d’audience de plaidoirie également fixée.

Ces dates doivent être aujourd’hui respectées et ne sont plus des dates indicatives pour tous les recours intentés depuis août 2016.

Lors de l’audience de plaidoirie, l’ensemble des parties expose oralement leurs arguments à tour de rôle.

4. La mise en délibéré

A l’issue de l’audience de plaidoirie, le Conseil de Prud’hommes indique la date à laquelle sera rendue sa décision, étant précisé que celle-ci peut intervenir avec quelques jours de retard compte tenu de l’engorgement du Conseil.

5. La contestation éventuelle de la décision rendue

Dans l’hypothèse où l’une des parties contesterait la décision rendue, elle a la possibilité de saisir la Chambre sociale de la Cour d’appel territorialement compétente afin que cette affaire soit jugée une nouvelle fois et ce, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision par le greffe.

6. La durée approximative du procès

Il sera précisé que la durée de la procédure devant le Conseil de Prud’hommes dure au minimum entre huit mois et un an, selon la complexité de l’affaire, et tout autant devant la Cour d’appel, voire plus, cette Juridiction de second degré étant extrêmement engorgée.

vendredi 4 novembre 2016

LES CONSEQUENCES LEGALES DES TOUCHERS VAGINAUX OU RECTAUX EFFECTUES PAR DES ETUDIANTS EN MEDECINE, SANS CONSENTEMENT DES PATIENTS ENDORMIS

INTRODUCTION

Les neurologues ont attendu Non, les touchers vaginaux et rectaux, par des étudiants en médecine, sans consentement des patients endormis ne sont pas un leurre.

Heureusement, ces pratiques ont été dénoncées publiquement au début de l’année 2015 par des étudiants, stagiaires, apprentis, qui en ont été témoins ou victimes dans des centres hospitaliers réputés (I).

I. La dénonciation publique de ces pratiques

Ces derniers ont en effet pu entendre au bloc opératoire, de la part de praticiens « instructeurs » les propos suivants :

« Aujourd’hui, vous allez pouvoir vous exercer au toucher vaginal », « C’est courant ici. C’est comme cela qu’ils apprennent », « Il a une grosse prostate, venez toucher, vous allez la sentir »,

Les élèves passaient à la chaîne, sur les patients endormis, pour n’importe quelle opération, y compris celles qui ne nécessitaient aucun toucher vaginal ou rectal et ce, sur incitation de leur instructeur qui justifiait ses pratiques par une visée pédagogique. Cette pratique a été confirmée par des professionnels chevronnés, notamment par Madame la Doyen de l’UFR de Médecine de cette université, Carole BURILLON mais également par le Président du Collège National des Gynécologues-Obstétriciens Français, Monsieur Bernard HEDON.

Compte tenu de la réalité de ces faits, la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, Madame Marisol TOURAINE est montée au créneau afin d’y mettre un terme (II).

II. La réaction de Madame Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé en suite de ces dénonciations



C’est dans ce contexte houleux et scandaleux que, Madame Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé a souhaité intervenir, sur la base d’un rapport établi par le Président de la Conférence des Doyens des facultés de médecine, Monsieur Jean-Pierre VINEL, afin de condamner avec « une extrême fermeté ces pratiques illégales » et ce, en prenant immédiatement trois mesures, à savoir :

  • Le lancement d’une mission d’inspection dans les établissements de santé :

Cette mission a été confiée à l’Inspection Générale des Affaires Sociales dite « IGAS » et à l’Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche, dite « IGAENR », afin d’approfondir les résultats de l’enquête faite par le Président de la Conférence des Doyens des facultés de médecine.

  • L’envoi d’une instruction aux Directeurs d’Hôpitaux :

Les Directeurs d’Hôpitaux, accueillant les professionnels de santé en formation, devront leur rappeler leurs obligations légales, notamment en matière de droits des patients et les inviter à veiller à leur complète application.

  • Le développement de l’apprentissage par la simulation :

L’apprentissage par la simulation existe déjà dans de nombreux établissements de santé, sans toutefois être ni généralisée ni privilégiée. Aussi, il a été prévu d’équiper dans les meilleurs délais et au plus tard en 2017, l’ensemble des Centres Hospitaliers Universitaires d’un centre de simulation en santé et ce, afin de permettre un apprentissage en conditions quasi-réelles et ce, en toute légalité.

En effet, il sera exposé ci-après que le fait de réaliser de telles pratiques sont parfaitement illégales et peuvent être lourdes de conséquences pour ceux qui les réalisent (III).

III. Les conséquences légales de la réalisation de ces pratiques

Les étudiants et les instructeurs, auteurs de telles pratiques peuvent engager tant leur responsabilité civile du fait du manquement à leur obligation d’information (3.1) que leur responsabilité pénale compte tenu du fait que l’acte de pénétration réalisé sans consentement du patient peut être constitutif d’une infraction (3.2).

3.1. La violation du consentement du patient et la responsabilité civile du praticien superviseur

En vertu des articles L. 1111-1 et suivants du code de la santé publique, toute personne a le droit d'être informée, par le professionnel de santé la prenant en charge, sur son état de santé. En cas de refus du patient de connaître son état de santé mais également en cas d’urgence ou d’impossibilité d’informer ce dernier sur son état et sur l’acte médical envisagé (ce qui n’est pas le cas en l’espèce), le praticien doit se rapprocher soit, de la personne de confiance soit, de la famille ou à défaut, de l’un de ses proches en ce sens. Cette information porte notamment sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information, dont la charge de la preuve repose sur le praticien par tout moyen, est nécessaire car elle permet au patient de consentir librement et de manière éclairée à un acte médical. Le consentement peut être retiré à tout moment de la prise en charge.



A ce titre, il sera précisé, dans le cadre de l’enseignement médical, que l’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose que « l’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre ».

Aussi, en cas de violation de cette obligation d’information et de recueillement du consentement, le Praticien instructeur dans un établissement de santé privé ou l’établissement de santé public lui-même du fait de son praticien hospitalier pourra être sanctionné et le patient en conséquence indemnisé et ce, soit au titre d’un préjudice de perte de chance (3.1.1) soit au titre d’un préjudice moral autonome (3.1.2).

* 3.1.1. Le préjudice de perte de chance

Outre des sanctions disciplinaires sur le fondement du code de déontologie médicale (Article R. 4127-36 du code de la santé publique), le Praticien ayant manqué à son obligation d’information peut être poursuivi par le patient devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation de son préjudice de perte de chance.

Ce préjudice est défini comme la perte de chance pour le patient d’avoir pu renoncer à un acte de soins et au(x) risque(s) survenu(s) qui en découle(nt), s’il avait été pleinement informé par le Praticien notamment des risques de cet acte. Le Praticien ne peut pas être sanctionné au titre du préjudice de perte de chance lorsque les soins étaient indispensables et qu’il n’existait aucune alternative thérapeutique permettant au patient de refuser l’intervention.

Toutefois, en l’espèce, cette sanction a peu de chance d’être prononcée en ce qu’un toucher vaginal ou rectal ne saurait entraîner la survenue de telles conséquences médicales pour le patient.

* 3.1.2. Le préjudice moral d’impréparation

Depuis une évolution jurisprudentielle de 2010, la violation de l’obligation d’information par le Praticien peut également être sanctionnée au titre d’un préjudice moral autonome, dit préjudice moral d’impréparation.

Ce préjudice correspond à l’impossibilité pour le patient de se préparer logistiquement et psychologiquement à la survenue d’une complication liée à un acte médical. Dès lors, même en l’absence de perte de chance, le manquement à l’obligation d’information peut être indemnisé.

Aussi, pour la Cour de cassation, le seul fait de ne pas informer le patient suffit à lui causer un préjudice, peu importe que la complication se soit réalisée ou non (Cass. 1ère Civ., 3 juin 2010, n° 09-13591).

Contrairement à la Cour de cassation, le Conseil d’Etat refuse d’indemniser le patient lorsque le risque ne s’est pas réalisé (CE, 10 octobre 2012, n° 350426). Aussi, des divergences jurisprudentielles demeurent selon que l’acte médical a été réalisé dans le secteur public ou dans le secteur privé.

En sus de sa responsabilité civile, le praticien tant instructeur qu’élève peut engager sa responsabilité pénale (3.2), celle-ci lui étant en effet personnelle

3.2. La violation du consentement du patient et la responsabilité pénale du praticien ayant réalisé l’acte médical

Du point de vue de la responsabilité pénale, se pose la question de savoir si les gestes réalisés sans consentement peuvent être constitutifs d’une infraction pénale, à savoir le viol.

L’article 222-23 du code pénal dispose :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».

L’article 222-24 dudit code dispose quant à lui :

« Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle » lorsqu’il est notamment commis sur un mineur de quinze ans, par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ou par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice".

Aussi, pour que l’infraction de viol soit constituée à l’égard d’un étudiant en médecine ou d’un praticien en exercice, il est nécessaire que l’auteur de l’acte médical réalise de manière intentionnelle, par violence, contrainte, menace ou surprise, un acte de pénétration de n’importe quelle nature.

Il doit donc réaliser un toucher pénétrant, sans avoir recueilli préalablement le consentement du patient.

Dans la mesure où le patient est d’ores-et-déjà endormi au moment de l’acte répréhensible, la surprise est donc nécessairement constituée.

A ce titre, il sera précisé, eu égard à la Jurisprudence constante en la matière, que faute « d’intention sexuelle » ou de « connotation sexuelle » de l’acte reproché, la qualification de viol ne saurait être retenue (Cf. Cass. Crim., 9 décembre 1993, n° de pourvoi 93-81044 ; Cass. Crim., 6 décembre 1995, n° de pourvoi 95-84881 ; Par analogie : Cass. Crim., 20 mars 2013, n° de pourvoi 12-83760).

Toutefois, la Cour de cassation a déjà jugé en sens contraire, dans un arrêt du 22 mars 2000, Chambre criminelle, N° de pourvoi 00-80191 :

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELX..., (…) Statuant sur le pourvoi formé par : X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 16 décembre 1999, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Gironde sous l'accusation de viol, viol aggravé et agressions sexuelles aggravées ; (…) "aux motifs que, concernant Y..., X... a reconnu avoir pu aller au-delà de sa mission en faisant des actes médicalisés et notamment des touchers vaginaux ; qu'il affirmait avoir agi dans un contexte médical, parce qu'on pouvait redouter une infection urinaire ou vaginale, tout en admettant qu'il n'était pas médecin et qu'il avait été ainsi conduit à poser des actes médicaux ; que pour lui il ne s'agissait pas de gestes à connotation sexuelle ; "alors, d'une part, que le viol est constitué par un acte de pénétration sexuelle ; que tout acte de pénétration n'est pas en soi un viol, et qu'il ne l'est que s'il est assorti d'une connotation sexuelle dûment caractérisée par les juges du fond ; que s'agissant d'un prélèvement vaginal effectué par un biologiste, un tel prélèvement, à le supposer contraire aux règles de la médecine et excédant les simples pouvoirs du biologiste, ne peut néanmoins être qualifié de viol qu'à la constatation expresse qu'il aurait eu une connotation sexuelle ; que faute de constater que tel était le cas, l'arrêt attaqué n'a pas légalement caractérisé la qualification de viol ; "alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en s'abstenant de répondre à l'argumentation du mis en examen, qui faisait expressément valoir que l'acte, s'il excédait de sa part le rôle du biologiste pour empiéter sur celui du médecin, n'avait aucune connotation sexuelle, la chambre d'accusation a privé sa décision de toute base légale ; Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sous la qualification de viol un acte qui serait dépourvu de connotation sexuelle, à savoir un toucher vaginal pratiqué par le mis en examen, en qualité de biologiste ; Mais attendu qu'un tel acte, pratiqué à main nue, sans le consentement de la patiente et sans avoir fait l'objet d'une prescription médicale en ce sens, constitue un acte de pénétration sexuelle accompli par surprise sur la personne d'autrui, au sens de l'article 222-23 du Code pénal ; Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ; ».

Le critère de l’intention sexuelle ou de la connotation sexuelle de l’acte de pénétration ne semble donc pas systématiquement être exigé par la Cour de cassation lorsqu’elle retient la qualification de l’infraction de viol.

D’ailleurs, ce critère ne ressort pas de la définition de l’article 222-23 du code pénal.

Il n’est donc pas exclu qu’un patient victime d’un tel acte médical non « prescrit » et non consenti puisse obtenir la condamnation pénale du praticien étudiant ayant réalisé l’acte et ce, alors même que cet acte n’aurait été réalisé que dans un but « pédagogique ».

Et le praticien « enseignant » ayant incité à un tel acte pourrait également voir sa responsabilité pénale engagée au titre de sa complicité et encourir de ce fait les mêmes peines.

Toutefois si cette Jurisprudence venait à se confirmer, aussi contestable qu’elle puisse être compte tenu de son application au domaine médical, elle aurait le mérite d’éviter toute dérive et d’ôter ainsi tout doute concernant les intentions de son auteur.

CONCLUSION

Il est donc nécessaire que les établissements de santé, publics comme privés, rappellent à leurs praticiens leurs obligations légales et les droits des patients, dans la mesure où il est manifeste que ceux-ci n’ont pas conscience des lourdes conséquences juridiques pouvant découler d’un tel acte considéré comme « à visée pédagogique ».

Le consentement doit dès lors être remis en centre de la relation médecin / patients, seul d’ailleurs à même de permettre d’établir et de maintenir une relation de confiance, indispensable à une prise en charge optimale par les professionnels de santé.

mercredi 14 septembre 2016

LE DEROULEMENT D’UN PROCES CIVIL DEVANT LE TRIBUNAL D'INSTANCE OU LA JURIDICTION DE PROXIMITE

Il existe de nombreuses étapes, depuis la saisine de la juridiction matériellement et territorialement compétente, jusqu’au jugement qui sera rendu par cette dernière.

1. Rédaction d’une assignation par un avocat

En cas de préjudices allégués, il convient que la personne qui s’estime victime prenne attache auprès d’un avocat aux fins de rédaction d’une assignation ou d’une requête au greffe selon que la Juridiction saisie est le Tribunal d’Instance ou la Juridiction de Proximité.

Aux termes de l’acte d’avocat, il sera exposé l’ensemble des moyens de faits et de droit justifiant de ses prétentions.

Une date d’audience de plaidoirie est fixée directement dans l’assignation ou postérieurement en cas de requête au greffe via la réception d’une convocation adressée par le Greffe.

Chacune des parties peut se présenter seule à cette audience ou se faire représenter ou assister par un avocat ou toute personne de son choix, sous réserve d’avoir donné un mandat exprès (écrit + copie de la carte nationale d’identité) à la personne le représentant.

2. Option en cas d’assignation : Saisine d’un Huissier de justice aux fins de délivrance de l’assignation

Une fois l’assignation rédigée, il convient de saisir un huissier de justice ayant pour mission de délivrer cette assignation au défendeur, à savoir celui contre lequel la victime souhaite agir.

Cette délivrance peut prendre un ou plusieurs jours, selon le nombre de défendeurs devant être touchés par cette assignation.

Lorsque l’huissier de justice a délivré l’assignation aux Défendeurs, il adresse à l’avocat un acte dit « second original » qui correspond à la copie de l’assignation portant les coordonnées de l’huissier et à laquelle est annexée la preuve de la signification de l’acte à l’adversaire.

Ce document sert à prouver au Tribunal que l’adversaire a bien eu connaissance de la procédure intentée à son encontre.

3. Enrôlement de l’affaire devant le Tribunal

L’assignation signifiée par huissier ou la requête au greffe est alors déposé au greffe de la juridiction concernée aux fins d’enrôlement, c’est-à-dire afin que l’affaire soit audiencée à la date fixée dans l’assignation.

Il sera précisé que la date d’audience de plaidoirie fixée dans l’assignation ou qui sera fixée par le greffe peut être amenée à changer, celle-ci n’étant pas figée et pouvant évoluer selon le déroulement de l’affaire.

4. Déroulement du procès depuis l’enrôlement de l’affaire jusqu’à l’audience de plaidoirie

4.1. La fixation d’un calendrier de procédure

Les parties (demandeur qui s’estime victime et défendeur) vont échangés leurs arguments aux dates d’audience fixées par le magistrat.

En effet, le magistrat en charge de l’affaire va fixer un calendrier de procédure afin d’inviter les parties à conclure à tour de rôle à telle ou telle date, c’est-à-dire à adresser leurs arguments par le biais d’écritures dites « conclusions ».

Il ne s’agit pas d’audience de plaidoirie mais d’audience de mise en état lors desquelles le magistrat va vérifier l’évolution du dossier.

Ces audiences peuvent être fixées toutes en même temps lors de la première audience fixée dans l’assignation ou au fur et à mesure selon l’évolution du procès.

Aussi, tant que l’affaire ne sera pas en état d’être jugée, le magistrat en charge de l’affaire continuera à fixer des dates d’audiences de procédure afin d’inviter les parties au procès à faire part de leurs arguments.

En effet, jusqu’à ce que le dossier soit complet, c’est-à-dire jusqu’à ce que les parties estiment avoir communiqué l’ensemble de leurs arguments, l’affaire pendante devant le Tribunal ne sera pas audiencée.

Il sera précisé que ces dates d’audience de procédure ne sont pas des dates impératives mais indicatives.

4.2. La fixation d’une date d’audience de plaidoirie

Ce n’est que lorsque l’affaire sera en état d’être jugée que le magistrat audiencera cette affaire à la date fixée dans l’assignation ou à une date postérieure si celle-ci a été reportée du fait des longs et importants échanges intervenus entre les parties, compte tenu de l’éventuelle complexité de l’affaire.

Il sera précisé que les clients concernés par l’affaire peuvent assister aux audiences de plaidoirie, sans toutefois que cette présence ne soit ni obligatoire ni nécessaire.

L’absence du client est en effet sans conséquence sur la décision du Tribunal à intervenir.

4.3. La fixation d’une date de délibéré

Une fois l’affaire plaidée, le magistrat fixera une date à laquelle la décision sera rendue.

Il arrive fréquemment que cette date soit prorogée ou à tout le moins qu’à la date indiquée, la décision n’intervienne finalement que quelques jours plus tard, compte tenu de l’engorgement du Tribunal d’Instance.

5. Les suites de la décision rendue

Une fois la décision rendue, si l’une ou l’autre des parties conteste cette décision, elle a la possibilité de saisir la Cour d’appel territorialement compétente afin que cette affaire soit jugée une nouvelle fois, en fait et en droit.

La partie mécontente de la décision peut dans la plupart des cas saisir la Cour d’appel à n’importe quel moment et ce, jusqu’à ce que cette décision lui soit signifiée par voie d’huissier de justice, sauf à ce que la décision soit rendue en premier et dernier ressort.

Dès lors qu’elle reçoit un acte d’huissier visant à lui signifier cette décision, elle ne dispose plus alors que d’un délai d’un mois à compter de cette signification pour interjeter appel de la décision de première instance.

En effet, la signification de la décision par voie d’huissier fait courir le délai d’appel.

Dans l’hypothèse où la décision rendue ne permettrait pas, du fait du taux de ressort, de saisir la Cour d’appel, seul un pourvoi en cassation serait alors possible. Toutefois, il faudrait alors prouver que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a rendu sa décision.

Tel est en effet rarement le cas dans le type de dossier soumis au Tribunal d’Instance.

6. La durée approximative du procès

Il sera précisé que la durée de la procédure devant la juridiction de première instance dure au minimum entre huit mois et un an, selon la complexité de l’affaire, et tout autant devant la Cour d’appel, voire plus, les délais aux fins de fixation d’audiences de plaidoirie étant extrêmement longs.

jeudi 14 avril 2016

LE DEROULEMENT D’UN PROCES CIVIL DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

Il existe de nombreuses étapes, depuis la saisine de la juridiction matériellement et territorialement compétente, jusqu’au jugement qui sera rendu par cette dernière.

1. Rédaction d’une assignation par un avocat

En cas de préjudices allégués, il convient que la personne qui s’estime victime prenne attache auprès d’un avocat aux fins de rédaction d’une assignation aux termes de laquelle il sera exposé l’ensemble des moyens de faits et de droit justifiant de ses prétentions.

La personne victime ne peut en effet se défendre seule, la représentation par avocat devant cette Juridiction étant obligatoire.

2. Saisine d’un Huissier de justice aux fins de délivrance de l’assignation

Une fois l’assignation rédigée, il convient de saisir un huissier de justice ayant pour mission de délivrer cette assignation au défendeur, à savoir celui contre lequel la victime souhaite agir.

Cette délivrance peut prendre un ou plusieurs jours, selon le nombre de défendeurs devant être touchés par cette assignation.

Lorsque l’huissier de justice a délivré l’assignation aux Défendeurs, il adresse à l’avocat un acte dit « second original » qui correspond à la copie de l’assignation portant les coordonnées de l’huissier et à laquelle est annexée la preuve de la signification de l’acte à l’adversaire.

Ce document sert à prouver au Tribunal que l’adversaire a bien eu connaissance de la procédure intentée à son encontre.

3. Enrôlement de l’affaire devant le Tribunal

Une fois le second original réceptionné par l’avocat, celui-ci est alors déposé au greffe de la juridiction concernée aux fins d’enrôlement, c’est-à-dire afin que l’affaire soit audiencée à une date qui sera fixée ultérieurement par le ou les magistrats en charge de l’affaire.

4. Déroulement du procès depuis l’enrôlement de l’affaire jusqu’à l’audience de plaidoirie

4.1. La première audience de procédure

Le magistrat va fixer une première date d’audience dite « conférence », date à laquelle un avocat sera dans l’obligation de se constituer dans l’intérêt de l’adversaire assigné.

Il ne s’agit pas d’une audience de plaidoirie mais d’une audience de procédure virtuelle dite « de mise en état ».

Lors de cette audience, le magistrat va vérifier qu’un avocat « adverse » s’est constitué.

A défaut, il invitera le défendeur à constituer avocat dans un délai de 15 jours.

4.2. En cas de non constitution d’avocat adverse

Dans l’hypothèse où aucun avocat ne se constituerait, le défendeur serait alors déclaré défaillant et l’affaire serait alors clôturée par le magistrat et fixée à plaider.

La clôture d’une affaire signifie que l’adversaire n’a plus la possibilité de constituer avocat et donc de répliquer aux arguments développés dans l’assignation du demandeur.

Il sera précisé que les clients concernés par l’affaire peuvent assister aux audiences de plaidoirie, sans toutefois que cette présence ne soit ni obligatoire ni nécessaire.

L’absence du client est en effet sans conséquence sur la décision du Tribunal à intervenir.

A ce titre, il sera précisé qu’il s’agit d’une procédure écrite avec Ministère d’avocat. Aussi, si le client est présent à l’audience, il ne pourra aucunement formuler d’observations sur son dossier.

Une fois l’affaire plaidée, le magistrat fixera une date à laquelle la décision sera rendue.

Il arrive fréquemment que cette date soit prorogée ou à tout le moins qu’à la date indiquée, la décision n’intervienne finalement que quelques jours plus tard.

4.3. En cas de constitution d’avocat adverse

4.3.1. La fixation d’un calendrier de procédure

Les parties (demandeur qui s’estime victime et défendeur) vont échangés leurs arguments aux dates d’audience de procédure fixées par le magistrat.

En effet, le magistrat en charge de l’affaire va fixer au fur et à mesure de l’évolution du dossier, un calendrier de procédure, afin d’inviter les parties à conclure à tour de rôle à telle ou telle date, c’est-à-dire à adresser leurs arguments par le biais d’écritures dites « conclusions ».

Il est à préciser qu’il ne s’agit toujours pas de date d’audiences de plaidoirie mais d’audiences virtuelles auxquelles ni les avocats ni les clients ne doivent se présenter.

Aussi, tant que l’affaire ne sera pas en état d’être jugée, le magistrat en charge de l’affaire continuera à fixer des dates d’audiences de procédure.

En effet, jusqu’à ce que le dossier soit complet, c’est-à-dire jusqu’à ce que les parties estiment avoir communiqué l’ensemble de leurs arguments, l’affaire pendante devant le Tribunal ne sera pas audiencée.

4.3.2. La fixation d’une date d’audience de plaidoirie

Ce n’est que lorsque l’affaire sera en état d’être jugée que le magistrat fixera une date d’audience de plaidoirie.

Il sera précisé que les clients concernés par l’affaire peuvent assister aux audiences de plaidoirie, sans toutefois que cette présence ne soit ni obligatoire ni nécessaire.

L’absence du client est en effet sans conséquence sur la décision du Tribunal à intervenir.

A ce titre, il sera précisé qu’il s’agit d’une procédure écrite avec Ministère d’avocat. Aussi, si le client est présent à l’audience, il ne pourra aucunement formuler d’observations sur son dossier.

4.3.3. La fixation d’une date de délibéré

Une fois l’affaire plaidée, le magistrat fixera une date à laquelle la décision sera rendue.

Il arrive fréquemment que cette date soit prorogée ou à tout le moins qu’à la date indiquée, la décision n’intervienne finalement que quelques jours plus tard, compte tenu de l’engorgement du Tribunal de Grande Instance.

5. Les suites de la décision rendue

Une fois la décision rendue, si l’une ou l’autre des parties conteste cette décision, elle a la possibilité de saisir la Cour d’appel territorialement compétente afin que cette affaire soit jugée une nouvelle fois, en fait et en droit.

La partie mécontente de la décision peut saisir la Cour d’appel à n’importe quel moment et ce, jusqu’à ce que cette décision lui soit signifiée par voie d’huissier de justice.

Dès lors qu’elle reçoit un acte d’huissier visant à lui signifier cette décision, elle ne dispose plus alors que d’un délai d’un mois à compter de cette signification pour interjeter appel de la décision de première instance.

En effet, la signification de la décision par voie d’huissier fait courir le délai d’appel.

6. La durée approximative du procès

Il sera précisé que la durée de la procédure devant la juridiction de première instance dure au minimum entre huit mois et un an, selon la complexité de l’affaire, et tout autant devant la Cour d’appel, voire plus, les délais aux fins de fixation d’audiences de plaidoirie étant extrêmement longs.

dimanche 14 février 2016

LES EFFETS INDESIRABLES DU SIFROL ET LA RESPONSABILITE DU NEUROLOGUE POUR SEUL MANQUEMENT A SON OBLIGATION D'INFORMATION

INTRODUCTION

Les neurologues ont attendu impatiemment l'issue de la procédure diligentée par Madame Brigitte X, atteinte du syndrome des jambes sans repos, contre l'un de leur confrère lui ayant prescrit du SIFROL.

C'est enfin chose faite.

Après un Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de ROUEN le 11 mai 2005 (n° 12/05581) ne satisfaisant pas pleinement la patiente, la Cour d'appel de ROUEN vient de rendre sa décision le 13 janvier dernier (n° 15/02570), confirmant les dispositions de celui-ci et ce, pour les motifs ci-après :

LES FAITS

Brigitte X, née en 1959, mère de deux enfants, responsable d'exploitation dans un entreprise de transport routier, a souffert à compter de 2006 d'un syndrome des jambes sans repos.

Son médecin traitant, le Docteur Y, l'a adressée au Docteur Z, neurologue, lequel l'a reçue en consultation le 26 janvier 2007 et lui a prescrit de l'ADARTREL.

Après une efficacité temporaire, un arrêt de ce traitement a été entrepris afin d'être remplacé en avril 2008, par une prescription de SIFROL progressive, à savoir d'un demi à un comprimé à 0,18 mg, puis si besoin un et demi à deux comprimés à 0,18 mg en fonction de l'évolution des symptômes.

Parallèlement à l'augmentation des doses, courant 2010, Brigitte X a présenté une addiction aux jeux à l'origine d'un surendettement, d'une mise à pied disciplinaire dans le cadre professionnel en mai 2011 et d'une première tentative d'autolyse médicamenteuse au LEXOMIL en janvier 2011.

Le Docteur Y, chargé du suivi et du renouvellement des prescriptions, a découvert les possibles effets indésirables du SIFROL, pris à haute dose, notamment le jeu pathologique et le syndrome des achats compulsifs.

Il a alors envisagé de réduire les doses de ce traitement mais a souhaité l'avis préalable du Docteur Z qui a confirmé le lien de cause à effet entre la posologie administrée et le comportement additif de Madame Brigitte X.

C'est ainsi que le traitement litigieux a été remplacé par du RIVOTRIL le soir, à augmenter progressivement en fonction de l'efficacité et de la tolérance obtenues.

Toutefois, la patiente a fait une deuxième tentative de suicide, le 6 mars 2011, suivie d'une hospitalisation en service d'addictologie du 17 au 19 mars 2011.

Parallèlement, elle a remis un dossier de surendettement à la Banque de France le 11 mars 2011 et a déposé au SRPJ de ROUEN une demande d'exclusion volontaire des salles de jeux le 24 mars suivant.

Le Docteur Y a ensuite repris seul le suivi du traitement par prescription médicamenteuse sans effet indésirable, à savoir le TRAMADOL.

LA PROCEDURE DE REFERE, LE RAPPORT D'EXPERTISE ET L'ASSIGNATION AU FOND

C'est dans ce contexte qu'une expertise judiciaire a été ordonnée par le Président du Tribunal de Grande Instance de ROUEN le 22 juillet 2011 au contradictoire des Docteurs A, Z et du Laboratoire BOEHRINGER et qu'un rapport d'expertise a été déposé par un Collège d'experts (pharmacologie clinicien, psychiatre et neurologue) le 16 octobre 2012.

Aux termes de celui-ci, les Experts ont conclu à l'existence certaine et directe du lien de causalité entre la ludopathie et le SIFROL, médicament dopaminergique dont les effets indésirables sont connus depuis les années 2006-2007.

Cependant, ils ne relèvent pas de faute à l'encontre du Docteur Z, eu égard à la bonne prescription.

Suite au dépôt de ce rapport, Madame Brigitte X a assigné le Docteur Z devant le Tribunal de Grande Instance de ROUEN aux motifs suivants :

  • faute de négligence concernant le suivi thérapeutique,
  • faute dans la posologie prescrite,
  • manquement à l'obligation d'information à l'égard du médecin traitement et de la patiente, eu égard aux risques induits par la prise de médicaments dopaminergiques,
  • manquement à l'obligation de sécurité de résultat compte tenu de sa qualité de prescripteur du médicament.

Aussi, elle reproche en effet une faute dans le cadre de la prescription, en ce qui concerne tant un défaut d'information qu'une négligence fautive dans le suivi thérapeutique à l'origine d'une perte de chance d'échapper à un traitement risqué.

# Le Jugement du Tribunal de Grande Instance de ROUEN du 11 mai 2015

Le Tribunal a jugé en ces termes :

" ''Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, (...),

CONDAMNE le Docteur Z à payer à Madame Brigitte X la somme de 3.000,00 euros au titre de la réparation de son préjudice moral né du défaut d'information du prescripteur du médicament envers son patient ;

DEBOUTE Madame Brigitte X du surplus de ses prétentions (...)''".

Compte tenu du caractère manifestement dérisoire de la condamnation, Madame Brigitte X et la CPAM de ROUEN ont relevé appel de cette décision, le 26 mai 2015.

# L'arrêt de la Cour d'appel du 13 janvier 2016

En appel, Madame Brigitte X a notamment reformulé d'une part, ses arguments relatifs aux fautes commises par le Docteur Z et d'autre part, ses demandes indemnitaires et ce, en ces termes :

DIRE que les soins dispensés par le Docteur Z n'ont pas été conformes aux règles de l'art ;

FIXER le pourcentage de perte de chance à un taux qui ne saurait être inférieur à 90 % ;

FIXER les préjudices de Madame Brigitte X comme suit :

  • 222.145,80 € au titre de son préjudice patrimonial,
  • 5.000,00 € au titre du préjudice autonome résultant du défaut d'information,
  • 50.000,00 € au titre de son préjudice extrapatrimonial ;

Pour se défendre, le Docteur Z a fait valoir que Madame Brigitte X procédait à de l'automédication avec un produit de présentant pas de défaut.

Il a affirmé par ailleurs avoir informé sa patiente quant aux effets indésirables du médicament.

Au vu des arguments échangés par l'ensemble des parties, la Cour d'appel de ROUEN a jugé de la manière suivante :

1. Sur l'obligation de sécurité de résultat

Cette obligation ne peut s'appliquer au cas d'espèce, dans la mesure où le Docteur Z n'est ni producteur ni fabricant du produit.*

Il n'a fait que le prescrire avec une posologie conforme aux recommandations de l'AMM au regard de l'affection traitée (posologie maximale : 0,54 mg).

A ce titre, il sera précisé que les Experts judiciaires ont confirmé qu'il n'existe pas de défaut de sécurité concernant le SIFROL.

Aussi, le Docteur Z n'a pas engagée sa responsabilité sur le manquement reproché à l'obligation de sécurité de résultat d'appliquant aux médicaments.

C'est ce qu'avait initialement jugé le Tribunal de Grande Instance de ROUEN, initialement saisi du litige. La Cour a donc confirmé ce point.

2. Sur la responsabilité pour faute du Docteur Z

2.1. Sur la faute

il ressort du rapport d'expertise que les troubles comportementaux dont a souffert Madame Brigitte X sont liés à la prise du SIFROL, la patiente n'ayant aucune maladie préexistante ou trouble comportemental ou addiction préalable à la prise du SIFROL.

Les Experts ont d'ailleurs relevé que Madame Brigitte X a souffert de ces troubles pendant toute la durée du traitement, lesquels ont cessé seulement deux semaines après l'arrêt de celui-ci.

Toutefois, au vu des seules pièces médicales produites lors de l'expertise, ils n'ont pas été à même de connaître les doses exactes prises par la patiente.

Cependant, tout au long du traitement, le Docteur Z n'a reçu aucun compte rendu mentionnant l'importance des doses réellement prescrites par le médecin traitant. C'est en cela notamment que la patiente lui reproche une faute dans son suivi médical.

Il résulte de tout ce qui précède que le Docteur Z a certes été à l'origine de la prescription mais dans des doses minimes et selon une posologie conforme aux recommandations de l'AMM pour l'affection traitée.

Il n'a ensuite pas effectué de réel suivi de Madame Brigitte X, selon le choix personnel de celle-ci qui a préféré être prise en charge par son médecin traitement, le Docteur Y, à l'origine des prescriptions complémentaires.

En tout, le Docteur Z a vu Madame X trois fois en consultations, adressant systématiquement un compte rendu à son médecin traitement et en lui précisant qu'il restait à sa disposition pour revoir Madame X en consultation dès qu'il le jugerait nécessaire.

En conséquence, la Cour a confirmé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au Docteur Z ni en sa qualité de prescripteur ni quant au suivi réalisé.

Madame Brigitte X a donc été déboutée de ses demandes.

2.2. Sur l'obligation d'information

Les Experts ont rappelé que les effets indésirables du médicament prescrit, notamment une possible addiction aux jeux, ont été mis en lumière dès 2006 et la notice distribuée avec le médicament le mentionnait dès avant le début du traitement de Brigitte X.

Cependant, une note de l'AFSSAPS aux prescripteurs a permise une plus large diffusion en juillet 2009 alors que le traitement de Madame X a débuté en avril 2008.

Or, le Docteur Z ne justifie pas avoir délivré une information claire complète et appropriée à sa patiente dès le mois d'avril 2008 quant au risque de comportement addictif.

Cependant, compte tenu de la faible posologie prescrite, très en deçà des doses à risque et compte tenu de la présence de la notice d'information dans la boite du médicament accessible à la patiente, la Cour d'appel a considéré que le préjudice autonome résultant du défaut d'information est minime.

Aussi, la Cour a confirmé la condamnation prononcée par le Tribunal sur ce point à hauteur de 3.000,00 euros et ce, au motif que ce défaut d'information n'a pas eu pour conséquence d'occasionner à Madame Brigitte X une perte de chance de se soustraire au risque de ludopathie dans la mesure où ce risque est inexistant aux doses prescrites par le Docteur Z dans le cadre de ce traitement, doses qu'elle n'a précisément pas respectées.

CONCLUSION

Compte tenu de la décision rendue par la Cour d'appel de ROUEN, il est indéniable que le neurologue doit informer son patient des risques graves à type d'achats compulsifs lors de la prescription du SIFROL et ce, alors même qu'à dose minime, ce risque est inexistant, sous peine d'engager sa responsabilité du fait de ce défaut d'information.

Mais quel est le préjudice indemnisable dans cette hypothèse ?

Ce préjudice ne relève pas d'une perte de chance de se soustraire au traitement et aux risques afférents compte tenu de l'absence de risque en cas de posologie minime et de la notice d'information dans la boite du médicament. Ce préjudice relève dans cette hypothèse d'un préjudice moral autonome mis en lumière par la Cour de Cassation dans un arrêt de principe du 3 juin 2010 (1ère Civ., n° 09-135.91).

mardi 1 septembre 2015

LA MEDECINE ET LE WEB

INTRODUCTION

Tout praticien peut engager sa responsabilité dans le cadre de la relation contractuelle qu'il entretient avec ses patients, s'il a commis une faute à l'origine d’un dommage causé à l’un d’eux.

Aussi, le praticien est dans l'obligation de souscrire un contrat d'assurance « Responsabilité Civile Professionnelle » au titre de l’exercice de ses activités de prévention, de diagnostic ou de soins.

Doit également être prévu dans le contrat d’assurance une ou plusieurs garanties en lien avec les activités professionnelles du praticien exercées via Internet.

En effet, le risque d’engager la responsabilité du praticien s’est accru avec l’avènement d’Internet, de plus en plus utilisé par les professionnels de santé.

I - L’utilité d’Internet pour les activités médicales

Tout praticien est aujourd’hui autorisé à être visible sur la toile, via les forums, les sites internet, les blogs, les réseaux sociaux etc.

1. Facilité de l’exercice médical

En premier lieu, l’utilisation d’Internet par les praticiens permet de faire évoluer la pratique de l’exercice professionnel, en adéquation avec les attentes toujours plus grandes des patients.

Les patients peuvent par exemple prendre directement rendez-vous pour une consultation sur le site internet du praticien.

2. Amélioration de la relation médecin/patient

En deuxième lieu, cela a permis par ailleurs de renforcer la relation médecin/patient.

Les patients sont davantage acteur de leur pathologie et de leur traitement puisqu'ils sont à même de comprendre plus facilement le "jargon médical" employé par le médecin lors d’une consultation et ce, grâce à la consultation de sites ou forums sur lesquels les connaissances scientifiques sont vulgarisées.

En effet, une seule consultation médicale ne permet pas systématiquement au patient de comprendre les tenants et aboutissants de l’information médicale délivrée par le praticien sur le diagnostic ou le traitement envisagé.

C'est notamment le cas lors de l'annonce d'un diagnostic.

Dans cette hypothèse, le patient se retrouve souvent dans une situation de sidération psychologique. Aussi, il n'entend plus rien de ce que lui explique le praticien.

C’est ainsi que le Conseil National de l'Ordre des Médecins a invité les professionnels de santé, dans ce type de situation, notamment à sélectionner pour leurs patients des sites internet à consulter et ce, afin qu’ils intègrent l'information sur un diagnostic ou un traitement, postérieurement à la consultation.

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Cette visibilité sur le web ne doit pas être confondue avec la télémédecine qui fait l’objet d’une réglementation stricte.

Définition de la télémédecine : Article 78 de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » dite HSPT du 21 juillet 2009 : « La télémédecine est une pratique médicale à distance mobilisant des technologies de l’information et de la communication. La télémédecine ne se substitue pas aux pratiques médicales actuelles mais constitue une réponse aux défis auxquels est confrontée l’offre de soins aujourd’hui : inégalités d’accès aux soins, démographie médicale, décloisonnement du système, contraintes économiques ».

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3. Circulation de la bonne information médicale

En troisième lieu, l’utilisation d’internet par les professionnels de santé a vocation à faire circuler la « bonne » information médicale au public en dehors de toute relation médecin/patient.

Tel est le cas du médecin qui diffuse une information médicale sur son site internet ou invite le public via celui-ci à consulter un site sérieux ou de référence.

Le public est ainsi détourné des sites médicaux ne respectant pas les prescriptions légales et règlementaires.

Les risques liés à l’automédication s’en trouvent en conséquence plus réduits.

Cette pratique est d’ailleurs actuellement fortement encouragée par le Conseil National de l'Ordre des Médecins qui juge important de vulgariser les connaissances médicales et de les diffuser sur la toile pour les rendre accessibles au public.

Naturellement, cette nouvelle manière de pratiquer la médecine doit être en adéquation avec les règles d'ores-et-déjà établies pour la pratique traditionnelle de l’exercice de la médecine, telles les dispositions du code de la santé publique et de déontologique médicale.

II – Les moyens de communication principaux

1. Le blog ou le site internet du professionnel de santé

Tout médecin peut créer un blog ou un site internet afin d'être visible sur internet.

Cette volonté d’être visible peut permettre de :

  • Présenter l’offre de soins sur le territoire de santé
  • Diffuser des informations médicales d’ordre général

a – Présentation de l’offre de soins sur le territoire

Via un site internet, le praticien peut présenter son offre de soins sur le territoire de santé.

Toutefois, ce site doit respecter certains critères.

Le public ayant accès à ce blog ou ce site doit tout d’abord pouvoir s’assurer de l'identité du médecin.

Aussi, sur la page d'accueil du site, deux liens internet doivent y figurer :

  • un lien vers la rubrique annuaire du site web du Conseil National de l'Ordre des Médecins,
  • un lien vers la rubrique du site web du Conseil National de l'ordre des Médecins dédiée aux publications et recommandations ordinales relatives à la déontologie médicale sur le web.

En outre, ce site doit permettre à l'internaute de connaître les domaines d’expertise du praticien (spécialité, titres, mode d'exercice etc).

A cet effet, les médecins doivent faire preuve de retenue lorsqu'ils décrivent leurs activités, ce blog ou ce site ne devant pas se présenter comme un moyen promotionnel, publicitaire ou non conforme aux données acquises de la science.

En conséquence, le médecin est autorisé à ce titre à mentionner sur ses ordonnances ou ses papiers à entête l’adresse de son site ou de son blog.

En aucune manière, le praticien ne peut faire appel à des services payants pour augmenter le référencement de son site sur internet, par le biais notamment de l’achat de bannière publicitaire ou du recours à des sociétés de référencement.

L'accès au blog ou au site doit en effet être naturel, via un moteur de recherche ou un tiers faisant état sur un forum médical du nom du professionnel dont il a été satisfait.

Aussi, un praticien qui viendrait à intervenir exclusivement sur des forums de patients pour se faire connaître est parfaitement prohibé.

Le praticien doit par ailleurs est transparent vis à vis du public sur les liens qu'il pourrait entretenir avec des entreprises industrielles de santé (laboratoires pharmaceutiques notamment).

Ces éventuels conflits d'intérêts doivent être mentionnés sur son site.

Dès lors, le site du praticien ne peut pas être financé ou hébergé par ces Sociétés.

En outre, aucun lien vers un site commercial ou à caractère publicitaire d’une entreprise de ce type n'est autorisé.

b – Diffusion d’informations médicales à caractère général

Le praticien peut également par le biais de son site internet ou son blog fournir des informations générales de santé.

Il ne doit s'agir que d'explications claires, loyales et probes, purement informatives, mises à jour régulièrement au regard des évolutions de la science médicale et respectant le secret professionnel.

Ces informations doivent en effet respecter les prescriptions des articles R. 4127-13 et -14 du code de la santé publique.

Article R. 4127-13 du CSP : « Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général ».

Article R. 4127-14 du CSP : « Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s'imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical ».

En outre, le praticien délivrant une telle information doit toujours être prudent et mesuré dans ses propos afin d’éviter toutes mauvaises interprétations de la part du public qui pourrait alors courir un risque.

Il n'est pas exclu que l'état de santé d'un internaute s'aggrave du fait de son attentisme, celui-ci tardant en effet à consulter du fait des messages rassurants figurant sur le blog d’un praticien.

Conseil :

Il est donc conseillé au praticien créant un tel site de rédiger un message d’avertissement général sur la page d’accueil de celui-ci afin d'avertir les internautes que chaque cas est particulier, que les conseils édités ne sont que des conseils sur l’attitude à adopter face aux cas les plus habituels, qu'une consultation médicale aux fins d'examen clinique est nécessaire pour aboutir à un diagnostic et que si les symptômes persistent ou s’aggravent, il est impératif de consulter un professionnel de santé.

En outre, il est prudent de mentionner que des formes graves peuvent exister, et que tout élément différent de ceux cités sur le blog doit conduire l’internaute à consulter un médecin.



Enfin, il est conseillé au praticien de désactiver la fonction "laissez un commentaire" sur le site ou le blog.

En effet, un internaute ayant posé une question au praticien bloggeur via cette fonctionnalité pourrait tarder à consulter malgré son état, pensant qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, faute de message d’alerte du praticien.

Or, le praticien a très bien pu tout simplement ne pas prendre connaissance dudit message.

Et sa responsabilité n’en sera pour autant pas moins engagée.

2. Les plateformes d'échanges dites forums

L'ensemble de ces règles de prudence s’appliquent également aux médecins intervenant sur des espaces de discussion entre internautes et ce, peu importe que le médecin soit un simple visiteur ou un modérateur du forum.

Définition :

Le terme « modération » désigne le filtrage et le contrôle auxquels sont soumises les contributions des membres (que ce soit sur une liste de diffusion ou un forum de discussion).

L'objet de la modération n'est pas la censure, mais l'amélioration de la qualité des échanges en supprimant les contributions considérées comme nuisibles à la communauté.

On distingue habituellement la « modération a priori » et la « modération a posteriori » : La modération à priori consiste à valider une à une les contributions des membres en vue de leur publication. A l'inverse, la modération à posteriori consiste à accepter par défaut toutes les contributions et à les modifier ou les supprimer après publication. Les personnes chargées de la modération sont appelées « modérateurs ». Le rôle des modérateurs est déterminant car ils sont chargés du bon déroulement des échanges entre membres.

En effet, leur responsabilité peut également être engagée peu importe la casquette utilisée (visiteur ou modérateur).

En outre, il est important pour le praticien de dater et d'archiver l'ensemble des échanges qui sont intervenus afin qu’il se prémunisse en cas d'éventuelle action en justice engagée par un internaute à son encontre du fait d’une information qu’il a délivrée sur le forum.

Lorsque le médecin n'est pas un simple visiteur du forum médical mais un "modérateur" ayant pour mission de modérer les échanges des participants, il doit alors signer un contrat avec l'éditeur du site web, contenant les clauses essentielles du contrat-type établi par le Conseil National de l'Ordre des Médecins.

Ce contrat doit être communiqué pour avis au Conseil Départemental de l'ordre des médecins au tableau duquel le médecin modérateur est inscrit.

3. Les réseaux sociaux

Aujourd'hui, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus mince.

Beaucoup de personnes diffusent des informations professionnelles via les réseaux sociaux utilisés à des fins personnelles et ce, afin de partager leur quotidien, tel un exutoire.

Tel est notamment le cas des réseaux sociaux Facebook et Twitter. En effet, rien n’empêche un médecin de créer un profil sur un réseau social "grand public".

a-Utilisation d’un réseau social accessible au public dans le cadre professionnel

Dans le cadre professionnel, les informations publiées doivent respecter les mêmes règles et recommandations de bonne pratique que celles qu’ils diffusent sur les forums ou leur site internet.

En aucune manière, il ne peut user de pseudonyme, puisqu'il s'agit d'une activité qui se rattache strictement à la profession.

Article L. 4163-5 du code de la santé publique « L'exercice de la médecine, l'art dentaire ou la profession de sage-femme sous un pseudonyme est puni de 4500 euros d'amende. La récidive est punie de six mois d'emprisonnement et de 9000 euros d'amende ».

b - Utilisation d’un réseau social accessible au public dans le cadre personnel

Lorsqu’il s’agit d’activités "se rattachant seulement à la profession", dans la sphère privée, l'usage d'un pseudonyme est alors autorisé.

Le Conseil National de l'ordre des Médecins doit toutefois en être avisé.

Article L. 4127-75 du code de la santé publique « Conformément à l'article L. 4163-5, il est interdit d'exercer la médecine sous un pseudonyme. Un médecin qui se sert d'un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession est tenu d'en faire la déclaration au conseil départemental de l'ordre ».

Toutefois, il est important de souligner que l'identité du praticien peut être révélée via le déchiffrage de l'adresse IP.

Le praticien doit donc se comporter comme s’il n’usait pas de pseudonyme, comme il sera exposé ci-après.

c - Utilisation d’un réseau social non accessible au public dans le cadre personnel

Dans le cadre strictement personnel non accessible au public, le médecin doit s'assurer que seules des personnes nommément désignées et choisies par lui pourront avoir accès à son profil.

Il doit par ailleurs refuser toute sollicitation de la part de ses patients qui souhaiteraient faire partie de ses relations en ligne et ce, notamment afin d'éviter de compromettre la qualité de la relation médecin/patient qui exige la neutralité des affects.

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En tout état de cause, qu'il s'agit de la sphère privée ou de la sphère professionnelle, le médecin ne doit jamais attenter à l'image de la profession qui aurait pour conséquence d’entraîner une certaine défiance de la part des patients.

Le médecin doit s'abstenir de "dénigrer" un patient ou un confrère, même si celui-ci n'est pas identifiable.

Il ne doit pas par ailleurs dépasser le simple message humoristique (ironie, moquerie blessante etc).

Et ce, au risque de voir engager sa responsabilité; notamment disciplinaire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4127-31 du code de la santé publique.

Article R. 4127-31 du code de la santé publique : « Tout médecin doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ».

Il sera par ailleurs précisé que le secret professionnel doit être respecté en toute circonstance.

En effet, lorsqu’un médecin communique sur un cas clinique qu'il a eu à traiter, il doit tout mettre en œuvre pour que le patient visé ne se reconnaisse pas et ne soit pas reconnu par les tiers.

Si le patient vient à se reconnaître et qu'il sollicite la suppression de la publication sur le réseau social, le médecin est dans l'obligation de le faire.

CONCLUSION

L'avènement d'internet a permis aux médecins d'évoluer concernant la pratique de leur exercice professionnel.

Les règles applicables à la relation médecin/patient traditionnelle doit s'appliquer à la nouvelle médecine via le web et ce, malgré le cadre légal encore lacunaire aujourd’hui.

Ce nouvel exercice de la médecine entraîne un risque accru pour le médecin d’engager sa responsabilité.

Dès lors, il doit rester très prudent lorsqu’il délivre une information sur le web, celui-ci n’étant aucunement protégé du fait de l’utilisation d’un pseudonyme.

Aussi, le médecin devra s'assurer qu’est mentionné, au sein de la police d'assurances qu'il a souscrite pour se prémunir en cas de poursuites judiciaires, une ou plusieurs garanties concernant ses activités professionnelles ou extra-professionnelles sur le web.

lundi 18 mai 2015

LA LEGISLATION SUR LA PRISE EN CHARGE MEDICALE DE LA FIN DE VIE ET LES AMELIORATIONS ATTENDUES

INTRODUCTION

Le débat sur l’euthanasie a été relancé en France, au début des années 2000 à l’occasion du cas « Vincent Humbert ».

Une « mission d’évaluation sur l’accompagnement de la fin de vie » a ainsi été créée au sein de l’Assemblée nationale sous la présidence du député Jean LEONETTI et une loi a été promulguée dans ses suites, le 22 avril 2005 : « Loi LEONETTI », relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Cependant, afin d’améliorer les dispositions prises dix ans plus tôt, une nouvelle proposition de loi a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, le 17 mars 2015.

Elle est actuellement soumise à l’examen du Sénat.

Mais quelles sont précisément les améliorations envisagées ?

Il convient préalablement de faire un rappel concernant le contenu de la loi LEONETTI de 2005.

I – LA LOI DU 22 AVRIL 2005

La Loi LEONETTI précise les droits des patients et organise les pratiques à mettre en œuvre quand se pose la question de la fin de vie.

Mais quels sont précisément les grands principes de cette loi ?

Les grands principes de la loi LEONETTI de 2005 :

  • Instauration des directives anticipées,
  • Interdiction de l’acharnement thérapeutique et de l’obstination déraisonnable,
  • Possibilité d’arrêter les soins ou traitements mettant en danger la vie,
  • Soulagement des souffrances du malade en fin de vie,

1) L’instauration des directives anticipées

L’article L. 1111-11 du code de la santé publique dispose que toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté.

Ces directives sont révocables à tout moment. Celles-ci s'entendent d'un document écrit, daté et signé par leur auteur dûment identifié par l'indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. Elles indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement. Toutefois lorsque l'auteur de ces directives, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle est désignée, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée. Dans cette hypothèse, ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées. En tout état de cause, à condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin doit en tenir compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la concernant. Celles-ci n’ont toutefois aucune valeur contraignante. Les directives anticipées peuvent être soit conservées dans le dossier de la personne constitué par un médecin de ville, qu'il s'agisse du médecin traitant ou d'un autre médecin choisi par elle, soit en cas d'hospitalisation, dans le dossier médical de l’établissement de santé. Elles peuvent également être conservées par leur auteur ou confiées par celui-ci à la personne de confiance ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche.

2) L’interdiction de l’acharnement thérapeutique

Selon l’article R. 4127-37 du code de la santé publique, le médecin doit s'efforcer, en toutes circonstances, de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. Il doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie. Cette interdiction est valable que le patient soit en état ou hors d’état d’exprimer sa volonté. Sont donc ainsi distingués dans le code de la santé publique, les soins déraisonnables dont le médecin doit se dispenser, des soins disproportionnés auxquels il peut renoncer. Cette définition relève davantage de la déontologie que d’une définition juridique. Dans ces hypothèses de dispense ou de renoncement aux soins, le médecin est autorisé à dispenser des soins palliatifs, en respectant une procédure collégiale définie ci-dessous.

3) L’arrêt des soins

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • le patient en état d’exprimer sa volonté
  • le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

a- Le patient en état d’exprimer sa volonté et le refus de soins du patient

Selon l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. En effet, aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical.

b- Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté et la décision médicale d’arrêt ou de limitation des soins prise par le médecin

Le principe :

Selon l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie ci-dessous et sans que la personne de confiance ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés.

La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.

Dans cette hypothèse, le médecin délivre des soins palliatifs. Article L. 1110-10 du code de la santé publique : Définition de la notion de soins palliatifs « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».

En pratique :

La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, distinct de celui prenant en charge médicalement le patient concerné par cette décision. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. La décision de limitation ou d'arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s'il en a rédigées, l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d'un de ses proches. Le médecin doit donc prendre connaissance de l’ensemble des directives anticipées et/ou avis de la personne de confiance, de la famille ou des proches mais la décision finale lui revient. Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre, selon les cas, l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation. Aussi, dans tous les cas, la décision de limitation ou d'arrêt de traitement doit être motivée. Pour ce faire, les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. Dans l’hypothèse où le médecin irait contre la volonté de la personne de confiance, de la famille ou des proches ou contre le sens des directives anticipées prises par le patient, le médecin décisionnaire devra informer ces derniers de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. Lorsqu'une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé, le médecin met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs et ce, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral.

En conséquence, il est incontestable que la loi du 22 avril 2005 n’instaure pas un droit à mourir. Elle autorise le médecin à prescrire certains traitements dont l’effet indirect peut être d’entraîner la mort ou d’accélérer sa survenance.

II – LA PROPOSITION DE LOI DU 17 MARS 2015

Le 17 mars 2015, les députés ont adopté en première lecture à une écrasante majorité le texte de loi sur la fin de vie. Un texte qui repose sur deux principes forts :

  • les directives anticipées du patient
  • le droit à la sédation profonde.

En effet, dans l’hypothèse où cette loi viendrait à être promulguée, elle n’autoriserait ni l’euthanasie ni le suicide assisté, mais instaurerait un droit à une sédation « profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale et rendrait les directives anticipées contraignantes.

En sus de ces deux points forts, le rôle de la personne de confiance sera renforcé.

Et le médecin dont le patient souhaiterait arrêter des soins et traitements n’aurait plus à tenter de convaincre ce dernier de se soigner.

La volonté du patient serait alors renforcée encore un peu plus.

1) Le caractère contraignant des directives anticipées

Rendre les directives anticipées contraignantes serait une évolution majeure. En effet, aujourd’hui elles ne sont valables que trois ans et n’ont aucun caractère contraignant pour le médecin qui doit en prendre certes connaissance mais qui reste libre de les suivre ou non. Dans le nouveau texte, ces directives pourraient désormais s'imposer au médecin, « sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ». Elles prévaudraient d’ailleurs sur l’avis de la personne de confiance, contrairement à aujourd’hui où cet avis « prime ». Toutefois, dans l’hypothèse où le médecin les estimerait manifestement inappropriées, il serait alors dans l’obligation de solliciter un avis médical avant de prendre sa décision. Elles seraient également sans limite de validité mais révisables et révocables à tout moment. La version initiale de la proposition de loi prévoyait que leur existence serait signalée sur la carte vitale, mais l'Assemblée Nationale a remplacé cette disposition par un amendement du gouvernement prévoyant que « les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé ».

Il s’agirait également d’une importante avancée en ce qu’elles sont aujourd’hui rédigées sur papier libre. Cette volonté d’imposer un modèle officiel pourrait permettre d’éviter les imprécisions compliquant la tâche des médecins.

2) Le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès

La loi LEONETTI de 2005 autorise la limitation ou l’arrêt des traitements et le soulagement de la douleur, sans que ne soit expressément mentionné les pratiques utilisées pour le faire, à savoir l’administration de substance ayant le double effet de soulager la douleur et de réduire la durée de la vie. Pourtant les unités de soins palliatifs y ont recours depuis quinze ans. C’est dans cette optique d’autorisation de pratiques déjà existantes que la loi du 17 mars 2015 a notamment été proposée par l’Assemblée Nationale afin d’instaurer le droit à « une sédation profonde et continue ».

Cette sédation aurait vocation non plus à seulement soulager la douleur mais également à assurer au patient « une fin de vie digne et apaisée ». Cette notion d’apaisement n’est pas présente dans le texte actuellement en vigueur de 2005. Cela montre une réelle volonté d’accroitre le soulagement de la souffrance des patients en agissant directement sur leur état d’inconscience. Concrètement, ce nouveau droit permettrait de proposer à certains patients atteints de maladies graves et incurables un traitement sédatif provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès associée à une analgésie afin d’endormir et d’apaiser le patient jusqu'à son décès, sans le réveiller. Cette sédation pourrait s'appliquer dans deux cas très particuliers de patients conscients, et qui en feraient la demande.

  • les patients atteints d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présentent une souffrance qui ne peut pas être soulagée ;
  • les patients touchés par une affection grave et incurable, qui demandent l'arrêt de leur traitement alors même que cette décision risque d’entraîner leur décès à très court terme.

En outre, de la même manière que depuis 2005, dans l’hypothèse où la personne en fin de vie ne serait pas en état d'exprimer sa volonté, mais qu'elle se trouverait en situation d'acharnement thérapeutique, l'utilisation de la sédation profonde pourrait être requise. Dans ces cas, la décision d'arrêter les traitements serait prise selon la procédure collégiale. Enfin, d’autres avancées non négligeables ont été envisagées. L'hydratation et l'alimentation serait désormais considérées comme un traitement de « maintien en vie » qui pourraient dès lors être arrêtées en même temps que l’administration de la sédation profonde par le médecin. En outre, cette sédation profonde serait désormais autorisée et donc pratiquée dans tous les établissements de santé ou au domicile du patient et non plus uniquement dans les centres et/ou services de soins palliatifs.

3) Le renforcement du rôle de la personne de confiance

Actuellement, en l'absence de directives anticipées, la volonté de la personne qui ne peut plus s'exprimer peut être relayée par une personne de confiance. Encore faut-il que le patient en fin de vie ait expressément désigné par écrit cette personne confiance, dont le témoignage prévaut aujourd’hui sur tout autre témoignage. Tout comme pour les directives anticipées, cette désignation est révocable à tout moment. Mais si aucune personne de confiance n'a été désignée, le médecin se tourne vers la famille ou les proches pour rechercher "la volonté" de la personne.

Le rôle de la personne de confiance est déjà très important aujourd’hui pour soutenir le malade dans la prise de décision concernant sa santé.

En effet, si le malade le souhaite, la personne de confiance peut l'accompagner dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Toutefois, par cette proposition de loi, ce rôle serait encore davantage renforcé et ce, en échos à cette volonté de renforcer la valeur et le poids des directives anticipées.

En effet, la personne de confiance pourrait notamment demander, au médecin en charge du patient, les informations nécessaires contenues dans le dossier médical appartenant à ce dernier afin de vérifier si la situation médicale de la personne concernée et les décisions prises par le médecin correspondent aux conditions exprimées dans les directives anticipées.

CONCLUSION

Compte tenu de tout ce qui précède, il est incontestable que la proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 17 mars dernier n’a pas vocation à légiférer sur l’euthanasie mais à améliorer davantage le sort des malades en fin de vie.

Il ne s’agit pas en effet d’aider le patient concerné à mourir par le biais d’une pratique d’euthanasie mais de lui assurer une fin de vie digne et apaisée en l’accompagnant jusqu’à ses derniers instants par le biais de soins et mesures de plus en plus appropriés et adaptés.

Nous n’avons donc plus qu’à attendre la décision que le Sénat prendra sur cette proposition de loi.

vendredi 27 février 2015

LA VALIDITE DES ACTES JURIDIQUES FACE A L’INSANITE D’ESPRIT

INTRODUCTION

En vertu de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». Découle de ce texte la liberté contractuelle, selon laquelle chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de conclure un contrat librement sans condition de forme ou d'en fixer le contenu et de choisir son cocontractant, mais toujours dans les limites fixées par les dispositions d'ordre public.

I - La capacité : condition nécessaire à la validité de tout acte juridique

Pour qu’un acte juridique soit valable, encore faut-il que la personne qui s’y est engagée soit en capacité de contracter au moment de la signature de l’acte. Cette règle est d’ordre général en ce qu’elle s’applique à n’importe quel type d’acte juridique et notamment aux donations et testaments.

En effet, l’article 414-1 du code civil dispose que « pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ».

Et l’article 1123 du code civil dispose que « toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi ». En effet, selon l’article 901 du code civil, « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ». Par insanité d’esprit, il faut entendre toutes les variétés d'affection mentale par l'effet desquelles l'intelligence du disposant a été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.

Ainsi, entre dans le cadre de l’insanité d’esprit les maladies mentales, mais également les addictions susceptibles d’altérer les capacités de discernement (drogues, alcools), les personnes privées de raisonnement du fait de leur état physique (douleur, longue maladie etc…). Selon la Jurisprudence, l’origine du trouble mental est indifférente (âge, accident, maladie, absorption d’alcool, drogue etc..) et la durée du trouble est indifférente (le trouble peut survenir de manière ponctuelle, passagère ou être durable). De simples troubles physiques ne suffisent pas pour justifier une insanité d’esprit et obtenir l’annulation d’un acte juridique. Il faut en effet une absence de discernement au moment de la conclusion de l’acte juridique. Le trouble mental doit être suffisamment grave pour priver la personne atteinte du trouble d’un consentement libre ou éclairé. A contrario, cela signifie qu’un acte fait pendant un intervalle de lucidité est valable. En conséquence, lorsqu’une personne n’est pas saine d’esprit au moment de la signature de l’acte juridique, celui-ci peut être annulé.

II – Les personnes pouvant soulever la nullité de l’acte juridique pour insanité d’esprit

L’article 414-2 du code civil dispose :

« ''De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé. Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants : 1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ; 2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ; 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future'' ».

De son vivant, seule la personne ayant contracté un acte juridique peut agir en justice afin d’en obtenir la nullité.

Ce n’est qu’au décès de cette dernière qu’un héritier pourra invoquer la nullité dudit acte juridique auquel le défunt s’était engagé.

A ce titre, il sera souligné que les héritiers ne peuvent agir en nullité à l’encontre d’un acte juridique que dans certaines hypothèses définies à l’article susvisé, à savoir :

  • l’acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental,
  • ou l’acte doit avoir été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice,
  • ou si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future.

Toutefois, aucune condition ne leur est imposée lorsque les héritiers souhaitent obtenir la nullité d’une donation ou d’un testament.

III – Le délai de l’action en nullité

La personne souhaitant obtenir la nullité d’un acte juridique dispose d’un délai de 5 ans :


  • à compter du jour où le contractant a eu ou aurait dû avoir connaissance de son insanité d’esprit,
  • à compter du décès du contractant.

C’est ce qu’a jugé la 1ère Chambre de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013.

Cass. 1ère Civ., 20 mars 2013, n° 11-28318 « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que ce n'est qu'à l'ouverture de la succession et donc au décès de son auteur, que l'héritier a qualité pour agir et la possibilité d'exercer une action en nullité du testament pour insanité d'esprit ; qu'en retenant que le délai de prescription de l'action en nullité du testament commençait à courir le jour de l'acte contesté, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ».

IV - Preuves de l’insanité d’esprit

Il appartient au demandeur à l’action en nullité d’apporter la preuve de l’insanité d’esprit du contractant au moment de la conclusion de l’acte. La preuve de l’insanité d’esprit peut être rapportée par tout moyen.

Le demandeur à l’action en nullité doit prouver :

  • l’existence d’un trouble mental ayant affecté le discernement du disposant,
  • l’existence de ce trouble au moment de la rédaction de l’acte dont la nullité est sollicitée.

Si l’état d’insanité d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l’acte contesté, la charge de la preuve est renversée et il revient alors au défendeur à l’action en nullité de démontrer l’existence d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé. En général, les demandeurs à l’action en nullité d’un acte juridique ont recours à trois modes principaux de preuve pour établir l’insanité d’esprit.

Le rapport d'expertise

Le demandeur à l’action en nullité peut solliciter du Juge en charge de cette affaire la désignation d’un Expert Judiciaire ayant pour mission d’évaluer la capacité du contractant lors de la conclusion de l’acte juridique litigieux.

Si la preuve de l'existence de troubles mentaux peut être faite librement devant les juges du fond et relève de leur appréciation souveraine, une demande d'expertise psychiatrique doit être déclarée irrecevable lorsque la mesure sollicitée n'est pas motivée par l'ordre public ou par le souci de protection d'un éventuel incapable.

Le Juge peut également prendre en considération les conclusions du rapport d’expertise rendu dans le cadre d’une procédure relative à la mise en place d’une mesure de protection juridique.

Les témoignages

Toutes les personnes qui ont été amenées à côtoyer le contractant atteint d’une affection altérant ses facultés mentales peuvent témoigner en justice sur la capacité ou l’incapacité juridique de ce dernier au moment de la conclusion de l’acte juridique.

L’attestation ou le certificat médical du médecin

En principe, la violation du secret médical est sanctionnée pénalement, sauf lorsque la loi impose ou autorise la révélation de ce secret.

Cependant, le médecin qui intervient pour faire état de ses constatations relatives à l’insanité d’esprit de l’un de ses patients, est alors délié de son obligation de secret professionnel.

En effet, la Cour de cassation considère que le médecin est autorisé au sens de l’article 226-14 du code pénal à révéler des faits et informations médicales, dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa profession, aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir la protection du malade.

Cf. Cass. 1ère Civ., 22 mai 2002, n° 00-16305 : « Mais attendu qu'aux termes de l'article 901 du Code civil, pour faire une donation, il faut être sain d'esprit ; que, par l'effet de cette disposition qui vaut autorisation au sens de l'article 226-14 du Code pénal, le professionnel est déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession ; que la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation peut être faite non seulement à ce dernier mais également aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; qu'ayant relevé que les enfants de Constance B...- Y... avaient un intérêt légitime à rechercher si, à l'époque où elle a consenti la donation critiquée, elle était saine d'esprit, les juges du fond n'ont fait qu'exercer leur office en prescrivant une mesure d'expertise dont, en décidant que l'expert ne devrait communiquer le dossier médical à aucune personne mais seulement le consulter afin de pouvoir répondre aux questions de sa mission, ils ont exactement fixé les modalités ; que le premier moyen est en sa troisième branche nouveau et mélangé de fait, M. X... et le Conseil régional de l'Ordre des médecins de Loire-Atlantique n'ayant pas soutenu que l'accès aux informations contenues dans le dossier devait être la seule voie possible pour établir l'insanité d'esprit de Constance B...- Y...»

Cf. Cass. 1ère Civ., 2 mars 2004, n° 01-00333 : « Attendu, sur les autres branches, que, par l'effet de l'article 901 du Code civil qui vaut autorisation au sens de l'ancien article 378 du Code pénal alors applicable, le docteur B... a été déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession et, la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation a pu être faite aux experts et aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; que c'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a décidé que la remise du certificat du docteur B... aux experts n'était pas irrégulière, dès lors que ce témoignage constituait l'un des moyens de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit de Simone Y... lors de la rédaction des deux testaments litigieux et que, dans le cas contraire, l'héritier ou les légataires auraient été empêchés de faire valoir leurs droits » L’attestation qui émane d’un médecin traitant ou d’un spécialiste doit toujours établir de manière précise et étayée le trouble mental subi par son patient au moment où il a conclu l’acte. Un certificat trop bref, général ou imprécis ne suffit pas à établir l’insanité d'esprit ».

Il est à noter que le médecin peut renseigner un notaire, auteur d’un acte juridique, qui aurait un doute sur la capacité du contractant pour lequel il intervient.

A contrario : Cour d'appel Bordeaux, le 23 Mars 2010 « En application de l'article 901 du Code civil, il convient de déclarer le testament nul en raison de l'insanité d'esprit du testateur au moment de la rédaction de l'acte. En effet, il résulte d'une expertise judiciaire que le de cujus était dans un état de faiblesse psychologique et n'avait pas son libre arbitre, de telle sorte qu'un premier notaire avait refusé de recevoir le testament. Il ressort du dossier qu'il présentait au moment de la rédaction des signes confusionnels, un syndrome dépressif et qu'on ne pouvait considérer qu'il avait toute sa capacité mentale normale. Des témoins ont pu constater qu'il avait de grandes difficultés pour s'exprimer et qu'il tenait des propos incohérents. Il convient de retenir la responsabilité professionnelle du notaire qui, tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes, a omis de vérifier la capacité du testateur. En effet, il apparaît que le notaire ne connaissait pas son client, qu'il a constaté une certaine confusion mentale. Il aurait dû se renseigner auprès des médecins avant d’accepter de recevoir ce testament ».

IV – le cas particulier des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

Le pouvoir d’appréciation du juge quant à la capacité de contracter du contractant atteint de la maladie d’Alzheimer est différent selon qu’une mesure de protection a ou non été mise en place dans l’intérêt de ce dernier par le Juge des tutelles.

Lorsque le juge n’est pas tenu par une mesure de protection préexistante à l’acte juridique conclu, sa liberté d’appréciation est plus grande.

A l’inverse, lorsqu’une mesure de protection a été mise en place, seuls les actes que l’individu est autorisé à effectuer seul sont valables. Tout autre acte est par principe annulé pour défaut de capacité du majeur protégé.

1) Préexistence d’une mesure de protection

  • La sauvegarde de justice

La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial aurait été désigné (Cf. Article 435 du code civil).

  • La curatelle


La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille (article 467 du code civil). Dès lors, elle ne peut, sans l’assistance de son curateur, faire emploi de ses capitaux, ester en justice, effectuer une donation ou conclure un acte écrit.

En revanche, elle peut librement tester sous réserve d’être saine d’esprit.

  • La tutelle

Sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne sous tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.

Toutefois, le juge des tutelles peut toujours autoriser un majeur protégé à passer certains actes seul (Cf. Article 473 du code civil).

2) L’absence de mesure de protection

Dans cette hypothèse, il appartient au Juge de rechercher si, au moment de la conclusion de l’acte, le contractant était sain d’esprit.

En effet, les actes effectués par une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ne sont pas automatiquement remis en cause sur le fondement de son incapacité ou de son insanité d’esprit dans la mesure où, en l’absence d’un régime de protection, l’individu atteint de cette affection étant présumé lucide et ce, quand bien même ses facultés seraient en pratique gravement altérées (Cf. Cass. 1ère Civ., 4 juillet 2006, n° 05-12005).

Cass. 1ère Civ., 4 juillet 2006 : « ''Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie sur le fondement de l'article 503 du code civil, a d'abord constaté qu'il n'était pas discutable qu'au moment de la signature de l'acte de vente, Arlette X... était atteinte de la maladie d'Alzheimer et que cet état était connu des acquéreurs ; qu'elle a ensuite relevé, d'une part, qu'il résultait de l'acte lui-même que ni Arlette, ni Léone X... n'étaient privées de la capacité de le signer, d'autre part, que le prix retenu était conforme à l'estimation de l'expert relativement au rapport financier calculé au 1er juin 1992 et qu'enfin, l'acte avait été passé sous la surveillance et le contrôle du notaire de famille des sœurs X... contre lequel n'était établi ni mauvais conseil, ni acte de collusion avec les acquéreurs ; qu'elle en a souverainement déduit que la preuve n'étant pas rapportée que la vente se serait déroulée dans des conditions anormales de consentement ou de prix, il n'y avait pas lieu de prononcer sa nullité sur le fondement de l'article précité ; d'où il suit que le moyen est inopérant'' »

CONCLUSION

L’insanité d’esprit défini à l’article 901 du code civil est une des rares situations où le médecin peut être délié du secret professionnel s’il est sollicité sur l’état de santé mentale du contractant au moment de la conclusion d’un acte juridique.

Le médecin ne sera alors pas poursuivi pénalement pour violation du secret professionnel.

Et fort heureusement car, grâce à son intervention, le médecin peut protéger son patient contractant ou les héritiers de celui-ci.

L'acte accompli sera alors être annulé s’il a été conclu en état d'insanité d'esprit.

Cette annulation aura pour effet de replacer le ou les partie(s) dans l’état dans lequel elle(s) se trouvai(en)t avant la signature de l’acte et ce, comme si ce dernier n’avait jamais existé.

mardi 6 janvier 2015

INFORMATION ET CONSENTEMENT DU PATIENT

INTRODUCTION

Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé (Cf. Article L. 1111-2 du code de la santé publique).

Cette information porte notamment sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Cette information est nécessaire car elle permet au patient de consentir librement et de manière éclairée à un acte de soins.

En cas de violation de cette obligation d’information, le Praticien pourra être sanctionné et le patient indemnisé.

CREANCIER ET DEBITEUR DE L’INFORMATION

1 - Le débiteur de l’information

L’obligation d’information est mise à la charge de tout professionnel de santé, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles de santé qui lui sont applicables. Cette obligation pèse donc tant sur le prescripteur de l’acte que sur celui qui pratique l’acte.

2 - Le créancier de l’information

a- Le patient en état d’exprimer sa volonté

Le Praticien doit informer directement son patient lorsqu’il est en état d’exprimer sa volonté.

b- Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

L’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose qu’« aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ».

Lorsque le Patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le Praticien doit informer prioritairement la personne de confiance, puis la famille et à défaut les proches. L’avis de la personne de confiance est prioritaire et supérieur à celui de la famille ou des proches. Cet avis doit systématiquement être recherché par le Praticien qui conserve toutefois sa liberté de décision.

Définition et rôle de la personne de confiance : La personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin-traitant, doit être majeure. Elle sera consultée au cas où le patient qui l’a désignée serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance peut l'accompagner dans ses démarches et l’assister aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation. En dehors de toute hospitalisation, il est également possible d’inscrire, dans son dossier médical, le nom de la personne de confiance à contacter, le cas échéant.

c- Le patient en fin de vie, hors d’état d’exprimer sa volonté

Le Praticien doit systématiquement consulter le dossier médical de son patient, lorsqu’il est en fin de vie afin de prendre connaissance des éventuelles directives anticipées qu’il a pu rédiger.

Les personnes en fin de vie sont des personnes atteintes d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale. Ces directives ont pour but de permettre au Praticien de connaître les souhaits du patient concernant la possibilité de limiter ou d’arrêter les traitements en cours.

Ces directives n’ont pas de valeur contraignante pour le médecin. Il peut y déroger s’il l’estime nécessaire au regard de la situation concrète et/ou de l’évolution des connaissances médicales.

Ces directives ne sont valables que si elles remplissent les critères suivants :

  • Le patient doit être une personne majeure ;
  • Les directives doivent être écrites par le patient lui-même, ou à défaut, en présence de deux témoins dont la personne de confiance ;
  • Le patient doit nécessairement être en état d’exprimer sa volonté au moment de la rédaction de l’acte ;
  • Elles doivent mentionner les nom, prénom, date et lieu de naissance et être datées et signées ;
  • Ces directives doivent être rédigées depuis moins de 3 ans avant la date à partir de laquelle le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté. Elles doivent donc être renouvelées et/ou modifiées tous les 3 ans. Elles sont également révocables à tout moment.

LE CHAMP DE L’INFORMATION

L’information doit porter sur :

  • l’état de santé,
  • les investigations, traitements ou actions de prévention proposés,
  • leur utilité, leur étendue, leur urgence éventuelle et leurs conséquences,
  • les risques fréquents ou graves normalement prévisibles,
  • les alternatives thérapeutiques,
  • les conséquences prévisibles en cas de refus de soins,
  • le coût de l’acte médical et ses conditions de remboursements par la sécurité sociale.

L’information sur les risques avant 2002 :

L’information devait porter sur les risques seulement prévisibles. Si un risque exceptionnel se réalisait, alors le Praticien n’engageait pas sa responsabilité, s’il avait omis d’en informer son patient.

L’information sur les risques depuis 2002 :

Le Praticien doit informer son patient des risques fréquents ou graves normalement prévisibles. Les risques fréquents peuvent ne pas être graves. Les risques graves peuvent ne pas être fréquents. Ils peuvent donc être exceptionnels tant qu’ils sont normalement prévisibles. Un risque est grave lorsqu’il peut entraîner une invalidité ou le décès du patient. Un risque esthétique peut être grave s’il provoque des répercussions psychologiques et sociales. Un risque est normalement prévisible lorsqu’il découle logiquement des antécédents du patient ou des connaissances de la science médicale au moment des soins.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 juin 2004, n° 02-12530 « Attendu que la cour d'appel, se fondant sur les rapports d'expertise, a retenu que si le risque d'allergie à l'antibiotique était connu des praticiens, sa réalisation était, dans le cas de M. X..., imprévisible en raison des examens pré-opératoires et pré-anesthésiques pratiqués et de l'absence d'antécédent allergique ; qu'elle a pu en déduire que M. Y... et Mme Z... n'avaient pas commis de faute en n'informant pas le patient de ce risque ». Un risque exceptionnel doit être regardé comme « normalement prévisible » lorsqu’il est répertorié comme représentant un cas sur 1000.

Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, 23 décembre 2010, n° 09LY01051 « ; qu'il résulte de l'instruction que le risque d'ischémie dont M. C a été victime dans les suites de l'examen coronarographique litigieux, bien qu'exceptionnel, est connu comme représentant un cas sur mille ; qu'il devait ainsi être regardé comme normalement prévisible au sens des dispositions ci-dessus ; que dès lors, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, ce risque entrait dans l'obligation d'information posée par ces mêmes dispositions;

LES CONDITIONS DE VALIDITE DE L’INFORMATION

L’information doit être donnée prioritairement à l’oral, en amont des soins et au cours d’un entretien individuel. Elle doit être renouvelée à chaque étape de la prise en charge. Elle doit être donnée dans les quinze (15) jours suivant la découverte d’une complication. L’information doit être claire et appropriée. Elle est claire lorsqu’elle est adaptée à la capacité de compréhension du patient. Elle est appropriée lorsqu’elle est pertinente eu égard à l’état de santé du patient (pathologie & traitements).

L'information peut également être écrite, ce qui simplifie sa preuve.

PREUVE DE LA DELIVRANCE DE L’INFORMATION

La charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur le Praticien.

En cas de contentieux judiciaire, les juges se fondent sur un faisceau d’indices :

  • Le nombre de consultation(s) préalable(s) avec le patient;
  • Les interventions déjà subies antérieurement ;
  • Le délai de réflexion après remise d’un document écrit tel des fiches techniques ;
  • L’attestation de consentement signé ;
  • Les schémas réalisés par le médecin lors de l’entretien individuel ;
  • Les examens complémentaires prescrits ;
  • L’avis d’éventuels consultants extérieurs ;
  • Les notes personnelles du Praticien écrites généralement pendant la consultation ou juste après ;
  • Les lettres des confrères ;
  • Les fiches techniques ;

Les feuilles d’information dites « fiches techniques » fournies par le Praticien doivent contenir des informations détaillées, adaptées à l’état de santé du patient, et être accompagnées d’explications orales de la part du praticien. Elles ne doivent pas être stéréotypées.

Les fiches techniques sont utiles comme « commencement de preuve » pour prouver que le Praticien a rempli son obligation d’information, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne peuvent servir de décharge de responsabilité. Il n’est donc pas nécessaire que le Praticien les fasse signer à son patient. Il est recommandé de les donner à son patient, pour qu’il puisse en discuter avec ses proches. Une copie doit toutefois être conservée dans le dossier médical avec les schémas et les notes personnelles. Le Praticien doit toujours laisser un délai de réflexion à son patient avant la réalisation de un acte médical.

LE CONSENTEMENT

Le Praticien doit informer son patient sur son état de santé et sur les soins envisageables afin d’obtenir un consentement libre et éclairé de celui-ci. Le consentement du patient peut être oral ou écrit. Toutefois, le consentement est obligatoirement écrit dans certains cas et notamment en cas de recherches biomédicales ou d’examens des caractéristiques génétiques. Le consentement peut être retiré à tout moment. Dans tous les cas, le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Dans ce cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable, laquelle est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde alors la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins.

EXCEPTIONS A L’OBLIGATION D’INFORMATION

L’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose qu’« aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ».

Le Praticien peut ne pas informer son patient et donc ne pas recueillir son consentement à un acte médical, dans trois cas :

  • Refus du patient d’être informé,
  • Impossibilité d’informer le patient,
  • Urgence à intervenir médicalement,
  • L’omission du praticien dans l’intérêt du malade.

1 - Le refus du patient d’être informé

En vertu du respect de la volonté du patient, le Praticien ne peut et ne doit pas informer son patient si celui-ci refuse d’être éclairé sur son état de santé. Toutefois, s’il existe un risque de transmission/contamination pour les tiers, le Praticien doit en informer son patient et le convaincre d’en informer les tiers éventuellement concernés par ce risque de transmission / contamination.

2 - L’impossibilité du Praticien d’informer

C’est l’hypothèse du Praticien qui doit réaliser un acte de soins mais qui est dans l’impossibilité d’informer et de recueillir le consentement tant, de son patient hors d’état d’exprimer sa volonté que celui de la personne de confiance, de sa famille ou de ses proches, lesquels ne sont pas joignables. A l’issue de l’acte de soins réalisé par le Praticien, ce dernier doit toutefois informer le patient et/ou à défaut la personne de confiance, la famille ou les proches et ce, dans les meilleurs délais.

3 – L’urgence

Le Praticien doit agir dans l’urgence. Il ne peut donc prendre le temps ni d’informer ni de recueillir le consentement du patient, de la personne de confiance, de la famille ou des proches pour réaliser un acte de soins. Exemple : Lors d’un accident, si le pronostic vital de la personne est engagé, le Praticien prend en charge son patient sans l’informer des actes à réaliser et des bénéfices et risquent qui en découlent car il y a urgence à soigner.

4 – L’omission du Praticien dans l’intérêt du malade

Avant 2012

L’article R. 4127-35 du code de la santé publique disposait que « dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le Praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves » Le Praticien pouvait taire un diagnostic grave à son patient s’il estimait qu’il était de son intérêt de lui cacher, notamment s’il savait que le patient, dûment informé, aurait refusé le traitement. Le Praticien devait toutefois en informer la personne de confiance, la famille ou les proches.

Depuis 2012

Le décret du 7 mai 2012 a mis un terme à cette « appréciation en conscience du Praticien » dans un souci de renforcement du respect de l’obligation d’information. Désormais, le Praticien ne peut plus décider de tenir son patient dans l’ignorance d’un pronostic ou d’un diagnostic grave. Il doit l’en informer systématiquement mais avec circonspection. Toutefois, la volonté du patient étant supérieure, le Praticien devra respecter le choix de son patient qui préfère être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic. Cette évolution réglementaire permet une meilleure protection du patient qui ne risque plus d’apprendre, au détour d’un examen complémentaire, un diagnostic grave par un autre médecin qui n’avait pas connaissance du fait que le patient était tenu dans l’ignorance de ce diagnostic.

LE MINEUR OU LE MAJEUR PROTEGE

L’article L. 1111-2 alinéa 5 du code de la santé publique dispose que « les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle sont exercés par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle ».

1 – Le mineur

a – Principe

Lorsque le patient est mineur (- de 18 ans et mineur non émancipé), les décisions sur sa santé sont prises par les personnes titulaires de l’autorité parentale. Il s’agit le plus souvent des parents. Le Praticien doit toutefois systématiquement rechercher la participation du mineur à la prise de décision, selon sa maturité et son degré de compréhension. Pour les actes bénins, seul l’un des deux parents peut donner son consentement à la réalisation d’un acte médical. Pour les actes graves, telle une atteinte à l’intégrité corporelle, l’accord des deux parents est nécessaire. En cas de conflit entre les parents sur un acte médical grave à réaliser, le Juge aux Affaires Familiales doit être saisi. Lorsque le refus de soins des parents met en danger la vie de leur enfant mineur, le Praticien peut réaliser l’acte de soins s’il y a urgence et saisir le Procureur de la République afin de dénoncer ces « sévices ».

b - Exceptions à l’information et au recueillement du consentement des titulaires de l’autorité parentale

  • Le mineur de plus de 16 ans, en rupture avec ses parents ;
  • Le mineur émancipé ;
  • L’urgence à soigner ;
  • Le refus du mineur d’informer ses parents ;

En cas de refus du mineur d’informer ses parents, le Praticien doit tenter de convaincre son patient de les informer de l’acte qu’il envisage de réaliser. S’il n’y parvient pas, le Praticien réalise l’acte médical. Le mineur doit toutefois être accompagné de la personne majeure de son choix.

2 – Le majeur protégé

a- Principe

Les décisions concernant le majeur protégé sont prises par le tuteur.

Toutefois, il existe deux types de tutelle.

  • La tutelle sur les biens du majeur ;
  • La tutelle sur la personne même du majeur ;

Lorsqu’il s’agit d’une tutelle sur les biens, le tuteur n’a aucun pouvoir de décision concernant la santé du majeur protégé qui conserve sa capacité de décision. Lorsqu’il s’agit d’une tutelle sur la personne même du majeur protégé, seul le tuteur peut prendre des décisions concernant la santé du majeur. Le Praticien doit dans cette hypothèse systématiquement rechercher la participation du majeur à la prise de décision en s’adaptant à sa capacité de discernement. Le tuteur peut décider seul des actes de soins bénins à réaliser. Pour les actes graves, qui portent atteinte à l’intégrité corporelle, le Juge des Tutelles doit donner son accord préalablement à la réalisation de l’acte. La décision du tuteur, seule, ne suffit pas.

b - Exceptions à l’information et au recueillement du consentement du tuteur ou du Juge des Tutelles

  • L’urgence
  • Lorsque le tuteur refuse de faire réaliser un acte de soins mettant ainsi en danger la vie du majeur protégé, le Praticien peut saisir le Procureur de la République pour dénoncer ces « sévices ».

SANCTIONS DU DEFAUT D’INFORMATION

1 – Le préjudice de perte de chance

Outre des sanctions disciplinaires, le Praticien ayant manqué à son obligation d’information peut être poursuivi par le patient devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation de son préjudice de perte de chance. Ce préjudice est défini comme la perte de chance pour le patient d’avoir pu renoncer à un acte de soins et aux risques qui en découlent, s’il avait été pleinement informé par le Praticien notamment des risques de cet acte. Le Praticien ne peut pas être sanctionné au titre du préjudice de perte de chance lorsque les soins étaient indispensables (risque de mort en l’absence de soins) et qu’il n’existait aucune alternative thérapeutique. En effet, dans ce cas, le patient n’aurait pas pu renoncer à un tel acte.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 11 mars 2010, n° 09-11270 « ALORS QUE, d'une part, la violation de l'obligation d'information incombant à tout professionnel de santé n'est sanctionnée qu'autant qu'il en est résulté pour le patient une perte de chance de refuser l'acte médical et d'échapper au risque qui s'est réalisé ; (…) en constatant qu'il était informé du risque de paralysie inhérent à l'exérèse d'une hernie discale et que l'indication opératoire était une réponse thérapeutique adaptée compte tenu du volume impressionnant de la hernie dont il souffrait, relevant ainsi que l'intervention était nécessaire et qu'il n'existait aucune relation causale entre le défaut d'information et le consentement du patient à l'opération envisagée, la cour d'appel a violé l'article L.1111-2 du code de la santé publique (…) ».

Le Praticien ne manque toutefois pas à son obligation d’information lorsque le risque qui se réalise n’est pas prévisible du fait de la dissimulation, par le patient, de son état de santé réel. En effet, dans cette hypothèse, le Praticien est empêché de remplir correctement son obligation d’information.

2 – Le préjudice moral d’impréparation

Depuis une évolution jurisprudentielle de 2010, la violation de l’obligation d’information par le Praticien peut également être sanctionnée au titre du préjudice moral d’impréparation. Ce préjudice correspond à l’impossibilité pour le patient de se préparer techniquement et psychologiquement à la survenue d’une complication liée à un acte médical. Dès lors, même en l’absence de perte de chance, le manquement à l’obligation d’information peut être indemnisé. Eu égard à la Jurisprudence actuelle, le préjudice moral d’impréparation semble pouvoir être réparé cumulativement avec le préjudice de perte de chance.

a-Dans le secteur privé

La Cour de cassation considère désormais que le manquement du Praticien à son obligation d’information viole le principe de la dignité humaine et qu’en conséquence, le patient qui en est victime subit un préjudice moral autonome d’impréparation. La Cour de cassation ne subordonne pas la réparation de ce préjudice moral à la réalisation effective d’une complication. Le seul fait de ne pas informer le patient suffit à lui causer un préjudice.

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 3 juin 2010, n° 09-13591 « ALORS QUE : l'obligation du médecin d'informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; que le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient, fût-il uniquement moral, que le juge ne peut laisser sans indemnisation; qu'en décidant au contraire que Monsieur X... n'aurait perdu aucune chance d'éviter le risque qui s'est réalisé et auquel le docteur Y... l'a exposé sans l'en informer, la cour d'appel a violé les articles 16-1, 16-2 et 1147 du Code civil ».

b-Dans le secteur public

Le Conseil d’Etat a également reconnu le préjudice moral autonome d’impréparation, en cas de manquement du Praticien à son obligation d’information. Toutefois, contrairement à la Cour de cassation, celui-ci refuse d’indemniser le patient lorsque le risque ne s’est pas réalisé.

Arrêt du Conseil d’Etat, 10 octobre 2012, n° 350426 « Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ; (…) que, contrairement à ce qu'il soutient, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en ne déduisant pas de la seule circonstance que son droit d'être informé des risques de l'intervention avait été méconnu, l'existence d'un préjudice lui ouvrant droit à réparation »

CONCLUSION

Compte tenu de l’évolution jurisprudentielle de plus en plus favorable aux patients, il est indispensable pour le Praticien de respecter son obligation d’information dans toute son étendue.

Lorsqu’un risque survient, le Praticien doit rester ouvert vis-à-vis de son patient.

Le patient doit se sentir compris, soutenu et écouté. Dans le cas contraire, le risque de contentieux s’accroît.

En cas de réclamation/contestation du patient, il est indispensable que le Praticien reconnaisse les « faits ». Il ne doit toutefois jamais reconnaître une « faute », synonyme de responsabilité.

Il doit également contacter immédiatement son assureur qui se chargera de sa défense en mandatant des avocats.

vendredi 5 décembre 2014

VERS UNE MEILLEURE INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENT DE LA CIRCULATION

L’article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 prévoit que : « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».

Avant 1997, la Cour de cassation jugeait que la faute du conducteur victime de l’accident excluait tout droit à indemnisation si cette faute était la cause exclusive de l’accident et ce, peu importe la gravité de cette faute.

Les Juges dans cette hypothèse n’avaient pas à rechercher si cette faute était imprévisible et irrésistible pour le conducteur victime (Cass. civ. 2ème, 18 octobre 1995).

Pour obtenir une indemnisation partielle, le conducteur, victime fautive, devait rapporter la preuve d'une faute imputable à un conducteur d'un autre véhicule impliqué dans l'accident (Par exemple : Cass. civ. 2ème, 17 février 1993).

Cette position jurisprudentielle a toutefois évoluée à compter de 1997.

En effet, depuis 1997, la Cour de cassation a modifié sa position et juge désormais que la faute du conducteur victime n’a pas pour effet d’exclure systématiquement son droit à indemnisation (arrêt de la Chambre mixte de la Cour de Cassation du 28 mars 1997).

Il revient en effet désormais au juge d’apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation de la victime, selon sa gravité et ce, indépendamment du comportement de l’autre conducteur impliqué dans l’accident (par exemple : Cass. Crim., 18 novembre 2014, n° 13-85391).

Aujourd’hui, le juge doit uniquement rechercher si la faute du conducteur victime a contribué à son dommage et non si elle est la cause exclusive de son accident.

Les juges du fond doivent procéder à l’analyse de la faute en elle-même, indépendamment des autres véhicules impliqués.

Cette position est régulièrement rappelée par la Jurisprudence :

 « Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu’il appartient alors au juge d’apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure, en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur  »  (Cass. 2ème Civ., 22 novembre 2012).


« Alors que l'existence d'une faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en se fondant sur la considération que le conducteur du poids lourd immobilisé avait allumé ses feux de détresse, pour en déduire que la collision avec l'arrière de ce poids lourd démontrait une faute d'inattention de M. X... et un défaut d'adaptation de sa vitesse aux conditions de visibilité, la cour d'appel, qui a apprécié la faute de la victime au regard du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, a méconnu les textes susvisés » (Cass. Crim., 18 novembre 2014, n° 13-85391).

Par cette évolution jurisprudentielle, le droit à indemnisation des conducteurs victimes est davantage garanti.

mardi 4 novembre 2014

LE REFUS DE SOINS DU PROFESSIONNEL DE SANTE

INTRODUCTION

Toute personne a un droit d’accès aux soins et bénéficie à ce titre de la liberté de choisir le praticien qui le prendra en charge.

Parallèlement, sauf exceptions, le professionnel de santé dispose de cette même liberté, celui-ci pouvant accepter ou refuser de prendre en charge une personne qui en fait la demande.

DEFINITION DU REFUS DE SOINS

Le refus de soins doit s’entendre comme tout comportement d’un professionnel de santé qui conduirait directement ou indirectement à ne pas prodiguer de soins à un patient qui en fait la demande.

Ces comportements visent aussi bien ceux des médecins que ceux d’autres professionnels de santé (pharmaciens, chirurgiens-dentistes, auxiliaires médicaux, établissements de santé etc) et tant les actes de prévention, de diagnostic, de soins que les actes de prévention.

Il existe des refus de soins licites et des refus de soins illicites. Dès lors, le professionnel de santé n’est pas nécessairement sanctionné s’il refuse de soigner un patient.

I - LE REFUS DE SOINS LICITE

Il existe des hypothèses où le praticien a la faculté de refuser de prendre en charge un patient et d’autres où il en a l’obligation.

A – La possibilité du Praticien de refuser de prendre en charge un patient

Article R. 4127-42 du code de la santé publique : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins ».

Un médecin a le droit de refuser de délivrer des soins à une personne et ce, pour des raisons tant personnelles que professionnelles.

a- Le risque d’atteinte à la sécurité du médecin

Le Conseil d’Etat considère comme légitime le refus d’un professionnel de santé de se déplacer en zone de détention sans être accompagné d’un membre du personnel de surveillance comme cela est pourtant exigé (Cf. Arrêt du Conseil d’Etat du 15 mars 1999, n° 183545)

Un praticien ne saurait également être sanctionné s’il refuse de se déplacer pour prendre en charge un patient à cause des émeutes dans la ville.



Cependant, la Cour de cassation considère que le refus du médecin de se déplacer en raison de fortes chutes de neige alors même qu’il connait l’état de santé préoccupant d’un patient n’est pas une raison personnelle suffisante (Cf. Cass. Crim., 4 février 1998, n° 96-81425)

b- Le comportement du patient

Un médecin peut refuser de soigner une personne si cette dernière adopte un comportement empêchant toute prise en charge.

Tel est notamment le cas lorsqu’un patient a refusé ou arrêté un traitement ou encore a manifesté un comportement agressif envers le praticien (Cf. Décision du Conseil national de l’Ordre des Médecins, 16 mai 2002 ; 19 février 2003, 6 septembre 2007).

Le médecin peut également refuser de poursuivre une prise en charge si ses précédents honoraires ne lui ont pas été payés (Cf. Décision du CNOM du 15 mars 2001).

c- Le droit de grève

Le droit de grève est un principe constitutionnel.

A ce titre, tout professionnel de santé peut l’invoquer afin de justifier un refus de soins.

Le droit de grève doit toutefois toujours être concilié avec le respect du principe de la permanence et de la continuité des soins.

En effet, le praticien a l’obligation de déférer aux réquisitions des autorités publiques en vue d’assurer la mission de service public de permanence des soins sous peine d’être notamment sanctionné dune amende de 3.750,00 euros (Cf. Article L. 4163-7 du code de la santé publique)., sous peine de sanction.

Naturellement, cette limite au droit de grève doit être nécessaire et proportionnée au but poursuivi (Cf. Arrêt du Conseil d’Etat du 9 décembre 2003).

En effet, la réquisition doit avoir pour but de permettre à l’établissement de santé d’assurer un service minimum et non pas à effectif complet.

d- L’indisponibilité du praticien

Le praticien ne pourra pas être sanctionné s’il n’a pas été en mesure de prendre en charge un patient du fait de son indisponibilité.

Avant tout refus de soins, le praticien devra toutefois apprécier la gravité de l’état de santé du patient et de l’urgence à intervenir.

e- La Clause de conscience

Un praticien a la possibilité de refuser de pratiquer un acte de soins s’il est contraire à ses convictions.

Tel est le cas notamment en cas d’interruption volontaire de grossesse ou de stérilisation à visée contraceptive.

Article L. 2123-1 du code de la santé publique :

« La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences. (…) Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressée de son refus dès la première consultation ».

Article L. 2212-8 alinéa 1 du code de la santé publique :

« Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2 ».

B – Le comportement du professionnel de santé en cas de refus de soins

Le praticien doit avertir immédiatement le patient qu’il refuse de le prendre en charge.

Il n’est toutefois pas obligé d’expliquer les raisons d’un tel refus de soins.

Il est conseillé de confirmer un tel refus au patient par écrit, en lettre recommandée avec accusé de réception et d’en adresser une copie au Conseil départemental de l’Ordre des médecins, lorsque la situation semble l’exiger.

Dans tous les cas, le praticien doit rediriger le patient vers un confrère ou un établissement de santé, en transmettant éventuellement toutes les informations nécessaires à la poursuite de la prise en charge.

C – L’obligation du professionnel de santé de refuser de soigner

Il existe différents cas où le praticien est tenu de refuser de soigner un patient.

Les refus de soins obligatoires :

  • L’incompétence du médecin
  • Les soins sans nécessité médicale ou présentant des dépenses injustifiées
  • Les soins présentant des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices escomptés.
  • L’acharnement thérapeutique
  • Les cas où le patient ne remplit pas les critères imposés par la loi pour bénéficier d’un acte de soins (interruption volontaire de grossesse, aide médicale à la procréation, greffe etc).

II - LE REFUS DE SOINS ILLICITE

Il existe de nombreux cas où le praticien peut être sanctionné s’il refuse de prodiguer des soins à un patient ou si son comportement est tel qu’il entraîne indirectement un refus de soins.

Les sanctions seront civiles, pénales ou déontologiques selon les conséquences du refus de soins.

A – Les soins non consciencieux et le manque d’humanisme



a- Les soins non consciencieux



Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin en y consacrant le temps nécessaire et prodiguer des soins adéquats et conformes aux données acquises de la science (Cf. Article R. 4127-32 du code de la santé publique).



Ces soins ne doivent pas être inefficaces ou illusoires.



Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, 6 mai 1997

Un médecin qui a privilégié une approche spirituelle et homéopathique de la médecine alors que sa patiente était atteinte d’une tumeur cancéreuse du sein et avait besoin d’une chimiothérapie a été sanctionné au titre d’un refus de soins.



b- Le manque d’humanisme du praticien

Le Praticien peut engager sa responsabilité pour refus de soins s’il manque d’attention envers ses patients et/ou s’il a une attitude méprisante et humiliante.



Décision du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 16 décembre 2004 :

Un ophtalmologue qui a refusé d’examiner un patient qui s’est présenté à son rendez-vous avec quelques minutes de retard alors que ce dernier était handicapé et avait effectué plus de 80 km en ambulance a été sanctionné par l’ordre.



B – La défaillance du praticien dans la permanence ou la continuité des soins

Tout professionnel de santé doit participer à la permanence ou la continuité des soins.

Elle doit être assurée au malade en toute circonstance (Cf. Article L. 1110-1 et R. 4127-47 du code de la santé publique).



Le praticien ne sera toutefois pas sanctionné s’il est en grève et qu’il n’a pas été réquisitionné.

Tel est également le cas si ce dernier a tout mis en œuvre pour assurer la permanence ou la continuité des soins sans y parvenir.




Décision du CNOM du 16 décembre 2004 :

Un médecin qui, saisi d’une demande de rendez-vous présentée comme urgente par un patient victime d’un accident du travail, a recherché la possibilité de le recevoir au besoin en déplaçant d’autres consultations. Mais faute d’y parvenir, il lui a proposé de le recevoir le lendemain et lui a indiqué la possibilité de se rendre aux urgences de l’hôpital.

C – le refus discriminatoire

Article R. 4127-7 du code de la santé publique :

« Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard »



Le professionnel de santé qui refuse la prise en charge d’un patient sur un critère discriminatoire peut être sanctionné.



a- Discrimination fondée sur la condition sociale



De nombreux « testing » ont été et sont encore aujourd’hui réalisés par des associations afin de contrôler si les médecins refusent ou non de prendre en charge des patients bénéficiant de la CMU ou de l’AME.

Il ressort de ces testings que 22 % des médecins du secteur II testés refusent les patients bénéficiaires de la CMU ou de l’AME.

Dans cette hypothèse, si la preuve est rapportée d’une telle discrimination, les professionnels de santé peuvent être sanctionnés.

Et quand bien même ces derniers prendraient en charge de tels patients, ils seraient également sanctionnés s’ils ne leur faisait pas bénéficier des avantages offerts par la CMU et l’AME :

  • Le bénéfice du tiers payant intégral
  • L’obligation d’appliquer le tarif conventionnel

ou s’ils les traitaient différemment du reste de la clientèle :

  • Les délais d’attente prohibitifs,
  • L’acceptation de rendez-vous à des horaires seulement tardifs,
  • La dispense de soins de base ou superficiels,
  • Le refus de certains moyens de paiement,
  • L’absence du dispositif de la carte vitale etc.


b- Discrimination fondée sur l’état de santé

Une étude récente menée par l’Observatoire Sida Info Service a montré que les dentistes et les gynécologues sont les plus visés par ce refus de soins, ceux-ci prodiguant des soins superficiels par peur d’une contamination.




c- Discrimination du fait de l’âge

Tel est le cas des praticiens qui, du fait de l’âge très avancé de certains patients et pour des raisons d’économie, refuse ou limite leur prise en charge alors même qu’il s’agit de maladies curables.

Le Conseil consultatif national d’éthique a jugé ce refus de soins comme contraire à la dignité humaine.



Les sanctions prévues en cas de refus de soins pour motif discriminatoire sont lourdes car elles relèvent souvent des juridictions pénales.



Le code pénal prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000,00 euros d’amende.



Mais ces sanctions sont rarement appliquées compte tenu des difficultés probatoires de telles discriminations.



d- Honoraires prohibitifs et renoncement aux soins

Article R. 4127-53 du code de la santé publique :

« Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières. Ils ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués. L'avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire. Un médecin doit répondre à toute demande d'information préalable et d'explications sur ses honoraires ou le coût d'un traitement. Il ne peut refuser un acquit des sommes perçues. Aucun mode particulier de règlement ne peut être imposé aux malades »

Les honoraires sont fixés librement par le médecin.

La seule limite réside dans l’obligation de tact et mesure qui impose au praticien de modérer ses dépassements d’honoraires.

Dès lors, dès que les honoraires sont prohibitifs pour le patient disposant de ressources modestes, cette fixation peut être considérée comme un refus de soins indirect puisque le patient n’aura d’autres choix que de renoncer aux soins.



Décision du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 29 janvier 2008 :

Un praticien avait fixé ses honoraires à hauteur de 1.200,00 euros pour une personne âgée dont la situation financière était difficile.

Le praticien avait par ailleurs refusé de lui accorder des délais de paiement.

Le Conseil national a estimé que le médecin avait manqué de tact et mesure et ce, même s’il avait informé le patient qu’il exerçait en secteur II et que le patient avait donné son accord pour ces conditions financières.

Le Conseil d’Etat a défini la notion d’honoraires prohibitifs dans un arrêt du 18 février 1977.

Est excessif et viole le principe de tact et mesure les honoraires 2, 3 ou 6 fois supérieurs aux honoraires conventionnels ou si les tarifs sont nettement supérieurs à ceux pratiqués par les autres praticiens de même spécialité exerçant dans des conditions similaires.




Arrêt du Conseil d’Etat du 19 mai 1993 :

« La comparaison avec les pratiques financières des autres professionnels relevant du même code d’exercice peut s’avérer déterminant dans l’appréciation de la faute du médecin ».



Il importe peu que le patient ait ou non accepté de régler le montant des honoraires ou que les dépassements d’honoraires soient pris en charge par les mutuelles des patients.

Le médecin pourra quand même être sanctionné.



Si un praticien est poursuivi pour avoir pratiqué des honoraires prohibitifs, il encourt les peines suivantes :


  • Des sanctions disciplinaires prononcées par le Conseil régional de l’Ordre des médecins ou par la section des assurances sociales du même conseil,
  • Des sanctions prévues par la convention médicale du 12 janvier 2005 (Suspension du droit permanent à dépassement, suspension du droit de pratiquer des honoraires différents, suspension de la possibilité d’exercer dans le cadre conventionnel).



III – LE REFUS DE SOINS ET LA NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN PERIL

Tout médecin a l’obligation de prendre en charge une personne s’il y a urgence à intervenir et/ou si elle risque un péril grave et imminent et ce, peu importe qu’il s’agisse d’un de ses patients (Cf. Décision du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 1er avril 1998).



Lorsque la situation laisse présumer une prise en charge en urgence, il appartient au médecin de recueillir des informations sur l’état de la personne afin d’apprécier le degré d’urgence.



Cette obligation de se renseigner peut aller jusqu’à l’obligation de se déplacer lorsque la situation l’exige.



A défaut de se renseigner et/ou se déplacer, le médecin peut être sanctionné faute de s’être mis en mesure d’apprécier l’état de santé du patient et le degré d’urgence à intervenir.



Une fois le médecin conscient de l’urgence, son absence d’intervention est fautive.

Décision du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 12 juin 1997 :

Un enfant a été victime d’un malaise nécessitant des soins à domicile.

Le médecin de garde a été appelé mais a refusé d’intervenir considérant que le domicile du malade ne se trouvait pas dans sa zone de garde.

Le médecin de garde a reçu un blâme car il avait conscience de la nécessité de se déplacer et s’en est pourtant délibérément désintéressé.

A tout le moins, il aurait dû transmettre les coordonnées du médecin de garde du secteur et assurer un suivi en prenant des nouvelles du patient.



Un cas d’omission fautive, le praticien peut être poursuivi pénalement pour non assistance à personne en péril et il encourt à ce titre une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende.



Article 223-6 aliéna 2 du code pénal :

« Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

Toutefois, pour que ce délit soit caractérisé, deux éléments constitutifs doivent être réunis :

  • Un élément matériel
  • Un élément moral


L’élément matériel



Il faut un péril grave et imminent.

Le péril doit nécessiter une intervention immédiate (Arrêt de la Cour de cassation, Chambre Criminelle du 31 mai 1949).

Le danger de mort n’est toutefois pas nécessaire.



Et le péril simplement hypothétique ne peut entraîner la condamnation du médecin (Cf. Arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle du 13 janvier 1955).



L’élément moral

Le médecin doit avoir conscience du péril.



Un médecin qui n’est pas intervenu malgré l’urgence ne sera pas sanctionné s’il ne pouvait soupçonner, au moment des faits, de la survenue rapide d’un dommage.



Arrêt de la Cour de Cassation, Chambre criminelle du 20 janvier 1988 :

Le fait d’établir un ordre de visite des patients et de repousser la visite de l’un d’entre eux, alors que son état s’est aggravé, n’est pas constitutif du délit de non assistance à personne en péril dès lors que le médecin n’avait pas été tenu informé de l’évolution de l’état du patient.

L’erreur de diagnostic et la mauvaise analyse concernant le péril n’est pas sanctionnable sur le fondement de l’infraction de non assistance à personne en péril.



Mais la jurisprudence est exigeante en ce que la médecine suppose certaines connaissances générales du fait de la formation universitaire. L’intervention inefficace du médecin qui ne permet pas de sauver la vie du patient n’est également pas sanctionnable sur ce fondement.

En effet, l’infraction de non assistance à personne en péril ne sanctionne que les cas d’omission volontaire de porter secours en connaissance du péril imminent.

Dès lors, c’est le fait de ne pas intervenir qui est sanctionné et non le fait de ne pas réussir à sauver la personne en péril.



Dès lors, le médecin ne peut invoquer l’inefficacité supposée de son intervention ou sa spécialité professionnelle pour refuser celle-ci (Cf. Arrêt de ma Cour de cassation, Chambre criminelle du 23 mars 1953).

LE REFUS DE SOINS DU PATIENT

L’OBLIGATION D’INFORMATION ET LE CONSENTEMENT AUX SOINS

Selon l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les investigations, traitements ou actions de prévention envisagés par le praticien, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les alternatives thérapeutiques et sur les conséquences prévisibles en cas de refus de soins du patient.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seule l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Le respect de cette obligation d’information est fondamental puisqu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé du patient qui peut le retirer à tout moment .

Il en va de même en cas de refus de soins, le praticien devant respecter la volonté du malade.

L’OBLIGATION DE RESPECTER LE « REFUS DE SOINS » DU PATIENT

1. Le cas du majeur

L’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose que le médecin doit respecter la volonté du patient de refuser ou d’interrompre un traitement en cours après l'avoir informé des conséquences de ses choix.

Toutefois, si cette décision met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour le convaincre d'accepter les soins indispensables.

La responsabilité du praticien ne peut bien évidemment pas être engagée s’il ne parvient pas à convaincre le patient de se faire soigner.

Toutefois, encore faut-il que le Praticien n’ait pas manqué à son obligation d’information.

Cass. 1ère Civ., 15/11/2005, n° 04-18.180

« Prive sa décision de base légale (…), une cour d'appel qui, pour débouter un patient souffrant à l'issue d'une intervention chirurgicale de différents troubles, de son action en responsabilité à l'encontre du médecin, relève qu'il s'était opposé au traitement préconisé par ce praticien et que l'aggravation de son état de santé avait conduit ce dernier à pratiquer cette intervention, sans rechercher si le patient avait été informé des risques graves encourus en cas d'opposition à ce traitement et de recours à une telle intervention et ainsi mis en mesure de donner un consentement ou un refus éclairé aux actes médicaux envisagés ».

La cour de cassation a jugé que la responsabilité du praticien était engagée en cas de dommages subis par un patient consécutivement à un refus de soins, dès lors que ce praticien n’avait pas informé son patient des risques graves encourus d’un tel refus.

Lorsque le patient refuse de se faire soigner, le Praticien doit lui laisser un temps de réflexion suffisant et raisonnable durant lequel il va réfléchir à sa décision et aux conséquences qui en découlent.

Et si le patient réitère sa décision à l’issue de ce délai de réflexion, le Praticien aura le droit de ne pas soigner ou d’interrompre le traitement en cours.

Il devra consigner ce refus de soins dans le dossier médical du patient. En aucun cas, le Praticien ne pourra passer outre la décision de son patient de ne pas se faire soigner.

Si le médecin prodigue les soins malgré le refus de soins du patient, il peut être poursuivi pénalement pour atteinte à l’intégrité physique et encourt à ce titre une peine d’emprisonnement et/ou d’amende, selon les conséquences dommageables qui en résultent pour le patient.

2. Le cas du mineur ou du majeur protégé

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle sont exercés, respectivement par les titulaires de l'autorité parentale et par le tuteur.

Ce sont eux qui reçoivent l'information délivrée par le praticien et qui prennent les décisions concernant la santé de ces derniers.

Toutefois, conformément aux dispositions du code de la santé publique, les mineurs et les majeurs protégés ont le droit de recevoir eux-mêmes l’information et de participer à la prise de décision les concernant et ce, d'une manière adaptée à leur degré de maturité s'agissant des mineurs ou à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.

Tutelle sur les biens ou tutelle sur la personne :

Le tuteur n’a aucun pouvoir de décision médicale, s’il a été désigné uniquement pour la gestion des biens du majeur protégé. Dans cette hypothèse, le majeur protégé reste libre des décisions concernant sa santé.

A l’inverse, lorsqu’il s’agit d’une tutelle sur la personne même du majeur protégé, les décisions sont prises uniquement par le Tuteur.

Toutefois, il ne peut s’agir que de décisions concernant des actes bénins. Lorsque les soins envisagés portent atteinte à l’intégrité physique du majeur protégé, tels une intervention chirurgicale, le Tuteur doit solliciter préalablement l’accord du Juge des Tutelles.

LA PREUVE DU REFUS DE SOINS

En cas de litige l’opposant à un patient, le praticien peut prouver le refus de soins par tout moyen et notamment :

  • Compte-rendu de consultations
  • Correspondance entre confrères
  • Formulaire d’information signé
  • Formulaire de refus de soins signé

LES EXCEPTIONS AU REFUS DE SOINS

Il existe des cas où le praticien a la possibilité de ne pas respecter la volonté du malade de ne pas se faire soigner et d’autres où la loi impose certains soins aux personnes.

Il ne s’agit toutefois pas d’une liste exhaustive.

1. Les vaccinations obligatoires

Les vaccinations obligatoires sont celles contre : - la diphtérie et le tétanos (seule la primo vaccination avec le 1er rappel à 11 mois est obligatoire) ; - la poliomyélite (la primo vaccination et les rappels sont obligatoires jusqu'à 13 ans) ; - la fièvre jaune (pour toutes les personnes résidant en Guyane). Le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de vaccination ou la volonté d'en entraver l'exécution sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3.750,00 Euros d'amende (Cf. article L. 3116-4 du code de la santé publique). En cas d’infraction à la loi par les titulaires de l’autorité parentale, le Ministère Public peut engager des poursuites à leur encontre et ce, jusqu’aux dix ans de l’enfant pour les vaccinations antidiphtérique et antitétanique ou jusqu’aux quinze ans de celui-ci pour la vaccination antipoliomyélitique (Cf. article R. 3116-1 du code de la santé publique).

2. Le traitement des maladies mentales

Dans sa décision n° 2010-71 du 26 novembre 2010, le Conseil Constitutionnel avait abordé l’administration forcée de soins pour les personnes hospitalisées sans leur consentement et avait jugé :

« (…) Une personne atteinte de troubles mentaux — qui, soit rendent impossible son consentement alors que son état impose une surveillance constante, soit font que cette personne compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, — ne peut s’opposer aux soins médicaux que ces troubles requièrent ».

Toutefois, la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, impose l’obligation de faire vérifier la régularité de l’hospitalisation sous contrainte dans un délai de quinze jours et la comparution tous les 6 mois devant le Juge de la Liberté et de la Détention des personnes faisant l’objet d’une hospitalisation sans consentement.

3. Le traitement judiciaire de la toxicomanie

La loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970, relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses, présente le toxicomane comme un malade et offre à ce titre la possibilité à la justice d'imposer des soins en vue de désintoxiquer celui qui a fait un usage illicite de stupéfiants.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, renforce cet objectif sanitaire en élargissant le champ d'application de la mesure d'injonction thérapeutique et en faisant évoluer son déroulement.

Elle crée notamment la fonction de médecin relais, dont le rôle est d’appliquer la mesure d'injonction thérapeutique, ainsi que le stage de sensibilisation au délit d'usage de stupéfiants.

4. Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

 Le patient non en fin de vie

L’alinéa 4 de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose que « lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance (…), ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ».

Il ressort clairement de l’article susvisé que lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le praticien qui envisage un soin ou une intervention doit consulter préalablement la personne de confiance ou la famille et à défaut les proches.

Toutefois, la décision finale revient au Praticien, les représentants ne pouvant en effet s’opposer à de tels soins.

Définition de la personne de confiance :

Depuis la loi du 4 mars 2002, un patient peut désigner une personne de confiance qui va l'accompagner dans toutes les démarches concernant sa santé.

Il peut s’agir d’un parent, d’un proche ou du médecin-traitant.

Pour être désignée, il suffit au patient de la nommer par écrit et éventuellement de le faire consigner dans son dossier médical.

La personne de confiance choisie par le patient peut être révoquée à tout moment. 


 Le patient en fin de vie

Article R. 4127-37 du code de la santé publique dispose qu’ « en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. Il doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie ».

Lorsque le patient se trouve en fin de vie, le praticien peut prendre la décision d’arrêter ou de limiter le(s) traitement(s) en cours s’ils n’ont pour but que le maintien artificiel de la vie.

Le Praticien doit toutefois préalablement respecter une procédure collégiale.

La procédure collégiale : Article R. 4127-37 aliéna 2 du code de la santé publique

Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative.

Mais il est tenu de le faire après consultation de la personne de confiance, de la famille ou à défaut des proches et au vu des directives anticipées éventuellement rédigées par le patient préalablement à son hospitalisation ou pendant celle-ci lorsqu’il était encore en état d’exprimer sa volonté.

Ces directives anticipées valables trois ans peuvent être détenues par un tiers (famille, amis etc.) ou versées au dossier médical du médecin-traitant ou de l’établissement de santé.

Les détenteurs des directives anticipées, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l'un des proches doivent être informés immédiatement par le médecin en charge du patient de la décision qu’il a prise de mettre en œuvre cette procédure collégiale.

Cette décision est prise après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant.

La décision de l’équipe médicale doit être consignée dans le dossier médical.

Elle doit par ailleurs être motivée. Y est en effet mention de :

- des avis recueillis, - de la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins, - des les motifs de la décision.

La personne de confiance, la famille ou, à défaut, l'un des proches du patient sont informés de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement.

5. L’urgence

 Le cas du majeur

Par principe, le médecin ne peut passer outre le refus de soins décidé par le patient majeur, sous peine d’encourir de lourdes sanctions civiles, disciplinaires, administratives ou pénales.

Toutefois, le Juge administratif a eu l’occasion de juger que les médecins ne portent pas atteinte aux droits du patient lorsque, après avoir tout mis en œuvre pour convaincre la personne d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent dans le but de le sauver un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état.

Tribunal Administratif de LILLE, 25 août 2002, GUISLAIN :

Une patiente a informé l'équipe médicale, tant oralement que par la signature d'une décharge de responsabilité, qu'en raison de ses convictions, elle refusait qu'une transfusion sanguine lui soit administrée.

Pourtant, les médecins ont procédé contre son gré à une transfusion sanguine, en violation des dispositions de l'article L 1111-4 du Code de la santé publique réglementant le principe de l'inviolabilité du corps humain qui se rattache au principe constitutionnel de la sauvegarde de la personne humaine et de la liberté individuelle.

Dès lors, le Tribunal administratif a jugé que l'accomplissement d'un acte médical par le Centre Hospitalier en l’absence de consentement libre et éclairé du patient majeur constitue une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, dans la mesure où il n’est pas prouvé que le refus de respecter la volonté de la patiente aurait été rendu nécessaire du fait d'un danger immédiat pour sa vie.

CE 16 août 2002, n° 249552 :

« Le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale.

Toutefois, les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'article 16-3 du code civil et par celles de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu'après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état.

Le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9. C'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif (…) a décidé que l'injonction qu'il adressait au centre hospitalier universitaire de s'abstenir de procéder à des transfusions sanguines sur une patiente, témoin de Jéhovah, cesserait de s'appliquer si l'intéressée venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital. Il y a lieu toutefois d'ajouter à la réserve mentionnée par le juge des référés qu'il incombe au préalable aux médecins du centre hospitalier d'une part de tout mettre en oeuvre pour convaincre la patiente d'accepter les soins indispensables, d'autre part de s'assurer que le recours à une transfusion soit un acte indispensable à la survie de l'intéressée et proportionné à son état ».

Dès lors, sans qu’il s’agisse d’un principe général et absolu, les juges sont enclins à ne pas sanctionner un praticien qui n’a pas respecté la volonté de son patient de ne pas subir un traitement médical ou une intervention chirurgicale.

Il doit toutefois s’agir :

- d’une urgence vitale - d’un soin ou d’un traitement ne permettant aucune alternative thérapeutique

 Le cas du mineur et du majeur protégé

Il sera rappelé que seul le tuteur ou le titulaire de l’autorité parentale prend les décisions concernant la santé du majeur protégé ou du mineur.

Toutefois, l’article L. 1111-4 alinéa 5 du code de la santé publique dispose que « si le refus entraîne des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables ».

Cette notion de « conséquences graves » n’est pas précisée par la Jurisprudence.

Le praticien doit donc apprécier en conscience si les refus de soins auxquels il est confrontés sont assimilables à des refus entraînant des conséquences graves pour le patient mineur ou majeur protégé.

Toutefois, sont incontestablement assimilés à des conséquences graves, les risques d’atteinte à l’intégrité physique (invalidité) et les risques vitaux (décès).

En tout état de cause, lorsque les représentants légaux des patients mineurs ou majeurs protégés refusent des soins urgents indispensables à leur survie, le praticien doit immédiatement en informer le Procureur de la République, ce type de comportement étant en effet assimilable à des sévices ou à des actes de privation (Cf. article 226-14 du code pénal).

A défaut de dénonciation, le Praticien peut être poursuivi pénalement pour non assistance à personne en péril et il encourt à ce titre une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000,00 euros d’amende. Article 226-14 du code pénal :

« L’article 226-13 (relatif à la sanction de la violation du secret professionnel) n'est pas applicable (…) au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.

Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ».

CONCLUSION

Aucune intervention ni aucun soin ne peut être pratiqué sans le consentement du patient ou du représentant légal de ce dernier.

Sauf exceptions susmentionnées, le médecin ne peut passer outre la volonté du patient ou de son représentant légal de ne pas subir un traitement médical ou une intervention chirurgicale.

Lorsque le praticien outrepasse le refus de soins opposé par un malade, il lui est conseillé de mentionner dans le dossier médical les raisons de cette décision, en prenant soins de préciser les circonstances dans lesquelles le patient, les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur ont été informés et ont refusé les soins ou intervention proposés.

En outre, dans une telle hypothèse, il est toujours souhaitable que le médecin — outrepassant le refus de soins d’un patient —demande l’avis d’un confrère.

mardi 8 avril 2014

LE SECRET PROFESSIONNEL DU MEDECIN

LE PRINCIPE DU SECRET PROFESSIONNEL

L’article R.4127-4 du code de la santé publique dispose que « le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. (Il) couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».

Les personnes soumises au secret professionnel

L’article L. 1110-4 aliéna 2 du code de la santé publique dispose que le secret professionnel s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Toutefois, plusieurs professionnels de santé peuvent, sauf opposition du patient dûment averti, échanger des informations médicales concernant un patient et couvertes par le secret si cela a pour but d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible.

Cet échange d’information n’est possible que lorsque les praticiens interviennent dans une prise en charge commune d’un même patient.

Lorsque la personne est prise en charge dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées à l’ensemble de l’équipe médicale. Le consentement du patient n’est en effet pas nécessaire.

Dans les maisons ou centres de santé, l’échange d’informations entre les professionnels de santé de la structure adhérant au projet de santé est soumis au consentement exprès du patient.

Dans tous les cas, la personne peut toujours refuser que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé, nommément désignés.

Les informations couvertes par le secret professionnel

Le médecin doit garder secret tout ce que le patient a pu lui révéler, sur lui-même ou sur ses proches, lors des différentes consultations.

Le secret couvre tant les informations concernant l’état de santé du patient que celles relative à son identité (nom, adresse etc.) ainsi que les autres confidences délivrées en dehors du strict cadre des soins donnés.

La confiance du patient est une nécessité. En effet, le patient doit avoir la certitude que le praticien respectera le secret professionnel. Le patient doit avoir une confiance absolue en son médecin. A défaut, il se peut que le patient ne dévoile pas toutes les informations pourtant indispensables à sa bonne prise en charge médicale.

Les sanctions de la violation du secret professionnel

  • Sur le plan pénal

En cas de violation du secret médical, le praticien encourt une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000,00 euros d’amende (Cf. Article 226-13 du code pénal).

  • Sur le plan disciplinaire

Le praticien peut également être sanctionné disciplinairement par le Conseil de l’Ordre des Médecins.

Les sanctions professionnelles encourues sont :

  • l’avertissement,
  • le blâme,
  • l’interdiction temporaire ou permanente d’exercer,
  • la radiation du tableau de l’Ordre.

Arrêt du Conseil d’Etat, 30 janvier 1963 : L'instance disciplinaire n'est pas liée par la qualification pénale retenue à l’encontre du praticien et n'est pas tenue par la sanction judiciaire éventuellement prononcée contre lui.

  • Sur le plan civil

La victime d’une divulgation peut saisir le juge civil pour obtenir des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de cette violation du secret professionnel par le praticien.

Le patient doit toutefois rapporter la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute du praticien et le(s) préjudice(s) allégué(s).

LES DEROGATIONS LEGALES AU SECRET PROFESSIONNEL

Le respect du secret professionnel par le praticien est la règle.

Même si le patient autorise son médecin à lever le secret professionnel sur des informations le concernant, ce dernier ne pourra en aucun cas le faire et ce, même après la mort de son patient.

L’accord du patient ne délie pas le médecin du secret professionnel.

En effet, le secret professionnel est un principe général et absolu.

Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 mai 1947 – Arrêt DEGRAENE : «L'obligation du secret professionnel s'impose aux médecins comme un devoir de leur état. Elle est générale et absolue et il n'appartient à personne de les en affranchir »

Toutefois, il existe des cas où la loi autorise ou impose au médecin de révéler des informations médicales concernant l’un de ses patients.

Ces révélations, qui doivent être nécessaires, non excessives et pertinentes par rapport au but poursuivi par la loi, ne peuvent faire l’objet d’aucune sanction.

Les « dénonciation » imposées

1) Le médecin est obligé de déclarer les naissances.

Article 56 du code civil : « La naissance de l'enfant sera déclarée par le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement ; (…). L’acte de naissance sera rédigé immédiatement ».

2) Le médecin doit déclarer les décès.

Article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales : « L'autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu'au vu d'un certificat, établi par un médecin, attestant le décès.

Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, précise la ou les causes de décès, aux fins de transmission à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et aux organismes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (…) ».

3) Le médecin doit déclarer les maladies contagieuses aux agences régionales de santé.

Article L. 3113-1 du code de la santé publique : « Font l'objet d'une transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés : 1° Les maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale ; 2° Les maladies dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la politique de santé publique (…) ».

4) Le médecin doit établir des certificats médicaux circonstanciés en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

  • Accidents du travail :

Article L. 441-6 du code de la sécurité sociale : « Le praticien établit, en double exemplaire, un certificat indiquant l'état de la victime et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles, en particulier la durée probable de l'incapacité de travail, si les conséquences ne sont pas exactement connues. Il adresse directement un de ces certificats à la caisse primaire et remet le second à la victime.

Lors de la guérison de la blessure sans incapacité permanente ou, s'il y a incapacité permanente, au moment de la consolidation, un certificat médical indiquant les conséquences définitives, si elles n'avaient pu être antérieurement constatées, est établi en double exemplaire. L'un des certificats est adressé par les soins du praticien à la caisse primaire, le second est remis à la victime, ainsi que toutes les pièces ayant servies à l'établissement dudit certificat. (…) ».

  • Maladie professionnelle :

Article L. 461-5 du code de la sécurité sociale : « Toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée (…) doit être, par les soins de la victime, déclarée à la caisse primaire dans un délai déterminé, même si elle a déjà été portée à la connaissance de la caisse (…).

Le praticien établit en triple exemplaire et remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie, notamment les manifestations (…) constatées ainsi que les suites probables (…).

Ces exemplaires du certificat doivent être joints, par la victime, à sa déclaration faite auprès de la sécurité sociale, à charge pour cette dernière de la transmettre à l’inspecteur du travail de l’entreprise où est employé le salarié « malade ».

Les « dénonciations » autorisées

1) Le médecin peut informer la famille, les proches ou la personne de confiance de son patient d’un diagnostic ou d’un pronostic grave et ce, afin de leur permettre de soutenir ce dernier.

Article L. 1110-4 alinéa 8 du code de la santé publique : « En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance (…) reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part (…) ».

2) Le praticien, conformément à l’article L. 1110-4 aliéna 9 du code de la santé publique, peut délivrer certaines informations aux ayants droit d’un patient décédé mais seulement si ces derniers souhaitent :

  • connaître les causes de la mort du défunt,
  • défendre la mémoire du défunt,
  • faire valoir les droits des ayants droit.

Le praticien devra taire ces informations si le patient s’y est opposé de son vivant.

3) Le médecin peut dénoncer au Procureur de la République les sévices ou privations physiques ou psychiques qu’il constate dans l’exercice de sa profession.

Article 226-14 du code pénal : « (Le secret professionnel) n'est pas applicable : (…) 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises (…) ».

Le médecin doit toutefois obtenir l’accord de son patient pour dénoncer ces sévices ou privations.

Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne vulnérable qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, le praticien doit « dénoncer » ces sévices ou privations, sous peine d’être poursuivi pour non-assistance à personne en péril et d’encourir une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000,00 euros d’amende (Cf. Article 223-6 du code pénal).

Cette dénonciation doit décrire objectivement ce que le médecin a constaté (lésions etc.). Elle ne doit en aucun cas mettre en cause un tiers.

4) Le médecin a l’autorisation d’informer les autorités administratives de la dangerosité d’un de ses patients.

Article 226-14 du code pénal : « (Le secret professionnel) n'est pas applicable : (…) aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une ». Il sera souligné qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive de dérogations légales mais des principales situations auxquelles les praticiens sont généralement confrontés.

MISES EN SITUATION

1) Le secret médical face à la Police ou à la Justice

  • Réquisitions « pénales »

En cours d’enquête ou d’instruction pénale, il peut arriver qu’un Officier de Police Judiciaire ou un Magistrat (Procureur de la République ou Juge d’Instruction) sollicite du médecin qu’il communique des éléments d’information sur un de ses patients faisant l’objet de cette enquête ou de cette instruction.

En aucun cas le praticien ne doit répondre à ces réquisitions en fournissant des informations concernant son patient.

Il devra en effet attendre qu’une perquisition judiciaire, aux fins de saisie, soit organisée dans son cabinet médical.

Article 56-3 du code de procédure pénale : « Les perquisitions dans le cabinet d'un médecin (…) sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre ou de l'organisation professionnelle à laquelle appartient l'intéressé ou de son représentant ».

Le membre du Conseil de l’Ordre présent lors de la perquisition doit veiller à ce que les documents saisis soient en rapport avec l’enquête ou l’instruction et soient utiles à sa résolution.

A défaut, les objections de ce dernier devront être consignées dans le procès-verbal de saisie.

  • Certificat médical et irresponsabilité pénale du patient

Même si un Juge ou un Avocat le sollicite pour prouver l’irresponsabilité pénale d’une personne ayant commis un crime ou un délit, aucun certificat médical attestant de troubles psychiques ne peut être dressé par le praticien l’ayant pris en charge.

Il revient en effet au Juge ou à l’Avocat, s’il l’estime nécessaire, de solliciter que soit diligentée une mesure d’expertise judiciaire « psychiatrique » visant à prouver cet état pathologique.

  • Le témoignage en justice

Le praticien ayant pris en charge un patient ne doit jamais témoigner sur des faits dont il a eu connaissance sur ce patient dans le cadre de son activité professionnelle (date de consultation, adresse du patient, soins prodigués, crime ou délit commis etc.).

Toutefois, lorsqu'un médecin est poursuivi en justice par un patient ou sa famille, le secret médical ne s’impose alors plus à lui.

Il peut porter à la connaissance du Juge ou de la Police tous les documents utiles à la manifestation de la vérité et ce, dans le strict respect des droits de la défense.

  • Réquisitions « civiles »

Lorsqu’une personne s’estime victime d’un accident médical et souhaite engager la responsabilité civile d’un médecin, elle doit alors saisir la juridiction civile ou la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (dite « CRCI ») compétente afin qu’une expertise médicale soit diligentée et qu’il soit statué sur les éventuelles responsabilités des praticiens et/ou établissements de santé l’ayant prise en charge et sur l’évaluation de ses préjudices.

Pour mener à bien sa mission, l’Expert médical désigné sollicite systématiquement la communication des documents médicaux concernant la « victime », qui sont détenus par les médecins et/ou établissements de santé mis en cause par cette dernière.

Le médecin doit obligatoirement déférer à cette demande en communiquant à l’ensemble des parties au procès tous les éléments d’informations dont il dispose sur ce patient et ce, afin de respecter le respect du principe du contradictoire.

Le secret professionnel s'applique différemment selon qu'il s'agit d'un procès civil ou d'un procès pénal. En effet, devant les Juridictions civiles et les CRCI, le praticien est tenu de communiquer les informations médicales en sa possession. Il en va différemment lors d’un procès pénal, où il reste soumis au secret professionnel dans les conditions susvisées de l’article 56-3 du code de procédure pénale.

2) Le secret professionnel, l’assurance maladie et la médecine de contrôle

Les médecins-conseils du service de contrôle médical ont un droit d’accès aux informations médicales protégées par le secret médical.

Article L. 315-1, V du code de la sécurité sociale : « (…). Les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission, dans le respect du secret médical ».

Le médecin traitant peut dès lors, à la demande du médecin-conseil du service du contrôle médical, communiquer ces informations.

Toutefois, cet échange doit toutefois remplir certaines conditions :

  • Le patient doit donner son accord,
  • Les renseignements doivent être communiqués sous pli confidentiel à un médecin-conseil nommément désigné et non pas au service du contrôle,
  • Le médecin traitant ne doit confier que les données indispensables à l’exécution de la mission du médecin-conseil.

3) Le secret professionnel et les compagnies d’assurances

Par principe, aucun praticien ne doit déférer aux demandes des compagnies d’assurances sollicitant des informations médicales (dossier médical, certificat médical etc.) sur leurs assurés ou futurs assurés.

Il importe peu que la demande de communication émane du médecin-conseil de la compagnie d’assurance, pourtant soumis au secret professionnel.

En effet, seul le patient peut remettre à sa compagnie d’assurance les documents médicaux le concernant.

Il lui revient donc de demander à son médecin qu’il lui délivre le(s) document(s) exigé(s) par sa compagnie d’assurance, à charge pour lui de le(s) remettre directement à celle-ci.

  • Questionnaires médicaux et adhésion du patient à un contrat d’assurance

Les Compagnies d’assurance sollicitent systématiquement du patient souhaitant souscrire un contrat d’assurance, qu’il fasse remplir par son médecin traitant un questionnaire médical.

Le médecin traitant ne peut en aucun cas remplir et signer un tel questionnaire. En effet, en faisant cela, il devient médecin-conseil de la Compagnie d’assurance et change alors de casquette.

Or, selon l’article R. 4127-105 du code de la santé publique, « nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade.
 Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches (…) ».

Le patient doit donc faire remplir ce questionnaire par un médecin différent de son médecin traitant.

  • Certificat médical, décès du patient et contrat d’assurance-décès

En cas de décès d’un patient, les ayants droit peuvent avoir besoin de produire, à la compagnie d’assurance du défunt, un certificat médical mentionnant les causes de la mort et ce, afin d’obtenir le versement d’un capital-décès dont ils bénéficient au titre d’un contrat d’assurance souscrit par « l’assuré » de son vivant.

En effet, il est fréquent que les Compagnies d’assurances sollicite des ayants droit qu’ils communiquent des documents justifiant les causes de la mort et ce, afin de s’assurer que ces causes ne font pas l’objet d’une exclusion de garantie mentionnée dans le contrat d’assurance.

Dans cette hypothèse, le praticien est en droit de dresser un certificat médical, celui-ci devant toutefois uniquement mentionner qu’il s’agit d’une mort naturelle, accidentelle, due à une maladie ou étrangère à la clause d’exclusion du contrat d’assurance dont il a connaissance.

Naturellement, il ne devra en aucun cas mentionner la cause précise de la mort, à savoir par exemple la pathologie dont souffrait son patient.

  • Certificat médical, voyage et assurance annulation

Un certificat d’hospitalisation ou de traitement en cours est suffisant pour qu’un patient assuré obtienne le remboursement de son billet d’avion dans les suites d’une annulation pour cause de « maladie ».

La compagnie d’assurance n’est pas en droit de soumettre ce remboursement à d’autres conditions contractuelles, telles la nécessité de justifier des causes de l’accident ou de la maladie ayant empêché le voyage.

Arrêt Cass. 1ère Civ., 18 mars 1986, n° 84-15702, GAMF C/ Société SUNAIR France : « (…). Est, dès lors, légalement justifiée la décision d'une Cour d'appel qui statuant dans un litige relatif à l'exécution d'un contrat d'assurance garantissant le remboursement de frais d'annulation de voyage, ainsi que des frais de retour ou de prolongation de séjour consécutifs à une maladie ou à un accident- déclare nulle comme étant contraire à l'obligation au secret médical une clause dudit contrat d'assurance obligeant l'assuré à produire un certificat médical précisant la nature et la gravité de la maladie ou de l'accident ainsi que des conséquences prévisibles ».

4) Le secret professionnel, les maisons départementales des personnes handicapées et les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (dites MAIA)

Le médecin peut adresser un certificat médical en vue de l’inscription de son patient dans une maison départementale des personnes handicapées mais à la seule condition que ce certificat médical soit adressé au médecin de l’équipe pluridisciplinaire (composée de médecins, infirmiers, psychologues, spécialiste du travail social ou de l’accueil scolaire etc).

En effet, seuls les professionnels de santé prenant en charge un même patient peuvent partager des informations le concernant, à l’exclusion des professionnels du secteur médico-social.

Dès lors, c’est le médecin ayant reçu les informations couvertes par le secret médical qui doit les communiquer à l’équipe, à charge toutefois pour ce dernier de faire le tri entre celles qui sont pertinentes et nécessaires aux membres de cette équipe dans les limites de leurs attributions respectives et de l’exercice de leur mission.

Il en est de même lorsqu’un praticien adresse un patient dans une MAIA.

CONCLUSION

Le droit au secret professionnel est un droit général et absolu pour le patient qui est protégé par le Code de la santé publique et le code pénal.

Sauf dérogations légales, c’est également un devoir pour tout médecin.

Toutefois, il arrive parfois que ce droit/devoir entre en conflit avec d’autres principes ou d’autres intérêts. Le praticien a alors des difficulté à savoir quel comportement adopter pour ne pas enfreindre le secret professionnel auquel il est soumis.

En cas de doute, il lui est conseillé de se renseigner auprès du Conseil et l’Ordre et/ou de ne pas divulguer d’informations ou de documents au(x) tiers qui en font la demande.

vendredi 7 février 2014

LE DOSSIER MEDICAL DE L'ETABLISSEMENT DE SANTE ET/OU DU PRATICIEN LIBERAL

INTRODUCTION

Les articles R. 1112-2 et R. 4127-45 du code de la santé publique disposent :

« Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé ou en consultation externe »

« Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ».

Dès lors, pour chacun de leurs patients, tant les établissements de santé que les praticiens libéraux doivent tenir un dossier médical dont la consultation par le patient et la communication à ce dernier est très encadrée par la loi.

I – LES BENEFICIAIRES DE L’ACCES AU DOSSIER MEDICAL

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé, détenues à quelque titre que ce soit par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».

La notion de « toute personne » vise :

  • le patient lui-même ;
  • les ayants droits du patient décédé ;
  • les titulaires de l’autorité parentale pour le patient mineur ;
  • le tuteur pour le patient, majeur incapable ;

Tout médecin, dont la communication du dossier médical est sollicitée, doit systématiquement demander un justificatif d’identité tel que :

  • la carte nationale d’identité du patient ;
  • le testament prouvant la qualité d’ayant droit ;
  • le livret de famille prouvant l’autorité parentale sur le mineur ;
  • le jugement rendu par le Juge des tutelles pour attester de la qualité de représentant légal du majeur protégé ;

Si le médecin a un doute sur l’identité de la personne sollicitant la communication du dossier médical et donc sur son droit à l’obtenir, le médecin doit refuser de communiquer ce dossier médical.

A défaut, si le dossier venait à être communiqué à une personne non bénéficiaire de ce droit, le médecin pourrait être poursuivi pour violation du secret professionnel.

1. Le patient majeur

a - Le patient en état d’exprimer sa volonté

Lorsqu’un patient majeur souhaite la communication de son dossier médical, le médecin ne peut pas s’y opposer.

Il est important de souligner que la demande du patient majeur n’a pas à être motivée.

Le dossier médical peut être soit, consulté sur place directement par le patient ou par l’intermédiaire d’un médecin soit, communiqué par voie postale.

C’est le patient qui choisit le mode de communication de son dossier médical.

Lorsque le patient ne fait aucun choix, le praticien informe ce dernier, qu’à défaut de choix, le dossier sera communiqué de telle ou telle manière.

b - Le patient hors d’état d’exprimer sa volonté

Le code de la santé publique ne prévoit que le cas du patient majeur en état de s’exprimer qui souhaite accéder à son dossier médical.

En effet, la loi ne prévoit pas le cas du patient hors d’état d’exprimer sa volonté, dont les proches souhaiteraient la communication du dossier médical.

Dès lors, théoriquement dans cette hypothèse, nul ne peut avoir accès au dossier médical de ce patient.

2. Les ayants droit du patient décédé

a - Définition de l’ayant droit

Ont la qualité d’ayants droit d’une part, les successeurs légaux du défunt et d’autre part, les successeurs testamentaires.

Par successeurs légaux, il faut entendre, le conjoint du défunt, les enfants du conjoint et/ou du défunt.

Avis de la Commission d’accès aux documents administratifs du 12/01/2012 : La Commission dite « CADA » a rendu un avis selon lequel elle refuse de communiquer le dossier médical demandé par les parents d’un patient décédé s’ils ne rapportent pas la preuve que le défunt n’a ni conjoint ou descendants ni légataires testamentaires.

La notion « d’ayant droit » est donc différente de celle de « famille » ou de « proche », un ayant droit n’ayant en effet pas nécessairement de lien de parenté avec le patient décédé.

b – Les motifs permettant aux ayants droit d’accéder au dossier médical du défunt

A l’inverse du patient majeur qui peut accéder à son dossier médical pour n’importe quel motif, les ayants droit ne peuvent accéder au dossier médical du patient décédé que dans trois hypothèses :

- connaître les causes de la mort du défunt ; - défendre la mémoire du défunt ; - faire valoir un droit ;

➢ Connaître les causes de la mort du défunt

Ce motif ne pose pas de difficultés particulières contrairement aux deux autres motifs.

En effet, tout ayant droit doit pouvoir connaître les raisons ayant entraîné le décès du De Cujus.

Le médecin, auquel la demande de communication du dossier médical est faite, ne devra communiquer que les seuls éléments relatifs aux causes du décès.

➢ Défendre la mémoire du défunt

L’ayant droit peut accéder au dossier médical d’un patient décédé si cet accès lui permet de faire cesser une attaque publique ou une rumeur infondée sur les causes de la mort du patient décédé.

L’ayant droit doit toutefois préciser au médecin, auquel il est demandé la communication du dossier, la nature de l’attaque publique et ce, afin de permettre au médecin de communiquer les seuls éléments d’information en rapport.

A défaut de précision apportée par l’ayant droit sur la nature de cette attaque publique, le médecin ne pourra communiquer aucun élément du dossier médical du De Cujus, sous peine d’engager sa responsabilité pour avoir dévoilé des informations couvertes par le secret professionnel.

➢ Faire valoir les droits de l’ayant droit

L’ayant droit peut solliciter la communication du dossier médical du patient décédé si cela lui permet de faire valoir un droit, tel qu’obtenir le bénéfice d’un contrat d’assurance ou d’un testament.

Exemples :

- Le contrat d’assurance :

Un ayant droit peut avoir besoin de connaître les causes de la mort du défunt lorsque celles-ci conditionnent le bénéfice de la garantie d’une assurance à son profit.

- Le testament :

Un ayant droit peut avoir besoin de savoir si le patient défunt était sain d’esprit au moment de la signature d’un testament lorsque cela conditionne le bénéfice de ce testament à son profit.

Il est important de souligner que la demande de communication du dossier médical ne peut émaner que de l’ayant droit lui-même.

Si le praticien communique le dossier médical à un tiers qui en fait la demande au bénéfice d’un ayant droit, celui-ci pourra être poursuivi pour violation du secret professionnel.

Arrêt de la Cour d’appel de DIJON du 31 mars 1988 : Un médecin a été condamné pour violation du secret professionnel et ce, pour avoir adressé, à la demande d’un notaire, un certificat médical où il y était mentionné que son patient avait été traité pour une affection de longue durée et qu’il avait toutes ses facultés mentales au moment où il avait contracté le testament contesté.

c – Les informations communicables à l’ayant droit

Le praticien n’a pas l’autorisation de communiquer à l’ayant droit qui en fait la demande l’entier dossier médical du patient décédé.

Il ne doit en effet communiquer que les seuls éléments d’informations qui sont nécessaires à la réalisation d’un des trois objectifs de l’ayant droit (Arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2005).

Si le praticien estime qu’il ne doit pas communiquer d’éléments du dossier médical à l’ayant droit, il peut en refuser la communication mais doit alors inscrire et motiver son refus dans le dossier médical du patient décédé.

3. Les titulaires de l’autorité parentale pour le patient mineur

a - Principe

Seuls les titulaires de l’autorité parentale peuvent accéder au dossier médical de leur enfant mineur, étant toutefois rappelé que les titulaires de l’autorité parentale ne sont pas nécessairement les parents de l’enfant mineur.

b – Exceptions

  • Le mineur non émancipé

Le mineur non émancipé peut demander au praticien à ce que ses représentants légaux n’accèdent à son dossier médical que par l’intermédiaire d’un médecin.

Le choix du médecin intermédiaire est fait par les titulaires de l’autorité parentale sauf si :

- Les titulaires de l’autorité parentale ne sont jamais intervenus dans la prise de décision concernant la santé du mineur ; - Le mineur bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie ; - L’âge du mineur, sa pathologie ou le contexte le justifie etc.

Le mineur non émancipé peut vouloir garder le secret sur un traitement ou une intervention qu’il a subi.

Dès lors, quelque soit l’âge du patient mineur qui en fait la demande, le médecin est tenu de garder le silence sur ce traitement ou cette intervention et ne devra pas communiquer, aux titulaires de l’autorité parentale qui sollicitent la communication du dossier médical du mineur, les éléments d’informations en rapport avec ce secret.

Le praticien doit toutefois toujours tenter de convaincre le mineur d’informer ses représentants légaux de la réalisation de ce soin ou de cette intervention.

  • Le mineur émancipé ou en rupture avec ses parents

Le mineur émancipé de plus de 16 ans ou en rupture avec ses parents a seul accès à son dossier médical comme n’importe quel majeur.

4. Le tuteur pour le patient majeur protégé

Seul le tuteur peut accéder au dossier médical du majeur protégé.

Toutefois, il est nécessaire que la tutelle porte sur la personne même du majeur protégé et pas seulement sur ses biens.

En effet, lorsque la tutelle est une tutelle seulement « économique », le majeur protégé reste libre des décisions concernant sa santé et seul ce dernier peut dès lors avoir accès à son dossier médical.

Le médecin doit donc systématiquement demander au tuteur, sollicitant la communication du dossier médical du majeur protégé, qu’il justifie de sa qualité en produisant la copie du Jugement rendu par le Juge des Tutelles.

Il sera souligné qu’en cas de curatelle ou de sauvegarde de justice, seul le majeur protégé peut avoir accès à son dossier médical.

II – LES INFORMATIONS ACCESSIBLES DU DOSSIER MEDICAL

1. Principe

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé (…). »

Toutes les informations concernant la santé du patient peuvent lui être communiquées si elles ont été formalisées ou ont fait l’objet d’échanges entre praticiens. Il s’agit notamment :

  • des résultats d'examen,
  • des comptes rendus de consultation,
  • des comptes rendus d'intervention,
  • des comptes rendus d'exploration,
  • des comptes rendus d’hospitalisation,
  • des protocoles,
  • des prescriptions thérapeutiques,
  • des feuilles de surveillance,
  • des correspondances entre praticiens etc.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive.

En effet, depuis la loi du 31 janvier 2007, n° 2007-131, les informations contenues dans le dossier médical peuvent être communiquées au patient et ce, même si elles n’ont pas contribué à l'élaboration et au suivi d’un diagnostic et d’un traitement ou d’une action de prévention.

Dès lors, toutes les informations contenues dans le dossier médical semblent devoir être communiquées au patient qui en fait la demande.

En toute logique, les notes personnelles prises par le praticien sur le comportement de son patient lors des consultations ou sur son état d’anxiété suite à l’annonce d’un diagnostic doivent donc également être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Cette loi de 2007 est en contradiction avec le décret du 7 mai 2012 selon lequel les notes personnelles du praticien ne sont ni transmissibles ni accessibles.

Toutefois, il est important de souligner que ce décret a une force juridique inférieure à celle de la loi.

Dès lors, compte tenu de l’incertitude juridique régnant dans ce domaine, il est conseillé au praticien d’éviter de rédiger des notes personnelles ou à tout le moins de les individualiser du reste du dossier médical.

2. Exceptions

Selon l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé (…), à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers »

Les informations sur les tiers ou recueillies auprès des tiers ne sont donc pas communicables au patient.

a- Les informations sur les tiers

Les informations recueillies par le praticien sur les tiers ne doivent pas être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Tel est notamment le cas du praticien qui constate l’état de perversité du père ou de la mère d’un patient mineur et qui l’inscrit dans le dossier médical. Ces informations ne doivent pas être communiquées car elle ne concerne pas directement le patient mineur.

En outre, un patient qui sollicite la communication des éléments de son dossier médical relatifs à sa naissance ne pourra pas obtenir communication des éléments relatifs à l’accouchement de sa mère.

b- Les informations recueillies auprès des tiers

Les informations recueillies par le praticien auprès des tiers, tels que l’employeur ou la famille du patient, ne doivent pas être communiquées au patient qui sollicite la communication de son dossier médical.

Par exemple, un patient hospitalisé en hôpital psychiatrique, qui prendrait connaissance de son entier dossier médical, pourrait éventuellement savoir que c’est sa famille qui est à l’origine de son hospitalisation alors que celle-ci souhaitait le taire.

III – FORMALISME DE LA DEMANDE DE COMMUNICATION DU DOSSIER

1 – Principe

Aucun formalisme n’est exigé concernant la demande de communication du dossier médical par le patient, cette demande pouvant en effet être orale ou écrite, par lettre simple ou lettre recommandée.

Il est conseillé au praticien de mémoriser par écrit la date de la demande du patient et ce, afin de se défendre en cas de litige judiciaire avec celui-ci qui reprocherait un retard ou un refus de communication du dossier médical.

En effet, la date de la demande du patient correspond au point de départ du délai légal dans lequel le praticien doit délivrer ou refuser de délivrer le dossier médical.

2 – Les modes d’accès et de transmission du dossier médical

Le dossier médical peut être consulté gratuitement sur place par le patient, soit, directement soit, par l’intermédiaire d’un médecin.

Une copie du dossier médical peut également être envoyée par le praticien par voie postale aux frais du patient.

Lorsque le patient sollicite la communication de son dossier médical par voie postale, le praticien doit toujours informer le patient du coût de la reproduction, des frais postaux et de son impossibilité de reproduire telles ou telles pièces médicales.

Lorsque le patient sollicite l’accès à son dossier médical sans en préciser le mode, le médecin informe alors son patient qu’à défaut de précision de sa part, il choisira tel ou tel mode de communication.

Lorsqu’il s’agit d’un dossier médical papier, le praticien doit toujours communiquer une copie, le dossier original devant rester à son cabinet.

3 – Le délai de transmission du dossier médical

Selon l’article L. 1111-7 aliéna 2 du code de la santé publique, toute personne « peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, (…) au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie (…) ».

Le dossier médical doit donc être communiqué au patient par le praticien ou par l’établissement de santé dans les huit jours suivant la demande de ce dernier, mais après un délai de réflexion de quarante-huit heures.

Lorsque les informations médicales date de plus de cinq ans, le praticien ou l’établissement de santé a un délai de deux mois pour les communiquer au patient.

Il en est de même lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie.

Saisine de la Commission départementale des soins psychiatriques : Lorsqu’un patient hospitalisé en psychiatrie sans son consentement sollicite la communication de son dossier médical, le responsable de l'établissement, qui estime que la situation du malade l'exige, informe l'intéressé que l'accès à son dossier ne peut avoir lieu qu'en présence d'un médecin. En cas de refus du patient de désigner un médecin accompagnateur, le détenteur des informations saisit alors la commission départementale des hospitalisations psychiatrique, dont l'avis s'impose au demandeur et au détenteur des informations.

IV – CONSERVATION DU DOSSIER MEDICAL

1 – Les débiteurs de la conservation

a – La conservation par l’établissement de santé

Selon l’article R. 1112-7 du code de la santé publique, le dossier médical est conservé sous la responsabilité de l’établissement de santé lorsque le patient y a subi des soins externes ou y a été hospitalisé et ce, pendant une durée de 20 ans à compter du dernier séjour ou de la dernière consultation externe du patient dans l’établissement.

Lorsque la durée de conservation d'un dossier médical s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, alors la conservation du dossier est prorogée jusqu'à cette date.

Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier médical décède moins de dix ans après son dernier passage dans l'établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès.

Ces délais sont suspendus par l'introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l'établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l'établissement.

A l'issue du délai de conservation, le dossier médical peut être éliminé. La décision d'élimination est prise par le directeur de l'établissement après avis du médecin responsable de l'information médicale.

Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l'exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l'administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d'intérêt scientifique, statistique ou historique.

b - La conservation par le praticien libéral

La fiche personnelle dressée pour chaque patient par le praticien libéral exerçant en cabinet de ville ou au sein de l’établissement de santé reste sous sa propre responsabilité.

Toutefois, aucun texte légal ne fixe pour les médecins libéraux, la durée de conservation de leurs archives.

Il semble logique pour le praticien de conserver les dossiers médicaux pendant toute la durée de la prescription de l’action en responsabilité, laquelle est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

Toutefois, le point de départ de ce délai, à savoir la consolidation du dommage, fait planer une incertitude sur la durée de conservation des dossiers médicaux. En effet, l’état de santé du patient peut s’aggraver ce qui repousse alors la date de la consolidation et donc la durée de la prescription de l’action en responsabilité et par voie de conséquence la durée de conservation des dossiers médicaux par le praticien.

En conséquence, il est conseillé au praticien de conserver le dossier médical pendant 30 ans pour un patient majeur et pendant 48 ans pour un patient mineur.

2 – Quelques exceptions au délai de conservation

a – Les clichés argentiques

La détérioration d’un cliché argentique avant l’expiration du délai de conservation du dossier médical ne peut pas être reproché à un praticien ou à un établissement de santé dans la mesure où la durée de conservation de ces clichés n’est que de 10 ans.

b - Les actes transfusionnels

La mention des actes transfusionnels pratiqués et, le cas échéant, la copie de la fiche d’incident transfusionnel figurant dans le dossier médical doivent y être conservées pendant une durée de trente ans conformément aux termes de l’article 4 de la directive européenne précitée du 30 septembre 2005.


3 – La conservation du dossier médical suite à la cessation d’activité du praticien

a - La cessation d’activité temporaire

Lorsque le praticien cesse temporairement son activité professionnelle, il doit transmettre les dossiers médicaux de ses patients à son remplaçant.

b - La cessation d’activité définitive

Lorsque le praticien cesse définitivement son activité, les dossiers médicaux sont mis à la disposition du successeur.

A défaut de successeur, les dossiers sont transférés au médecin nouvellement choisi par le patient pour poursuivre les soins.

En cas de décès du praticien, les dossiers médicaux sont remis soit au successeur soit aux ayants droit du praticien décédé, lesquels peuvent préférer les stocker par une société d’archivage.

V – LES SANCTIONS DU DEFAUT DE COMMUNICATION DU DOSSIER

Aucune sanction légale n’est prévue à l’encontre de l’établissement ou du praticien libéral qui refuse ou qui n’a plus la possibilité de communiquer le dossier médical au patient qui en fait la demande.

Toutefois, malgré cette carence législative, les Juges n’hésitent pas à sanctionner les praticiens ou établissements ayant perdu le dossier médical de leur patient ou ayant refusé injustement de leur en communiquer une copie.

1 – L’impossibilité pour le praticien de communiquer le dossier médical

Les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner le praticien qui est dans l’impossibilité de communiquer à son patient son dossier médical.



Ce praticien est sanctionné soit, du fait du préjudice moral né de la seule violation du droit à avoir accès à son dossier médical soit, parce que cette violation a eu pour conséquence de priver le patient d’une chance de gagner son procès contre le praticien à qui il reproche une faute de prise en charge.

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLES du 7 avril 2011

Le tribunal a jugé que « la perte de ce dossier constitue un manquement à l'article R. 4127-45 du code de la santé publique » et que cette faute « est en relation directe avec le préjudice subi par la patiente, qui a ainsi été privée de la chance d'établir de façon certaine la responsabilité du médecin ».

Le praticien a été condamné à verser à sa patiente 2.000,00 euros de dommages-intérêts pour avoir égaré « malencontreusement et bien regrettablement » son dossier médical. 


Dans le cadre d'un litige avec un patient, la perte du dossier médical est souvent considérée comme suspecte par les Tribunaux qui estiment que le praticien a cherché à dissimuler des éléments qui pourraient lui être défavorables.

Arrêt de la Cour administrative d’appel de LYON du 23 mars 2010, n° 07LY01554 : La Cour administrative d’appel a jugé que « le requérant a subi un préjudice moral certain du fait de la non communication, à laquelle il avait droit, de ses dossiers médicaux (…) ». Le Centre hospitalier a été condamné à verser à ce patient 2.000,00 euros en réparation de son préjudice moral.

La destruction accidentelle, même si elle présente les caractères de la force majeure (incendie, dégâts des eaux) n’empêchera pas le praticien d’être jugé responsable de cette destruction.

2 – Le refus du praticien de communiquer le dossier médical

Jugement du Tribunal de Grande Instance du 14 septembre 2012 : Le tribunal a condamné un médecin à verser au patient, qui sollicitait la communication de son dossier médical, une somme de 500,00 euros et ce, pour résistance abusive du fait du refus injustifié du praticien concernant la communication dudit dossier.

CONCLUSION

Le patient, ses représentants légaux, son tuteur ou ses ayants droit peuvent avoir à tout moment besoin d’accéder au dossier médical et notamment en cas d’action judiciaire qu’il souhaite intenter à l’encontre d’un praticien et/ou d’un établissement de santé à qui il reproche un défaut de prise en charge.

Dans cette hypothèse, le dossier médical devient alors une véritable arme de défense.

Il est donc important que le praticien et/ou l’établissement de santé tienne pour chaque patient un dossier médical parfaitement clair et lisible et qu’il s’assure de leur conservation pendant le délai qui leur est imposé ou conseillé.

mardi 1 octobre 2013

CARACTERE INJURIEUX DE L'INSTALLATION DE CAMERAS ET MICROS AU DOMICILE CONJUGAL

Un mari a installé des micros et caméras dans le domicile conjugal afin de surveiller son épouse pour s'assurer qu'elle n'entretient pas une relation extra-conjugale. Ce fait présente un caractère injurieux pour son épouse, qui entretenait bien malgré tout une relation dépassant le caractère professionnel. Il s'agit en l'espèce d'une faute grave et renouvelée qui " rend intolérable le maintien de la vie commune".

Conséquence : divorce prononcé aux torts partagés des époux.

Cf. CA Amiens, 27 juin 2013

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